Une situation dans laquelle aucun représentant d’une autorité de concurrence, ou aucun représentant de l’intérêt public de la concurrence, ne participe à la procédure engagée devant une juridiction contre la décision de l’autorité de concurrence soulève des questions concernant la conformité de la réglementation nationale en cause avec le droit de l’Union.
Ainsi en a décidé la Cour de justice de l’Union européenne dans un arrêt du 7 décembre 2010, rendu dans le cadre d’un renvoi préjudiciel opéré par la Cour d’appel de Bruxelles (aff. C-439/08). Dans cette affaire, la Cour d’appel de Bruxelles devait statuer sur un recours formé contre une décision rendue par le Conseil de la concurrence belge à l’encontre de la Vlaamse federatie van verenigingen van Brood- en Banketbakkers, Ijsbereiders en Chocoladebewerkers VZW (VEBIC), une association sans but lucratif représentant les intérêts des associations provinciales des boulangers et pâtissiers artisanaux de la région flamande. Celle-ci avait, en particulier, établi et diffusé auprès de ses membres un indice reflétant la hausse du prix de revient du pain et, ce faisant, diffusé indirectement un prix de référence parmi les boulangers, en contravention avec l’interdiction des accords sur les prix inscrite à l’article 2 de la Loi sur la protection de la concurrence économique (LPCE).
La Cour d’appel relève que les dispositions de la LPCE ne permettent pas à l’Auditorat, qui est l’organe en charge des poursuites au sein du Conseil de la concurrence, de participer à la procédure devant elle. En effet, seul le ministre fédéral en charge de l’économie dispose de la faculté de déposer des observations écrites dans le contexte d’un recours. Le minister concerné n’ayant pas fait usage de cette faculté, la seule partie participant à la procédure en appel était VEBIC, qui agissait en tant que requérante, avec pour conséquence le risque que la juridiction saisie soit entièrement «captive» des moyens et arguments développés par VEBIC.
Or, dans un domaine tel que celui de la constatation d’infractions aux règles de concurrence et d’imposition d’amendes, qui comporte des appréciations juridiques et économiques complexes, un tel risqué est susceptible de compromettre l’application effective des règles de la concurrence. Cette dernière obligation exige donc que l’autorité nationale de la concurrence dispose de la faculté de participer, en tant que partie défenderesse, à une procédure devant une juridiction nationale dirigée contre la décision dont cette autorité est l’auteur.
Un projet de modification de la LPCE est actuellement en préparation. L’auditorat compte toutefois d’ores et déjà appliquer l’arrêt de la CJUE, sans attendre la modification de la loi, mais pas de manière systématique, au cas par cas, selon leur appréciation.