Deux arrêtés royaux du 28 juin 2019 concrétisent le cadre règlementaire du nouvel agrément comme entreprise sociale ou société agricole, introduit par le Code des Sociétés et Associations.
Le 11 juillet 2019, l'arrêté royal du 28 juin 2019 fixant les conditions d'agrément comme entreprise agricole et comme entreprise sociale (ci-après « l'arrêté royal du 28 juin 2019 fixant les conditions d'agrément ») a été publié au Moniteur Belge. Le même jour un autre arrêté royal du 28 juin 2019 a été publié relatif à la présomption d'agrément comme entreprise agricole et comme entreprise sociale (ci-après « l'arrêté royal du 28 juin 2019 concernant la présomption d'agrément »). Par ces deux arrêtés, le Roi a concrétisé le cadre juridique pour les nouveaux agréments de sociétés prévus par le nouveau Code des sociétés et des associations (« CSA »).
Les deux agréments susmentionnés sont en effet venus s'ajouter aux agréments existants comme société coopérative et comme groupement forestier et sont en quelques sortes les successeurs de la société agricole (S. Agr.) et de la société à finalité sociale (SFS) (voir également Le nouveau Code des sociétés et associations – Formes de société). Les quatre agréments prévus par le CSA requièrent des sociétés concernées la satisfaction de conditions spécifiques et sont octroyés par le ministre fédéral compétent. En ce qui concerne les nouveaux agréments comme entreprise sociale et comme entreprise agricole, ce sont précisément ces conditions spécifiques qui ont été déterminées par l'arrêté royal du 28 juin 2019 fixant les conditions d'agrément.
Ci-après nous décrivons successivement les principales conditions pour l'agrément comme entreprise sociale, comme société coopérative et comme entreprise agricole.
L'agrément comme entreprise sociale
Au lieu de la SFS, variante auparavant disponible pour toutes les sociétés à personnalité juridique distincte, le législateur a également prévu, pour les entreprises faisant partie de ladite économie sociale, la possibilité pour (seules) les sociétés coopératives d'être agréées comme entreprise sociale par le ministre de l'Economie.
Le CSA avait déjà fixé trois conditions pour l'agrément comme entreprise sociale :
- La société a pour but principal, dans l'intérêt général, de générer un impact sociétal positif pour l'homme, l'environnement ou la société.
- La société ne distribue pas d'avantage patrimonial à ses actionnaires, sous quelque forme que ce soit, excédant le taux d'intérêt fixé par le Roi, c'est-à-dire aujourd'hui 6%, appliqué au montant réellement versé par les actionnaires sur les actions, à peine de nullité.
- Lors de la liquidation de la société, est donné à l'éventuel solde créditeur une affectation qui correspond le plus possible à son objet comme entreprise sociale agréée, à peine de nullité.
Sont venues s'ajouter à ces conditions légales différentes conditions similaires à celles existantes auparavant pour les SFS, ainsi que des conditions qui n'existaient pas pour celles-ci.
Les conditions suivantes sont similaires à celles fixées pour les SFS :
- Les statuts doivent décrire l'objet de la société de manière à ce qu'il en ressorte expressément que celui-ci sert à générer un impact sociétal positif pour l'homme, l'environnement ou la société. Pour la SFS, il était nécessaire de définir de façon précise le but social auquel sont consacrées les activités visées dans leur objet social.
- Aucun actionnaire ne peut prendre part au vote à l'assemblée générale pour un nombre de voix dépassant le dixième des voix attachées aux parts ou actions représentées. Contrairement à ce qui était le cas pour les SFS, ce pourcentage n'est plus porté au vingtième lorsqu'un ou plusieurs associés ont la qualité de membre du personnel engagé par la société.
- Annuellement un rapport spécial doit être établi sur l'exercice clôturé, dont les mentions obligatoires ont été étendues, et qui doit dorénavant être envoyé au SPF Economie dans l'hypothèse où il ne doit pas être inséré dans le rapport de gestion.
Différentes nouvelles conditions voient le jour par rapport au régime applicable aux SFS :
- En cas de démission, l'actionnaire sortant reçoit, au maximum, la valeur nominale de son apport réel.
- Le mandat d'administrateur est gratuit, sauf si l'assemblée générale des actionnaires décide d'une indemnité limitée ou des jetons de présence limités.
- Le montant du dividende à verser aux actionnaires ne peut être fixé qu'après la fixation d'un montant que la société réserve aux projets ou affectations qui sont nécessaires ou utiles pour la réalisation de son objet.
Le Roi a donc conservé quelques conditions identifiées par certains comme des facteurs contribuant au succès limité (au sens numérique) des SFS, comme la limite de droits de votes par actionnaire, et il y a donc ajouté de nouvelles conditions, notamment la gratuité du mandat d'administrateur, qui pourraient être perçues de la même manière. Toutefois, d'autres mentions statutaires imposées aux SFS ne le sont plus aux entreprises sociales. C'est entre autre le cas des modalités permettant à chaque membre du personnel d'acquérir ou de perdre la qualité d'associé.
L'arrêté royal du 28 juin 2019 fixant les conditions d'agrément prévoit qu'un contrôle régulier des sociétés coopératives agréées comme entreprise sociale sera effectué par l'administration du SPF Economie. Si le SPF Economie constate que les conditions d'agrément ne sont plus remplies, le Ministre de l'Economie peut retirer l'agrément.
L'agrément comme société coopérative
L'agrément comme entreprise sociale peut être cumulé avec l'agrément « comme société coopérative » par le ministre de l'Economie, en application de la loi du 20 juillet 1955 portant institution d'un Conseil national de la Coopération, de l'Entreprenariat social et de l'entreprise Agricole. Cet agrément « comme société coopérative » donne lieu à certains avantages fiscaux et sociaux pour des sociétés coopératives ayant comme but principal de procurer aux associés un avantage économique ou social, dans la satisfaction de leurs besoins professionnels ou privés.
Si une société cumule ces deux agréments, elle est nommée société coopérative entreprise sociale agréée (SCES agréée), ce qui la distingue de la société coopérative (uniquement) agréée comme entreprise sociale (SC agréée comme ES). En plus de la loi du 20 juillet 1955, les conditions pour l'agrément comme société coopérative sont encore toujours régies par un arrêté royal du 8 janvier 1962 fixant les conditions d'agrément des groupements de sociétés coopératives et des sociétés coopératives. Cet arrêté royal, qui n'a d'ailleurs pas encore été adapté au CSA, énonce des conditions assez similaires à celles pour l'agrément comme entreprise sociale, comme une limite de dividendes (également à 6%, mais calculée différemment), une limite du droit de vote par actionnaires, la gratuité du mandat d'administrateur et un rapport spécial. Une SCES agréée doit satisfaire aux conditions pour les deux agréments simultanément, mais le législateur a expressément prévu qu'un telle SCES agréée est dispensée du but principal consistant à procurer à ses actionnaires un avantage économique ou social, pour la satisfaction de leurs besoins professionnels ou privés.
L'agrément comme entreprise agricole
La S. Agr. a été « remplacée » par un nouvel agrément spécifique, c'est-à-dire l'agrément comme entreprise agricole. Cet agrément peut également être octroyé aux sociétés coopératives (alors dénommées SCEA), mais aussi aux sociétés à responsabilité limitée (SRLEA), aux sociétés en nom collectif (SNCEA) et aux sociétés en commandite (SCommEA).
Comme pour l'entreprise sociale, le législateur a habilité le Roi à déterminer les conditions pour l'agrément comme entreprise agricole. Si le législateur énonce les conditions légales pour l'agrément comme entreprise sociale, il n'en fait pas de même en ce qui concerne celui comme entreprise agricole. Il ne fait que décrire une des conséquences liées à l'agrément relative à la loi sur le bail à ferme.
La majorité des conditions énoncées par l'arrêté royal du 28 juin 2019 fixant les conditions d'agrément sont identiques ou au moins équivalentes à ce qui valait déjà pour les sociétés agricoles :
- Les associés doivent être des personnes physiques.
- La société doit être composée d'au moins deux associés, dont au moins un associé est associé gérant.
- Les actions de la société sont nominatives et sont de valeur égale.
- L'associé gérant doit consacrer au moins la moitié de son temps de travail à l'exploitation de l'activité agricole et tirer au moins la moitié de son revenu professionnel de l'exploitation active de l'activité agricole.
- Pour la révocation de l'associé gérant pour motifs graves, il faut suivre la procédure requise pour la modification des statuts.
- Le consentement de chaque associé gérant est requis pour toute modification des statuts de la société, ainsi qu'en cas de dissolution volontaire de la société, à l'exception de la révocation de l'associé gérant pour motifs graves.
- Pour toute cession de parts entre vifs, chaque associé gérant dispose d'un droit de préemption.
D'autres conditions reflètent des modifications par rapport aux anciennes dispositions applicables aux S. Agr. Il s'agit entre autres des conditions suivantes :
- La société doit principalement avoir pour objet l'exploitation d'une activité agricole et/ou horticole énumérée à l'annexe 1 de l'arrêté royal.
- La nomination d'un associé gérant ne requiert pas d'unanimité, mais la procédure requise pour la modification de statuts doit être appliquée.
- Lors de la cession d'actions d'un ou de plusieurs associés en cas de décès ou entre vifs, le consentement de l'assemblée générale de la société est requis (et donc plus l'agrément de tous les associés gérants et de la majorité des associés commanditaires, comme le prévoyait l'article 804 du Code des sociétés).
L'arrêté royal du 28 juin 2019 fixant les conditions d'agrément prévoit qu'un contrôle régulier des sociétés coopératives agréées comme entreprise agricoles sera effectué par l'administration du SPF Economie. Si le SPF Economie constate que les conditions d'agrément ne sont plus remplies, le Ministre de l'Economie peut retirer l'agrément.
Les S. Agr. et les SFS existantes à la date de l'entrée en vigueur du CSA sont présumées être agréées comme entreprise agricole, respectivement comme entreprise sociale. Il s'agit d'une présomption qui peut être renversée par le ministre de l'Economie selon les modalités fixées dans l'arrêté royal du 28 juin 2019 concernant la présomption d'agrément. La présomption est entre autres renversée lorsque la société y renonce, lorsqu'elle se voit octroyer l'agrément suite à une demande d'agrément et lorsqu'elle ne transmet pas les pièces requises par le SPF Economie dans le délai fixé par le SPF.
Un arrêté ministériel du 27 août 2019 (MB 4 septembre 2019) établit la liste des sociétés qui sont présumées être agréées comme entreprise sociale ou comme entreprise agricole.
Alain François
alain.francois@eubelius.com
Maxime Verheyden
maxime.verheyden@eubelius.com