19/02/14

Certificats verts wallons en 2014 : naissance de Qualiwatt et cendres de Solwatt (mise en réserve des CV)

Alors que le Parlement wallon s’apprête à voté le décret dit « Qualiwatt », le Gouvernement travaille au mécanisme de financement externe des certificats verts « Solwatt ».

Si l’année 2013 a largement freiné le système des certificats verts (CV) en soutien à la filière photovoltaïque, le dossier n’est pas pour autant clos. En effet, le Moniteur belge de 2014 devrait compter parmi ses lignes des mesures importantes annoncées au fil de ces 12 derniers mois et destinées à être publiées avant le rendez-vous électoral du dimanche 25 mai. S’ouvre ainsi la perspective d’un nouveau régime et de la mise en place d’une gestion de la réussite passée.

Dans ce contexte, la Commission Energie du Parlement wallon a approuvé le 7 janvier 2014, le texte du décret Qualiwatt qui vise le remboursement d’une installation en 8 ans et un taux de rentabilité de 5% (y compris au-delà du remboursement). Le Ministre en charge, Jean-Marc Nollet, a souligné le « nouvel élan pour le photovoltaïque en Wallonie » qui assure également « la maitrise complète du financement du mécanisme de soutien ». Les modifications nécessaires au décret du 12 avril 2001 relatif à l’organisation du marché régional de l’électricité ont été adoptées à la séance plénière du Parlement wallon du 22 janvier 2014 et nécessiteront des mesures d’exécution de la part du Gouvernement. Le décret devrait rentrer en vigueur le 1er mars 2014 ; même si le système Qualiwatt peut déjà fictivement être considéré comme opérationnel puisque le versement de la prime aux nouvelles installations déjà commandées est prévu après le passage d’un organisme de contrôle dont la visite pourra être programmée dès la fin du parcours législatif du texte juridique.

En ce qui concerne le deuxième aspect du dossier photovoltaïque, la CWaPE a publié le 3 janvier 2014 son avis sur le mécanisme de financement externe des CV et sur les exonérations de la surcharge ELIA. Pour rappel, la bulle des certificats verts générée par le succès du régime Solwatt a contraint le gestionnaire du réseau de transport (ELIA), obligataire de rachat des CV à 65 euros par défaut, a fixé un niveau de surcharge à charge des clients finals atteignant plus de 13 euros par MWh. Afin de plafonner l’impact sur les clients finals et d’assurer la post-gestion des CV Solwatt « en banque » et à venir, le Gouvernement entend permettre à ELIA de confier à une (ou plusieurs) « personne morale de droit public exclusivement détenue par des personnes de droit public » « une ou des missions portant sur l’acquisition en leur nom et pour leur compte, au prix fixé par le Gouvernement » de CV et sur « la mise en réserve des CV ainsi acquis ». Cette personne morale de droit public sera agréée pour cette mission par le Gouvernement. Fin décembre 2013, l’intercommunale liégeoise ECETIA, proche de l’intercommunale TECTEO, semblait toute désignée.

L’avant-projet de décret modifiant le décret électricité expose ainsi le principe retenu. Chaque trimestre ELIA devra établir une prévision indicative (sur six mois) de la quantité de CV émanant des producteurs, en mentionnant, le cas échéant, le volume indicatif de CV à acquérir par un tiers. A la clôture du trimestre, ELIA informera la CWaPE et la CREG de la différence entre les recettes générées par la surcharge actuelle (à priori, plafonnée) et les demandes de rachat a Solwat tdressées à ELIA. Sur cette base, ELIA proposera à la CWaPE un volume de CV à acquérir par le tiers et la CWaPE validera ce volume à la clôture de chaque mois. Ces CV seront alors mis en réserve, pour une durée de maximum 10 ans (tout en prolongeant la durée de vie des CV pour une durée analogue). Par la suite, tous les 6 mois, si le prix des CV sur le marché est égal à leur prix d’acquisition, ils seront revendus sur le marché. Dans le cas contraire, au terme de la période de mise en réserve, ils seront rachetés par ELIA au prix d’acquisition par le tiers. Le Gouvernement espère ainsi lisser la bulle en revendant des CV mis en réserve lorsqu’ELIA ne devra plus faire face à une demande massive de rachat par les producteurs. A noter enfin que la mise sur le marché ou la revente de CV mis en réserve ne se fera qu’après concertation avec la CWaPE.

Le même avant-projet prévoit, pour les années 2013 à 2022, une exonération partielle de la surcharge ELIA de 85% pour les clients finals en accord de branche et de 50% pour ceux qui relèvent des codes NACE section D (entreprises manufacturières), 85 (enseignement), 01 (culture et production animale), 86 (hôpitaux) et 87-88 (médico-social). Par contre, ces clients finaux supporteront les charges financières et administratives résultant de la mise en réserve des CV, au prorata de leur quantité d’énergie exonérée. La CWaPE a fait le calcul : les exonérations partielles devraient bénéficier à environ 175.000 entreprises et le coût financier pour elles pourrait correspondre à minimum 10% de l’exonération.

Dans son avis sur l’avant-projet de décret, la CWaPE a souligné qu’en prévoyant la mise sur le marché ou la revente des CV mis en réserve « après concertation avec la CWaPE », l’avant-projet exposait cette dernière à « un risque involontaire de manipulation de marché et particulièrement du prix du marché, en donnant la possibilité d’influencer le nombre de CV injectés sur le marché et le moment de cette injection ». Pour la CWaPE, les conditions de revente devraient être définies dans le texte du décret pour que les acteurs disposent d’une information comparable. A défaut, le mécanisme retenu risque de se heurter aux critiques des autorités de la concurrence. En ce qui concerne la prise en charge des coûts liés à la mise en réserve, la CWaPE met en avant que les exonérés partiels supportent des coûts non liés à leur propre consommation. Selon le régulateur, un mécanisme plus simple devrait être adopté, tel un abaissement de l’exonération couplé à une prise en charge des coûts par ELIA.

La mise en réserve des CV imaginée par le Gouvernement est à l’image des discussions européennes relatives au back-loading des quotas d’émission de CO2. Cependant, il ne nous semble pas pertinent de parler d’un financement externe du système. En effet, la solution de portage retenue par le Gouvernement vise uniquement à lisser la bulle pour limiter les impacts brutaux à court terme, tout en maintenant les coûts à charge des mêmes contribuables - sans compter que l’externalité a aussi un coût à charge des exonérés partiels. Aucun financement externe n’est donc en réalité prévu.

Le dossier photovoltaïque a fait couler beaucoup d’encre. Presqu’un an après l’arrêt du régime Solwatt, le Gouvernement prend des mesures tournées pour l’avenir et assure le financement du passé dans un contexte général de révision du décret électricité. Les textes rassurent aussi : le spectre d’une modification rétroactive touchant aux droits acquis antérieurement, s’éloigne. Et si le soleil ne brillera plus sur CV, n’oublions cependant pas que le mécanisme reste en place pour l’éolien et les autres sources d’énergie renouvelable. Les CV bénéficieront donc encore de quelques beaux jours de vent, à défaut de soleil.

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