- Une activité complémentaire non imposée pour des activités à forte plus-value sociale
Par la loi du 18 juillet 2018 « relative à la relance économique et au renforcement de la cohésion sociale », le législateur avait créé deux nouveaux statuts : le travail associatif et le service occasionnel entre citoyens. Il adaptait également le régime fiscal et social applicable à l’économie collaborative, intégré au Code des impôts sur les revenus depuis 2016.
Dans le cadre de ces nouveaux statuts, une personne possédant déjà un statut principal (salarié, indépendant ou pensionné) pouvait gagner 6 000 euros de revenus complémentaires par an exonérés d’impôt et de cotisations sociales en exerçant une activité dans un secteur à « plus-value sociale ».
Certains balises étaient, en outre, mises en place pour éviter que ces nouveaux statuts ne rendent le statut de volontaire obsolète et ne remplacent des emplois plus stables en raison de l’économie réalisée par l’employeur sur les cotisations sociales notamment.
- Un recours en annulation dénonçant un régime discriminatoire a été introduit par certaines associations syndicales devant la Cour constitutionnelle.
Le Conseil des ministres les a défendus en invoquant, notamment, la nécessité d’encourager les citoyens à s’investir dans le secteur associatif et à se rendre des services mutuels tout en leur permettant d’acquérir ; ce faisant, un complément de rémunération.
- La Cour constitutionnelle dans son arrêt du 23 avril 2020 (n°53/2020) a néanmoins suivi les syndicats : les discriminations créées entre ces nouveaux régimes et les anciens statuts (salariés, indépendants et volontaires) sont non raisonnablement justifiés.
S’agissant tout d’abord du travail associatif :
- l’écartement presque total de la législation sur le travail visant à protéger le travailleur n’est pas raisonnablement justifié de même que la volonté d’assouplir le cadre administratif ;
- La Cour a aussi relevé l’absence de pertinence d’un argument fondé sur la motivation animant d’une part le travailleur associatif (pour lequel la rémunération serait secondaire) et d’autre part, celle d’un travailleur salarié (pour lequel la rémunération serait l’objectif principal poursuivi) ;
- le régime mis en place ne permet pas une lutte efficace contre d’éventuels abus au statut de volontaire.
S’agissant ensuite de l’exonération de cotisations sociales et fiscales pour les travailleurs associatifs et pour les prestataires de services occasionnel :
La Cour condamne une discrimination non justifiée entre les personnes exerçant dans le cadre des nouveaux statuts et les travailleurs salariés et indépendants pouvant fournir le même type de travail/services. Il n’est, selon la Cour, pas raisonnablement justifié que les premiers échappent totalement à l’impôt et à la législation sociale alors que les seconds y restent soumis.
Selon la Cour, à nouveau, la justification selon laquelle le travailleur associatif ou occasionnel exercerait durant son temps libre et que la rémunération y attachée ne serait que secondaire à ses yeux n’est pas fondée. En outre, ajoute la Cour, même à considérer cet assertion fondée, elle ne justifierait pas qu’une indemnisation, même « complémentaire » pour l’intéressé, puisse relever d’un régime plus favorable qu’une indemnisation censée permettre à l’intéressé de pourvoir à ses besoins. De même, la lutte contre le travail au noir ne justifierait pas davantage la création d’un statut déchargé d’impôt et de cotisations sociales.
Enfin, s’agissant de la modification du régime applicable à l’économie collaborative, la Cour, pour des motifs similaires, annule les dispositions modificatives.
- Un retour au pristin état… après le 1er janvier 2021
La Cour constitutionnelle annule les deux nouveaux statuts crées par la loi du 18 juillet 2018 mais en maintient les effets pour les prestations fournies jusqu’au 31 décembre 2020 inclus.
Après cette date, les régimes du travail associatif et des prestations de services occasionnels entre citoyens seront purement et simplement supprimés
En ce qui concerne l’économie collaborative, le régime applicable redeviendra celui mis en place par la loi-programme du 1er juillet 2016.
Une bonne chose ?
La création de ces nouveaux statuts répondait partiellement (et imparfaitement) à une demande du secteur qui souhaitait un cadre adapté à la pratique et plus souple que le statut de volontaire, notamment concernant les règles complexes applicables en matière d’indemnités et de défraiements.
Il est regrettable que le législateur ne soit pas parvenu à assurer le délicat équilibre entre la nécessité de faciliter la poursuite d’une activité sociale aux personnes désireuses d’investir de leur temps libre et de leur énergie à une telle cause et celle de s’assurer que ni les volontaires, ni les salariés et indépendants ne soient préjudiciés au profit de ces nouveaux travailleurs particuliers.
A nouveau, la solution n’est toutefois pas, selon nous, à rechercher dans la création de nouveaux statuts dérogatoires. Il convient, avant tout, d’assurer une fiscalité plus juste du travail, quel qu’il soit et quel que soit sa motivation, alimentaire ou sociale.