18/10/19

L'État belge peut revendiquer un nom de domaine en tant que « titulaire naturel »

Le 8 avril 2019, la Cour d'appel de Gand a décidé que le nom de domaine « brandweer.be » appartient exclusivement à l'Etat belge étant donné qu'il en est le « titulaire naturel ». L'AISBL qui avait initialement enregistré ce nom de domaine est tenue de le transférer à l'État belge.

Le Code de droit économique prévoit la possibilité d'agir contre ce que l'on appelle le « piratage » de noms de domaine. L'article XII.22 du CDE interdit l'enregistrement d'un nom de domaine si trois conditions cumulatives sont remplies. Premièrement, le nom de domaine enregistré doit être identique ou similaire à un signe distinctif plus ancien d'une autre partie (par exemple, une marque, un nom commercial ou un nom de famille), au point de créer un risque de confusion. Deuxièmement, il faut que le titulaire ne puisse faire valoir aucun droit ou intérêt légitime sur le nom de domaine enregistré. Un tel droit ou intérêt pourrait, par exemple, survenir lorsque le nom de domaine correspond à la dénomination sociale de sa société qui est déjà en usage depuis un certain temps. Finalement, au moment de l'enregistrement, le titulaire du nom de domaine doit avoir agi de mauvaise foi, dans le but de nuire à un tiers (par exemple en bloquant l'enregistrement pour le tiers sans l'utiliser lui-même) ou d'en tirer indûment profit.

En cas d'enregistrement illégal, le Tribunal de l'entreprise peut ordonner la cessation de l'enregistrement et, le cas échéant, le transfert du nom de domaine. Après que le Tribunal de l'entreprise de Gand avait rejeté la demande de l'Etat belge en première instance, la Cour d'appel de Gand a décidé que l'enregistrement était tout de même illégal. 

La Cour a conclu que la première condition est remplie, étant donné que l'Etat belge est le « titulaire naturel » du nom de domaine « brandweer.be ». À cet égard, la Cour rappelle les pouvoirs étendus dont dispose l'État belge dans le domaine des services d'incendie. La Cour estime que l'intérêt général de réserver le nom de domaine « brandweer.be » à l'autorité publique prévaut sur l'intérêt privé de la AISBL Brandweer. La Cour d'appel interprète ainsi la première condition de manière assez large et considère l'enregistrement du nom de domaine comme illégal, étant donné que – compte tenu de sa nature, sa fonction et ses caractéristiques intrinsèques – ce nom appartient (et a toujours appartenu) à un autre « titulaire naturel ».

Dans son arrêt, la Cour d'appel rejette tout « droit » ou « intérêt légitime » de la part de Brandweer AISBL. L'AISBL disposait déjà du nom de domaine « incident.be » pour offrir ses services au public en ligne, lequel réfère à son deuxième nom commercial. De plus, selon la Cour d'appel, les objectifs de Brandweer AISBL n'incluent pas la lutte contre l'incendie en tant que telle, mais seulement le « traitement de situations d'urgence complexes, d'incidents environnementaux et d'accidents avec des substances dangereuses ».

Enfin, selon la Cour d'appel, la troisième et dernière condition pour l'application du piratage de nom de domaine était remplie vu l’avantage indu que Brandweer AISBL recherchait en enregistrant le nom de domaine. La Cour d'appel a estimé que Brandweer AISBL a abusé de la réputation du nom de domaine « brandweer.be » afin de diriger les visiteurs vers sa propre page web « incident.be ». Cependant, selon la Cour d'appel, il est important d'éviter que les citoyens en situation d'urgence soient confrontés à une perte de temps (et aux dangers que cela pourrait provoquer) par le fait qu'ils ne se retrouvent pas immédiatement sur le site web public officiel des sapeurs-pompiers belges.

L'arrêt en question pourrait ouvrir la porte aux instances (peut-être pas seulement aux autorités publiques) pour revendiquer des noms de domaine en tant que « titulaire naturel » pour des raisons d'intérêt public.

Pieter Callens 
pieter.callens@eubelius.com

Hanne De Vos 
hanne.devos@eubelius.com

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