Depuis 2004, la Belgique a connu quatre procédures officielles de régularisation temporaires octroyant l’amnistie fiscale et pénale (appelés « Déclaration Libératoire Unique » ou « DLU »), répondant à des conditions différentes d’une mouture à l’autre, notamment quant au taux du prélèvement.
Depuis août 2016, les contribuables résidents belges n’ayant pas déclaré certains revenus ont la possibilité de régulariser leur situation fiscale grâce à la procédure « DLU quater ». Cette possibilité prendra fin le 31 décembre 2023. Alors que l’horloge tourne, l’échéance suscite bon nombre d’interrogations quant aux perspectives qui s'offriront aux contribuables désireux de régulariser leurs avoirs après cette date.
Situation jusqu’au 31 décembre 2023
DLU 4 : bref rappel
La DLU quater permet aux contribuables de régulariser volontairement leurs actifs fiscalement prescrits sur le plan fiscal, en échange du paiement d'un prélèvement forfaitaire de 40% sur les avoirs à régulariser dont ils ne parviennent pas à démontrer, au moyen de preuves écrites, l’origine licite. Les revenus non prescrits sont quant à eux soumis au paiement de l’impôt « normal », majoré de 25 points (par exemple des dividendes qui étaient normalement taxables au taux de 30% pourront être régularisés au taux de 55%).
La DLU quater octroie une immunité pénale, notamment quant au délit de blanchiment. A ce titre, l’attestation de régularisation délivrée à l’issue de la procédure faisait office de graal pour bon nombre de banques belges avant d’accepter tout rapatriement d’actifs dont l’origine licite n’était pas parfaitement traçable. Force est de constater que ces banques ont été les principaux instigateurs de DLU quater, en poussant parfois leurs clients vers celle-ci avant d’accepter tout « rapatriement » de fonds de l’étranger. Cela concernant même le cas où le contribuable n’avait rien à se reprocher mais ne pouvait tout simplement pas apporter la preuve écrite de l’origine parfois très ancienne des avoirs.
DLU 4 : exigence d’un dossier complet avant le 31 décembre 2023
Les FAQ publiées par l’administration fiscale concernant la DLU quater ont été mises à jour en juillet 2023. L’administration en a profité pour préciser qu’il ne sera donc pas possible d’introduire une déclaration « pro forma » et « matériellement incomplète » à titre provisionnel en 2023 en vue de la compléter en 2024. On peut toutefois légitimement estimer que des déclarations apparaissant comme raisonnablement complètes introduites en 2023 et complétées de manière mineure en 2024 devraient être considérées comme recevables. La prudence est toutefois de mise.
Cependant, la FAQ ne fournit aucune information sur la situation après le 31 décembre 2023.
Quid après le 31 décembre 2023 ?
La date butoir du 31 décembre 2023 soulève de nombreuses questions concernant le sort des contribuables qui n'auraient pas régularisé leur situation avant cette échéance.
Procédure spontanée auprès du parquet
Interrogé en juillet 2023 au sujet des intentions du gouvernement , le ministre des Finances a indiqué qu’à partir de 2024, les contribuables souhaitant régulariser des capitaux fiscalement prescrits devront le déclarer eux-mêmes au procureur du Roi, qui pourra engager une procédure de transaction élargie. Le traitement du dossier relèverait donc du ministre de la Justice.
Toutefois, des clarifications supplémentaires seraient les bienvenues, notamment sur la question de savoir si l'administration fiscale ne traitera effectivement plus les demandes de régularisation à partir de 2024 et renverra systématiquement les contribuables vers le parquet.
Certains questionnements demeurent, en particulier quant au fait que le procureur demeure toujours libre de décider de l’opportunité des poursuites ou de proposer ou non une transaction pénale. La sécurité juridique offerte par cette solution prête donc indubitablement le flanc à la critique.
Nouvelle « approche permanente » de l’administration fiscale
Le doute est d’autant plus permis que des discussions au sein du gouvernement seraient en cours concernant l’instauration d’une nouvelle "approche administrative permanente" quant à la régularisation de capitaux prescrits.
Cette « nouvelle approche » permettrait au fisc de taxer à hauteur de 45 % les capitaux fiscalement prescrits régularisés spontanément, en échange, semble-t-il, d’une immunité pénale.
Inspection spéciale des impôts
Une autre option, qui existait entre la DLU ter et la DLU quater et qui pourrait revoir le jour, pourrait être la déclaration spontanée des revenus auprès de l'Inspection spéciale des impôts (ISI), du moins pour les revenus non prescrits. Cependant, cela soulève des questions sur l'immunité pénale qu’une telle procédure pourrait conférer, de même que sur la possibilité de régulariser des capitaux prescrits.
Conclusion
Au vu de l’incertitude concernant la situation à partir de 2024 et du fait que l’éventuelle « nouvelle approche » discutée par le gouvernement s’annonce, quand bien même elle serait adoptée, encore plus défavorable que la DLU quater, ceux qui souhaiteraient régulariser leurs avoirs, en particulier dans le cas d’un rapatriement, n’ont plus qu’une poignée de semaines afin de pouvoir introduire leur dossier de régularisation (complet) et bénéficier de l’immunité pénale.
Olivier Querinjean
Lida Achtari
Thomas Hamann