Le 8 mai 2024, l'Autorité belge de la Concurrence a rendu son avis sur trois projets de loi visant à modifier le Code de droit économique en ce qui concerne la fixation des prix des produits agricoles. L'avis porte sur leur conformité avec le droit de la concurrence et attire l'attention sur leurs éventuels effets indésirables et ses principales préoccupations.
En premier lieu, l'Autorité a examiné la nouvelle disposition visant à imposer des conditions et des clauses obligatoires aux ventes effectuées par les agriculteurs. Elle craint qu’une telle disposition n’aboutisse à une uniformisation des conditions contractuelles. En vertu du nouveau cadre, lorsqu'un producteur mandate une organisation pour négocier en son nom, la conclusion du contrat avec l'acheteur est subordonnée au respect d'un accord-cadre. L'Autorité rappelle qu'un tel regroupement au sein d'une organisation doit être conforme aux lignes directrices de la Commission européenne sur les accords horizontaux (entre concurrents) et en particulier aux exigences relatives à la participation volontaire des producteurs et à l'interdiction des accords sur les prix minimums, la quantité et l'échange d'informations sensibles.
En ce qui concerne le projet d'article limitant la marge réalisée dans la grande distribution sur les produits agricoles non transformés à la marge moyenne réalisée sur tous les autres produits de vente, l'Autorité est d'avis qu'il convient de lever l'ambiguïté concernant la marge présentée alternativement comme élevée et faible et que la notion de "produit" devrait être clarifiée. La mesure peut également inciter les acteurs de la grande distribution à augmenter leurs marges sur d'autres produits et créer une distorsion de concurrence entre les distributeurs puisque les petits acteurs sont exclus, sur la base d'un critère de chiffre d'affaires discutable.
En ce qui concerne la limitation des rabais sur les produits agricoles à un tiers du prix normal affiché et à un quart du volume de vente annuel escompté, l'Autorité considère qu'il existe un risque de coordination entre les vendeurs en gros et les vendeurs au détail, et d'inflation. Elle peut également créer des barrières à l'entrée, en empêchant les petits concurrents de proposer des promotions. En outre, il n'est pas clair si cette mesure ne concerne que les produits non transformés.
L'un des projets de loi prévoit une procédure par laquelle l'Observatoire des prix signale tout problème de marge ou de prix sur le marché, ce qui conduit à une décision temporaire du Collège de la concurrence, qui est l'organe décisionnel de l'Autorité. Le projet de loi devrait prévoir un avis consultatif de l'Auditeur général, qui dirige l’Auditorat, service d'instruction de l'Autorité. Un tel avis préalable de l'Autorité et/ou de l'Observatoire des prix devrait également être prévu lorsque le Gouvernement envisage de prendre des mesures de contrôle des prix dans des circonstances exceptionnelles pour protéger les consommateurs ou les entreprises.
Une autre mesure vise à augmenter le prix minimum des denrées alimentaires d'un facteur 1,1 en dessous duquel une vente serait à perte. Sur ce point, l'Autorité note à la fois un risque d'inflation et une distorsion de concurrence entre les distributeurs, puisque ceux dont la stratégie commerciale est axée sur des prix et des marges faibles seraient discriminés, ainsi qu'une transparence accrue sur le marché.
Enfin, en ce qui concerne la procédure par laquelle le Collège de la concurrence impose des mesures temporaires, il devrait y avoir un avis préalable de l'auditeur général et, lorsque les mesures temporaires sont insuffisantes, l'Autorité devrait approuver l'imposition éventuelle d'un contrat-programme prévoyant d'autres mesures limitées à une durée déterminée.
L'Autorité conclut son avis en soulignant l'importance d'une analyse d'impact avant l'adoption des mesures en cause et la mise en place d'un mécanisme d'examen de leurs effets après une certaine période.
Le législateur belge doit maintenant revoir les projets de loi à la lumière des recommandations de l'Autorité.
Annabelle Lepièce