03/07/13

La nouvelle loi sur la protection juridique des marchés publics a été publiée – est-ce que quelque chose a changé ?

Le 21 juin 2013 a été publiée la loi du 17 juin 2013 relative à la motivation, à l'information et aux voies de recours en matière de marchés publics et de certains marchés de travaux, de fournitures et de services (ci-après : la Loi sur la protection juridique des marchés (publics)).

Cette Loi sur la protection juridique des marchés (publics) remplace les dispositions du Livre II bis de la Loi sur les marchés publics de 1993, ainsi que les dispositions concernant les obligations d'information et de motivation incluses dans les Arrêtés royaux du 8 et 10 janvier 1996. Par ailleurs, les dispositions de l'Arrêté Royal du 24 janvier 2012, qui inclut les prescriptions en matière de protection des informations, des motivations et de protection juridique pour les marchés (publics) en matière de défense et de sécurité (voir la Loi sur les marchés (publics) de défense et de sécurité du 13 août 2011), sont également intégrées. En effet, l'Arrêté Royal du 24 janvier 2012 devait en effet être ratifié légalement dans un délai de deux ans à compter de son entrée en vigueur (voir article 80, dernier alinéa de la Loi sur les marchés publics de 2006).

L'entrée en vigueur est prévue le 1er juillet 2013, à savoir conjointement avec la Loi sur les marchés publics de 2006 et aucune mesure de transition particulière n'a été prévue. Cela implique que toutes les décisions prises dans le cadre des procédures d'adjudication en cours seront soumises à compter du 1er juillet 2013 à une nouvelle loi.

La loi sur la protection juridique des marchés (publics) a vu le jour à la suite d'une procédure d'urgence sur la proposition d'un certain nombre de parlementaires de la majorité, afin de permettre l'abrogation générale de la Loi sur les marchés publics de 1993 (y compris donc le Livre IIbis) au 1er juillet 2013 (documents parlementaires de la Chambre 2012-2013, n° 2752/1, 3-4). L'intention n'est donc en aucun cas de modifier sensiblement le contenu du règlement de protection juridique actuel intégré le 25 février 2010 (pour les marchés de la défense de la sécurité : 6 février 2012), à quelques adaptations techniques près.

Est-ce que rien n'a alors changé ? Si. Nous examinons ce qui est nouveau dans le secteur classique et des services publics (et nous ne parlerons pas des marchés de la défense et de la sécurité).

Pour la première fois, un certain nombre de modifications doit aligner la Loi sur la protection juridique des marchés publics sur le nouvel ensemble de règles dans le cadre de la Loi sur les marchés publics de 2006.

  • Les définitions sont alignées sur les définitions intégrées dans la Loi sur les marchés publics de 2006 (article 2 nouvelle loi). C'est ainsi que sont considérées entre autres comme des instances adjudicatrices les entités adjudicatrices de l'article 2, 3° de la Loi sur les marchés publics de 2006 (au lieu des services adjudicateurs, tels que mentionnés à l'article 65/1, 4° de la Loi sur les marchés publics de 1993). La définition de concepts comme celui de candidat, adjudication, clôture, bénéficiaire et documents du marché sont laissés de côté, attendu que ces notions sont déjà définies dans la Loi sur les marchés publics de 2006. Le bénéficiaire devient d'ailleurs l'adjudicataire, le seul concept qui correspond aux définitions de la Loi sur les marchés publics de 2006.
  • Le système d'achat dynamique et le système de qualification dans les secteurs classiques entrent en vigueur le 1er juillet 2013 et interviennent expressément dans le champ d'application de la Loi sur la protection juridique des marchés (public), attendu qu'ils ne relèvent pas de la dénomination de « marché » (article 3). Le dialogue de concurrence relève lui aussi explicitement de la nouvelle loi, qui détermine les décisions qui doivent être motivées et communiquées dans le cadre de cette procédure (voir article 5 et 7 nouvelle loi). La procédure du contrat cadre est elle aussi prise en compte, sous la forme où elle peut être officiellement menée dans les secteurs classiques également à compter du 1er juillet 2013.
  • Ce qui est important, également, c'est que le seuil de la réglementation de protection juridique « atténuée », applicable aux marchés plus « réduits », conformément aux dispositions des Arrêtés royaux qui doivent entrer en vigueur au 1er juillet 2013 relatifs à l'attribution des marchés publics, a été relevé à 85 000,00 EUR dans les secteurs classiques, et à 170 000,00 EUR dans le secteur des services publics (et non plus jusqu'à 67 000,00 / 135 000,00, c'est-à-dire les montants minimums pour l'utilisation de la procédure de négociation sans publication). Un nombre plus important de marchés ne sera par conséquent soumis qu'à un règlement de protection d'informations, des motivations et juridiques atténué, avec pour principaux inconvénients (i) qu'il n'existe aucune obligation d'envoyer aussitôt les motifs avec la décision d'adjudication et (ii) qu'il n'existe pas de délai d'attente, le marché pouvant ainsi être immédiatement conclu avec le soumissionnaire retenu. Dans la pratique, il en résulte un déficit manifeste de toute protection juridique préventive en ce qui concerne les soumissionnaires rejetés (candidats), et le maintien de la situation telle qu'elle existait avant l'intégration du premier article 21 bis, et plus tard du Livre II bis de la Loi sur les marchés publics de 1993. Le législateur a approuvé cette situation, comme l'indique la radiation de la disposition incluse dans les articles 25, 51 et 80 de l'Arrêté Royal du 8 janvier 1996 et de l'article 111 de l'Arrêté Royal du 10 janvier 1996, selon laquelle l'annonce au soumissionnaire du choix de son offre ne génère aucun engagement contractuel. Même si on avait pu déduire de cette consigne que l'administration est censée attendre, pour les marchés plus « réduits », et pour conclure le contrat, que les soumissionnaires non retenus aient demandé une décision d'adjudication motivée dans le délai prévu, il est désormais clair que le législateur part lui-même du principe que l'instance adjudicatrice signe immédiatement un contrat avec le soumissionnaire retenu en lui signifiant cette décision d'adjudication. Il est d'ailleurs frappant que la disposition relative à la force non contraignante de la notification du soumissionnaire retenu ait toujours manqué pour les marchés inférieurs au seuil de publication européen, mais supérieurs aux seuils de la procédure de négociation sans publication. L'allégation du législateur selon laquelle on évite ainsi « une difficulté d'ordre pratique et une charge administrative injustifiées » n'est donc pas vraiment convaincante. Il faut rappeler ici que les marchés plus « réduits » continuent à relever de la Loi sur la motivation officielle, si applicable à l'instance adjudicataire (Document parlementaire de la Chambre 2012-2013, n° 2752/1, 20).
  • La législation actuelle dispose que pour les marchés de travaux obligatoirement soumis à une publication belge, et dont le montant à approuver H.T. correspond au minimum à la moitié du seuil de publication européen (à savoir 2 500 000,00 EUR), le temps d'attente est applicable. Le nouvel article 30 stipule que le montant à approuver H.T. doit être supérieur à la moitié (à savoir à partir de 2 500 001,00 EUR) (art. 30). L'article 32 de la nouvelle loi comble d'ailleurs la lacune de l'article 65/32 de la Loi sur les marchés publics de 1993 en précisant que pour les marchés de travaux prévus ici (> 2 500 000,00 EUR), les règles concernant une déclaration d'absence d'effets sont également applicables.
  • La loi du 16 juin 2006 relative à l'attribution, à l'information aux candidats et aux soumissionnaires et au délai d'attente concernant les marchés publics et certains marchés de travaux, de fournitures et de services, est abrogée (pour autant qu'elle soit déjà entrée en vigueur).

Il existe toutefois un certain nombre de modifications au niveau du contenu :

  • La disposition antérieure selon laquelle les marchés dont l'évaluation initiale est inférieure au seuil déterminé pour la publication européenne, mais dont le montant de l'offre finalement à approuver H.T. est supérieur de plus de 20 pour cent au seuil applicable pour la publication européenne, relèvent malgré tout des règles de protection de l'information, des motivations et juridiques prévues pour les marchés européens (à moins que la publication européenne ne soit pas obligatoire), est annulée. Selon le législateur, cette disposition n'est pas prévue dans la Directive européenne de protection juridique 2007/66/CE et il n'est pas souhaitable de la conserver dans la nouvelle législation (Document parlementaire, de la Chambre 2012-2013, n° 2752/1, 9).
  • La possibilité de prévoir une décision officiellement motivée « a posteriori » est expliquée plus en détail. L'art. 4, deuxième alinéa de la Loi sur la protection juridique des marchés (publics) stipule que la motivation du choix d'une procédure de négociation sans publication, d'une procédure de négociation avec une publication dans les secteurs classiques et le dialogue de concurrence peut être intégré dans la première décision préalable suivant ce choix, notamment la décision de sélection (ou, en cas de dialogue compétitif, la décision de conclure la phase de dialogue). De plus, la motivation de la décision d'adjudication peut avoir lieu « a posteriori », dans la mesure où ceci n'est pas possible immédiatement, et encore dans les 15 jours suivant la décision d'adjudication, mais uniquement lorsqu'il est question d'une procédure de négociation sans publication, retenue en raison (i) de l'urgence du marché, découlant de circonstances imprévues,(ii) de la nature de la livraison, notamment les livraisons cotées sur les marchés de matières premières et des livraisons achetées ou (iii) d'une opportunité, notamment la livraison à des conditions particulièrement favorables, par exemple une liquidation à la suite de l'arrêt des activités.
  • En ce qui concerne l'envoi de la décision d'adjudication motivée par lettre recommandée (voir article 65/8, §1 dernier alinéa de Loi sur les marchés publics de 1993 ; art 8, §1, dernier alinéa de la nouvelle loi), elle a été élargie à la notion d' « envoi par lettre recommandée », attendu que le législateur n'exclut pas que d'autres types d'envois en recommandé soient bientôt possibles dans un avenir proche (documents parlementaires, de la Chambre 2012-2013, n° 2752/1, 12).
  • Pour les marchés fondés sur un contrat cadre, l'application du délai d'attente est explicitement exclue (article 12, Loi sur la protection juridique des marchés (publics)). Rappelons que la décision d'adjudication de marchés individuels dans le cadre du contrat cadre est bien soumise à titre exceptionnel aux obligations d'information et de motivation (voir article 4, 8° nouvelle loi). La demande d'une déclaration sans effet, dans la mesure de ce qui est applicable, peut également être adressée contre des commandes, conclue sur la base d'un contrat cadre (voir article 17 nouvelle loi).
  • L'article 15 de la nouvelle loi stipule très clairement que le recours à une suspension doit être formé soit exclusivement par le service de juridiction administrative du Conseil d'État, soit exclusivement auprès du juge des référés, en fonction de leur compétence dans cette affaire (voir article 24 nouvelle loi). On peut à cet effet se poser la question de savoir ce qu'il faut faire des recours de suspension auprès des deux instances simultanément, dans la mesure où il n'y a aucun doute ou confusion possible sur la qualification de l'instance adjudicatrice concernée en qualité de pouvoirs adjudicateurs. Le nouvel étiquetage de l'article 15 impliquera-t-il que les deux recours doivent être considérés comme irrecevables, dans la mesure où une personne n'est pas fournie « exclusivement » mais pour l'une des instances de recours ? A notre avis, ce n'est pas le cas. Le législateur propose lui-même de reprendre sans modification l'article 65 /15 de La loi sur les marchés publics de 1993, en précisant de supprimer uniquement la confusion existante en affirmant clairement que seule l'une des instances de recours est compétente pour prendre connaissance du recours à une suspension (document parlementaire de la Chambre 2012-2013, n° 2752/1,). De plus, l'article 25 de la nouvelle loi maintient le principe que, sous réserve de dérogations expresses dans cette loi, les consignes de compétence générales pour les instances de recours restent intégralement applicables.
  • Au grand soulagement de la plupart, l'article 19 de la Loi relative à la protection juridique des marchés (publics) stipule désormais explicitement que la déclaration d'absence d'effets du marché implique la suppression de tous les engagements contractuels, soit avec effet rétroactif, soit limitée aux engagements restant à assumer (si amende supplémentaire). Ceci confirme le lien jurisprudentiel entre la notion de déclaration d'absence d'effets et l'annulation. L'article 22 de la nouvelle loi précise en outre que les sanctions alternatives ne sont d'actualité que si l'instance de recours saisie doit se prononcer sur une demande de déclaration d'absence d'effets du marché conclu.

Il convient enfin de conclure que l'article 79 bis de la Loi sur les marchés publics de 2006 permet au gouvernement de coordonner après le 1er juillet 2013 par Arrêté Royal la législation relative aux marchés publics (la Loi sur les marchés publics de 2006 elle-même, la Loi sur la protection juridique des marchés (publics), et la Loi sur les marchés (publics) de défense et de sécurité) en un seul ensemble de lois.

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