Lorsque votre bolide flambant neuf tombe en panne, vous pouvez soit vous adresser à un réparateur officiel, soit opter pour un service de réparation indépendant, ce qui vous coûtera souvent moins cher. Mais si c’est votre montre de luxe qui rend l’âme, vous n’aurez bien souvent pas le choix. Seul un ensemble de réparateurs triés sur le volet peuvent se présenter comme « réparateurs officiels » et eux seuls ont encore accès aux pièces de rechange et au savoir-faire nécessaires pour pouvoir réparer votre montre. Un tel réseau fermé de réparateurs est-il toutefois bien légal ? La question a été posée à l’Europe.
Aujourd’hui, divers secteurs ont tendance à opter pour un réseau de réparateurs plus restreint mais offrant une meilleure qualité de services. Au sein de ces secteurs, fabricants et importateurs ont l’ambition d’offrir au marché de services secondaires la qualité et le luxe qu’ils offrent à leurs clients sur le marché de produits primaires. Pour ce faire, ils font le choix de travailler avec un nombre limité de réparateurs qui satisfont à des critères stricts, objectifs et non discriminatoires. Seuls les réparateurs sélectionnés sur la base de ces critères reçoivent des pièces de réparation adéquates.
Peut-être vous interrogez-vous également sur la légalité de cette tendance visant à réduire le nombre de réparateurs ? Qu’en est-il de la libre concurrence sur le marché de la réparation ? L’ordonnance rendue le 23.10.2017 par le Tribunal de l’Union européenne dans l’affaire T712/14 opposant la Confédération européenne des associations d’horlogers-réparateurs à la Commission européenne permet d’y voir plus clair.
Réseau de réparation ouvert dans le secteur automobile
Traditionnellement, le secteur des véhicules motorisés dispose de sa propre législation, avec ses propres directives. La Commission européenne ne cache pas qu’elle souhaite à tout prix que le marché de réparation reste un marché ouvert. Cela veut dire qu’en règle, les « 3T » (informations techniques, tools et training) doivent également être mis à la disposition des « acteurs du marché indépendant », c’est-à-dire les réparateurs indépendants mais également les services de dépannage ou encore les distributeurs de pièces de rechange.
En bref, dans le secteur automobile, les portes du réseau de réparation doivent fondamentalement rester ouvertes, et le savoir-faire et les pièces de rechange ne peuvent pas être réservés au réseau officiel.
Réseau de réparation fermé dans le secteur des montres de luxe
L’arrêt récent du 23.10.2017 a examiné si cette obligation d’« ouverture » du réseau de réparation s’applique également au segment des montres de luxe. Le juge saisi de cette question en est arrivé à la conclusion, comme l’avait fait précédemment la Commission, que les règles du secteur automobile ne s’appliquent pas en l’espèce. Le Tribunal européen considère en effet que le marché de réparation dans le secteur horloger est beaucoup moins rentable et que, de surcroît, la nécessité pour le client de disposer d’un grand nombre de centres de réparation à proximité de chez lui est moindre, étant entendu que les montres peuvent – tout simplement – être renvoyées à un point de réparation déterminé. Rien ne justifie, dès lors, une abondance de réparateurs dans ce segment.
Le caractère éminemment complexe de la réparation de ces montres de luxe et une politique de prévention de la contrefaçon ont notamment été invoqués comme arguments par le Tribunal pour rejoindre les fabricants de montres de luxe dans leur raisonnement selon lequel le secteur a besoin de balises afin de pouvoir garantir une certaine qualité.
Et dans les autres secteurs ?
Il est difficile de déduire de l’arrêt du Tribunal européen relatif au secteur horloger si cette décision peut être appliquée « par analogie » à d’autres secteurs. Bienqu’ une montre n’est pas une voiture et que, partant, leurs marchés de réparation respectifs sont également différents, le raisonnement suivi par le Tribunal peut assurément être étendu à un grand nombre d’autres produits de haute qualité et de haute technologie. De tels produits entrent en effet facilement en ligne de compte pour être distribués via un réseau de distribution de qualité. Tout semble dès lors indiquer que nous évoluerons de plus en plus vers des réseaux de réparation de qualité, parallèlement à des réseaux de distribution de qualité.
La qualité avant tout, y compris pour la réparation : tel sera probablement le credo du futur. Si vous constatez que votre montre s’est subitement arrêtée, prenez donc une bonne inspiration !
Tine Bogaerts
Daan De Jaeger