La pratique généralisée du télétravail, résultant des mesures prises par le gouvernement belge pour faire face à la crise sanitaire (covid-19), expose une multitude de travailleurs aux « accidents de télétravail ».
Un certain nombre d’employés sont déjà rodés au télétravail dans la mesure où cette modalité fait partie intégrante de leur contrat de travail, conformément à la CCT °85 du 9 novembre 2005. C’est ainsi qu’un nombre croissant de travailleurs ont l’habitude de télétravailler, de façon régulière, un à trois jours par semaine, parfois davantage.
Il n’en reste pas moins que pour bon nombre d’employés, le télétravail n’était pas une modalité structurelle, soit qu’ils ne le pratiquaient jamais, soit qu’ils ne le pratiquaient qu’à certaines occasions (par exemple, lorsqu’il fallait combiner une visite médicale, la garde d’un enfant malade ou une réparation technique au domicile).
Lorsque le télétravail n’est plus anecdotique mais qu’il devient plus fréquent, sans pour autant être prévu pour une longue durée (come le télétravail dit « structurel »), il faut prendre conscience que le travailleur est exposé à de nouveaux risques. Ceci suppose notamment une mise à jour des couvertures d’assurance en accident du travail afin que les risques soient renseignés auprès de l’assureur.
Du fait du confinement, la résidence d’un très grand nombre personnes est brusquement devenue le lieu de travail, dans le cadre d’un télétravail occasionnel (celui qui ne fait pas partie de l’exécution normale du contrat de travail).
La possibilité d’un télétravail occasionnel est encadrée par la loi du 5 mars 2017 concernant le travail faisable et maniable. Il s’agit quasiment d’un droit pour le travailleur mais qui reste soumis à l’approbation de l’employeur. L’article 26 §1er prévoit d’ailleurs que le télétravail peut être demandé « en cas de force majeure », dès lors que le travailleur est empêché d’effectuer le travail dans les locaux de l’entreprise pour des circonstances indépendantes de sa volonté.
Les mesures imposées par le gouvernement ont fait que cette force majeure ne doit même plus être invoquée par le travailleur et que l’employeur n’a plus la faculté de s’y opposer, à tout le moins durant la période de confinement.
La différence sensible avec le télétravail structurel est qu’aucun écrit préalable ne règle toutes les modalités (horaire, lieu de travail, équipement, frais). Or, ceci est important pour la couverture en assurance-loi qui suppose de déterminer quand le travailleur se trouve ou non dans le cadre de l’exécution du travail.
Le télétravailleur structurel peut se rapporter à la convention de télétravail (souvent un avenant au contrat) tandis que le télétravailleur occasionnel est souvent plus démuni. Il faut ajouter que le lieu du télétravail est plus fréquemment sujet à d’autres types d’activités et donc à d’autres accidents que professionnels. Dans la situation de confinement, où beaucoup d’employés doivent également s’occuper de leurs enfants, du ménage (courses, nettoyage, lessive), voire du jardinage, tout en travaillant, la question d’un éventuel accident lié ou non au travail se pose avec force. Les accidents fréquents en télétravail sont les chutes (dans les escaliers et en rencontrant un obstacle).
La notion de chemin du travail est quant à elle vidée de sa substance dès lors que le travailleur ne doit plus se déplacer pour se rendre au travail. Toutefois, même s’il travaille à demeure, l’employé reste tenu de faire certains déplacements au cours de sa journée de travail. Il doit ainsi aller s’approvisionner (supermarché, boulangerie), aller déposer son enfant à la crèche, aller à la poste ou à la banque, ou dans tout autre lieu autorisé par le gouvernement. C’est dans ce sens que le législateur a assimilé au chemin du travail le trajet « du lieu de résidence du télétravailleur vers l’école ou le lieu de garde des enfants, et inversement, dans le cas du télétravail effectué au lieu de résidence » (art. 8 § 2, 12° de la loi du 10 avril 1971).
L’article 7 al. 4 de la loi du 10 avril 1971 sur les accidents du travail stipule ainsi que :
« L’accident survenu au télétravailleur est présumé, jusqu’à preuve du contraire, survenu pendant l’exécution du contrat de travail :
1° s’il se produit sur le lieu où les lieux mentionnés par écrit comme lieu d’exécution du travail, dans une convention de télétravail ou dans tout autre écrit autorisant de manière générique ou ponctuelle, collective ou individuelle, le télétravail.
A défaut d’une telle mention, la présomption s’appliquera à la résidence ou sur le ou les lieux dans lesquels le télétravailleur effectue habituellement son télétravail;
et
2° s’il se produit durant la période de la journée mentionnée dans un écrit tel que visé au 1°, comme période pendant laquelle le travail peut être effectué. A défaut d’une telle mention dans la convention écrite, la présomption s’appliquera pendant les heures de travail que le télétravailleur devrait prester s’il était occupé dans les locaux de l’employeur.
Le législateur a assoupli dès 2019 l’exigence d’un écrit dès lors qu’un simple email, voir un sms, pourrait suffire. En outre, à défaut d’un écrit, tout télétravailleur sera présumé travailler sur son lieu de résidence aux heures de prestation habituelles au sein de l’entreprise.
Par conséquent, on recommandera aux télétravailleurs et à leurs employeurs de mettre par écrit les modalités du télétravail (un email peut suffire), notamment pour une couverture optimale en accident du travail. A défaut d’écrit, la maman (ou le papa) qui se lève pour travailler au calme dès 6h du matin, alors que son horaire de travail commence ordinairement à 8h, sera moins bien protégé(e) si un accident se produit à une telle heure matinale où l’on n’est pas toujours bien réveillé…L’assureur serait en effet enclin à refuser de couvrir spontanément et, en cas de procédure judiciaire, le travailleur lésé se verrait privé de la présomption de preuve en sa faveur.