Alors que le coronavirus (COVID-19) continue à faire la une des journaux du monde entier, que les marchés boursiers sont sévèrement touchés et que les gouvernements mettent en œuvre des mesures draconiennes afin de contenir la propagation du nouveau virus, l’impact sur les activités globales de fusions-acquisitions sera sans aucun doute significatif. Dans la présente newsletter nous aborderons le potentiel impact juridique du COVID-19 sur les transactions de fusions-acquisitions.
1. La logistique des transactions
Avec la mise en place de quarantaines et de restrictions de voyage, les perturbations pratiques provoquées par le COVID-19 ne peuvent être sous-estimées. Si les conférences électroniques peuvent remplacer la plupart des réunions physiques, les visites sur site et les tournées de présentation aux investisseurs ne peuvent quant à elles être remplacées. Etant donné que les fonctionnaires judiciaires et gouvernementaux sont affectés de la même manière, l’obtention d’autorisations réglementaires pourrait également nécessiter beaucoup plus de temps. En outre, le temps et l’attention des parties pourraient être détournés de toute transaction future afin de tenter en premier lieu d’atténuer tout impact potentiel en interne. Ces différents aspects pourraient déjà, par eux-mêmes, ralentir voire entraver le processus de conclusion des transactions.
2. La due diligence
La due diligence juridique sera de plus en plus axée sur l’évaluation de l’impact du virus sur l’activité de la cible et sur la question de savoir si cette dernière a implémenté des plans d’atténuation et/ou d’urgence.
Il convient d’accorder une attention supplémentaire à :
- la capacité de la cible, des fournisseurs, des clients et des parties aux contrats à exécuter ou à suspendre les obligations contractuelles dans le cadre de contrats importants ou à résilier unilatéralement ces contrats ;
- les risques liés à la chaine d’approvisionnement et la disponibilité de fournisseurs alternatifs ;
- les polices d’assurance et la couverture (par exemple, les politiques d’interruption des activités) ;
- le risque de solvabilité et de revenus ; et
- le respect des lois ainsi que les modifications législatives raisonnablement attendues.
Si certains risques sont identifiés, ils pourraient conduire à l’inclusion de conditions suspensives, de déclarations et de garanties supplémentaires, d’indemnités spécifiques ou à une révision du mécanisme du prix de vente. Cependant, il n’est pas non plus improbable que des transactions soient temporairement reportées, voire de manière plus radicale, qu’elles soient annulées. Dans cette optique, il convient de rappeler aux parties qu’elles pourraient s’exposer à une responsabilité précontractuelle (culpa in contrahendo) si elles rompaient les négociations de mauvaise foi ou de manière abrupte/prématurée.
3. Le prix de vente
L’impact du COVID-19 sur la cible pourrait également se refléter sur la répartition du risque du prix entre l’acquéreur et le vendeur. Compte tenu de l’évolution future incertaine et de l’impact économique de la pandémie, l’acquéreur pourrait ne pas être à l’aise avec des prix fixes ou des mécanismes de locked-box, mais préférer des closing accounts et des dispositions d’ajustement du working capital (qui pourraient également intégrer des ajustements spécifiques liés au COVID-19) ou des paiements différés / earn-outs qui dépendent de la réalisation de certaines étapes post-closing.
4. Le financement et les dates clés
Le retard dans la fourniture d’informations financières essentielles telles que les états financiers audités ainsi que la volatilité actuelle des marchés financiers pourraient également retarder ou entraver la disponibilité de financements. Les candidats-acquéreurs disposant de liquidités considérables pourraient avoir un avantage concurrentiel sur ceux qui ont besoin d’un levier financier important (par exemple, les fonds de private equity).
Comme la logistique des transactions sera fortement impactée, un grand nombre de dates clés devraient être revues dans ce contexte. Les exigences réglementaires, financières ou d’approbation de changement de contrôle et les long stop dates devraient être revues et ajustées si nécessaire.
5. Les clauses « Material adverse change »
Les acquéreurs devraient insister fortement sur l’inclusion de clauses de « Material adverse change » (MAC) définies de manière assez large, ce qui leur permettrait également d’inclure les risques liés au COVID-19. On s’attend toutefois à ce que les vendeurs tentent d’exclure de cette définition le plus grand nombre possible d’évènements ou de circonstances, afin d’éviter que le risque de la transaction ne leur incombe. En tout état de cause, il s’agira de négocier minutieusement la formulation exacte d’une clause MAC et des exceptions liées à celle-ci.
Conclusion
Le COVID-19 aura un impact immédiat et peut-être même paralysant sur les opérations de fusions-acquisitions. Les différents acteurs sur le marché doivent revoir attentivement les délais et les attentes prévus pour les transactions et étendre leur examen de due diligence aux questions susceptibles d’être touchées par la pandémie. Les négociations des documents d’acquisition devraient être fortement axées sur la répartition des risques entre les parties, par exemple par le biais de mécanismes d’ajustement du prix de vente, de l’extension des dates clés et de clauses MAC.
Peter De Ryck
peter.deryck@lydian.be
Alexander Depauw
alexander.depauw@lydian.be