03/11/11

Arrêt de la Cour Constitutionnelle du 7 juillet 2011

Les distinctions entre ouvriers et employés sont contraires aux articles 10 et 11 de la Constitution dès lors qu’elles ne se justifient plus de manière objective et raisonnable. En conséquence, la Cour invite le législateur à remédier à cette situation discriminatoire pour le 8 juillet 2013, au plus tard.

1.- L’arrêt du 7 juillet 2011

a) Introduction

Par un jugement du 22 avril 2010, la Cour constitutionnelle a été saisie de deux questions préjudicielles posées par le Tribunal du travail de Bruxelles. Elle a ainsi été amenée à se prononcer sur la constitutionnalité des différences de traitement entre les statuts d’ouvrier et d’employé.

La première question posée par le Tribunal avait pour objet la constitutionnalité de l’article 52 de la loi du 3 juillet 1978 sur les contrats de travail en ce que, contrairement à l’employé sous contrat de travail à durée indéterminée (après la période d'essai), l’ouvrier se trouvant dans la même situation contractuelle se voit compter un jour de carence en cas d’incapacité de travail résultant d’une maladie autre qu’une maladie professionnelle, ou d’un accident autre qu’un accident du travail ou d’un accident survenu sur le chemin du travail, lorsque la durée de l’incapacité n’atteint pas quatorze jours.

La seconde question portait sur la problématique classique de la constitutionnalité des délais de préavis différents entre ouvriers et employés.

En filigrane, c’est donc l’ensemble du système actuel opérant des distinctions notables entre les employés et les ouvriers qui est remis en cause.

b) Décision de la Cour

(i) La Cour a, dans un premier temps, rappelé ses arrêts antérieurs, dont notamment l’arrêt du 8 juillet 1993, par lesquels elle avait indiqué que la cause de la différenciation entre les ouvriers et les employés trouvant son fondement essentiellement sur la nature principalement intellectuelle ou manuelle de leur travail, ne se justifiait plus.

A l’époque, elle avait toutefois laissé la possibilité au législateur de rapprocher les deux statuts par étapes successives plutôt que de procéder à un changement brusque en la matière.

(ii) Dans un second temps, la Cour conclu à l’inconstitutionnalité des différences de traitement entre ouvriers et employés mais constate néanmoins les diverses démarches du législateur en vue de rapprocher les statuts d’ouvriers et d’employés dont notamment la C.C.T. n° 75 augmentant la durée des préavis des ouvriers ou encore, la récente loi du 12 avril 2011 modifiant la loi du 1er février 2011 portant prolongation des mesures de crise et l’exécution de l’accord interprofessionnel et exécutant le compromis du gouvernement relatif au projet d’accord interprofessionnel.

Toutefois, elle relève que le temps dont dispose le législateur n’est pas illimité. En effet, selon celle-ci, l’objectif d’harmonisation par étapes successives poursuivi par le législateur ne se justifie plus, dix-huit ans après que la Cour eût constaté que le critère de distinction entre les deux statuts ne pouvait plus être considéré comme pertinent.

2.- Observations

Par son arrêt du 7 juillet 2011, la Cour constitutionnelle a entendu souligner le caractère obsolète et discriminatoire de la distinction entre les statuts d’ouvrier et d’employé.

Bien que la Cour ait précédemment annoncé sa position quant à la constitutionnalité des différences de traitement entre les statuts d’ouvrier et d’employé l’on assiste dès à présent à un véritable coup d’accélérateur en la matière.

Un grand pas a déjà été franchi par le législateur avec l’adoption des nouveaux délais de préavis applicables aux contrats de travail prenant cours à partir du 1er janvier 2012.

Toutefois, le travail s’annonce vaste pour le législateur qui devra, in fine, s’attacher à éliminer les différences de traitement entre les ouvriers et les employés et ce, pour le 8 juillet 2013, date ultime fixée par la Cour, au plus tard.

En outre, cette harmonisation doit se poursuivre dans les autres matières de droit du travail et ne doit pas simplement se limiter à la durée du préavis. En effet, il subsiste encore des différences fondamentales entre ces deux statuts dont notamment l’indemnité pour licenciement abusif dont bénéficient les ouvriers et pas les employés.

Comme le souligne la Cour, il ne serait pas cohérent d’isoler la distinction dans la seule matière de la durée du préavis sans tenir compte des effets qu’elle a dans d’autres matières du droit du travail et de la sécurité sociale qui reposent sur la même distinction.

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