La problématique
1. L’annulation d’un contrat, puisqu’elle est rétroactive, implique que les parties soient autant que faire se peut replacées dans la même situation que si le contrat n’avait pas été conclu. Le principe peut sembler simple : chacun rend à l’autre ce qu’il avait obtenu sur le fondement du contrat.
Les effets de la nullité sont néanmoins particulièrement malaisés à mettre en œuvre lorsque celle-ci frappe des contrats relatifs à des biens dont la valeur fluctue dans le temps, tels que des actions.
La problématique a récemment donné lieu à un arrêt de la Cour de cassation du 13 janvier 2017.
Les antécédents de l’arrêt de la Cour de cassation
2. Il était question devant la Cour de restitutions consécutives à l’annulation de deux conventions de cession d’actions.
Aux termes de l’annulation de la première convention, l’arrêt attaqué avait retenu que la restitution des titres n’était plus possible parce que la valeur de marché de celles-ci avait trop fortement diminué (en raison de la diminution du patrimoine des sociétés concernées).
Il avait par ailleurs déterminé le montant des restitutions dans le cadre de l’annulation de la seconde convention en se fondant exclusivement sur le montant du prix mentionné dans le contrat annulé.
L’arrêt de la Cour de cassation du 13 janvier 2017
3. La Cour de cassation censure cette double décision.
Elle décide ainsi que si les biens concernés par le contrat annulé sont toujours présents dans le patrimoine du débiteur de la restitution, ils doivent faire l’objet d’une restitution en nature, peu importe que leur valeur ait augmenté ou diminué. Ce principe reçoit néanmoins exception lorsque la différence de valeur est imputable à l’action ou à l’inaction du débiteur de la restitution.
La Cour ajoute que, lorsque la restitution en nature des biens n’est plus possible, l’obligation de restitution par équivalent constitue une dette de valeur. Par conséquent, ces biens doivent être estimés au jour de la restitution, dans l’état où ils se trouvaient au moment où ils ont été reçus par le débiteur de la restitution. Ici également, le risque d’augmentation ou de diminution de la valeur des biens est donc supportée par le créancier de la restitution, à moins que cette variation soit imputable à l’action ou à l’inaction du débiteur de la restitution.
4. Cette solution apparaît conforme à l’idée selon laquelle la rétroactivité de l’annulation vise à replacer autant que possible les parties dans la situation dans laquelle le contrat annulé n’aurait pas été conclu. En effet, dans ce cas, le bien serait resté en possession du créancier de la restitution qui aurait pareillement subi ou profité de la variation de valeur du bien.
La Cour de cassation réserve à cet égard, à juste titre, l’hypothèse où la variation de valeur est imputable à l’action ou à l’inaction du débiteur de la restitution. Ainsi, s’il a perçu un dividende attaché aux titres à restituer et en a ainsi diminué la valeur, il devra en principe en rendre compte au créancier de la restitution, sauf à pouvoir établir sa possession de bonne foi. À l’inverse, s’il a permis la conservation – voire l’augmentation – de valeur des actions par exemple en gérant ou en recapitalisant la société, il pourra le cas échéant se prévaloir de la théorie des impenses. Il faut enfin réserver le cas où la responsabilité précontractuelle de l’une des parties serait engagée et viendrait ainsi perturber le jeu normal des restitutions.
5. On relèvera enfin que la Cour de cassation fonde dans cet arrêt le régime des restitutions sur l’article 1234 du Code civil. Elle vient ainsi conforter la thèse selon laquelle ces restitutions sont soumises à un régime autonome, distinct des règles du paiement indu invoquées dans le pourvoi ou de celles de l’enrichissement sans cause.
Rafaël Jafferali, associé, (rafael.jafferali@simontbraun.eu) et Eléonore de Duve, collaboratrice, (eleonore.deduve@simontbraun.eu)