L’employeur qui souhaite utiliser des systèmes de géolocalisation pour localiser ses travailleurs doit se conformer à un certain nombre de conditions. Nous faisons le point.
Principe
De nombreux outils technologiques (GPS, smartphones,…) permettent de localiser, en temps réel, la position des travailleurs.
Dans le cadre de l’organisation du travail, l’intérêt des employeurs est évident et ce, surtout pour les travailleurs dont la fonction suppose des déplacements (p. ex. les représentants de commerce, les chauffeurs de taxi,...).
Toutefois, dans la mesure où une surveillance des déplacements du travailleur en dehors des heures de travail est rendue possible, cela peut engendrer une violation de la vie privée et familiale des travailleurs.
Par conséquent, il importe d’encadrer la mise en place de systèmes de géolocalisation afin de parvenir à trouver un équilibre entre, d’une part, les droits fondamentaux des travailleurs et, d’autre part, l’exercice de l’autorité patronale de l’employeur.
Base légale ?
Aucune loi ou convention collective de travail ne traite directement de la question de l’utilisation de systèmes de géolocalisation des travailleurs.
Les données relatives à la localisation des travailleurs constituent toutefois des données à caractère personnel. Elles tombent dès lors dans le champ d’application du Règlement Général sur la Protection des Données (R.G.P.D.).
Conditions
Finalité, proportionnalité et transparence
Le traitement de ces données par l’employeur doit nécessairement répondre aux conditions générales de finalité, proportionnalité et transparence.
Premièrement, l’employeur doit expressément définir la finalité de la géolocalisation et s’y tenir. L’autorité de protection des données énumère, à titre d’exemple, les finalités suivantes : la sécurité du travail, la protection des véhicules de service, répondre à des besoins professionnels bien définis concernant le transport et la logistique ou encore, exercer un contrôle sur le personnel.
Deuxièmement, l’employeur ne peut utiliser la géolocalisation d’une manière incompatible avec la finalité expressément décrite. En d’autres termes, la géolocalisation doit être adéquate, pertinente et non excessive au regard de la finalité poursuivie.
Troisièmement, la condition de la transparence implique que l’employeur communique préalablement au traitement des données une information détaillée (qui, quoi, durée,...) aux travailleurs concernés.
Il est recommandé à l’employeur de fixer un cadre général dans son règlement de travail.
Les clients du Group S peuvent s’adresser à leur gestionnaire de dossier pour obtenir un modèle d’annexe relative à la géolocalisation.
Consultation des organes de concertation ?
A défaut de disposition particulière en la matière, il faut s’en référer à la CCT n° 39 concernant l’introduction de nouvelles technologies.
Ainsi, dès le moment où le système de géolocalisation concerne au moins 10 travailleurs, une information et une consultation du conseil d’entreprise sont nécessaires.
Comment matérialiser le consentement des travailleurs ?
Le consentement du travailleur est essentiel pour l’admissibilité du traitement des données de géolocalisation.
En effet, le cadre fixé dans le règlement de travail n’est pas nécessairement suffisant pour considérer que le travailleur a donné son consentement exprès.
L’employeur prendra dès lors soin de recueillir le consentement individuel des travailleurs concernés. Cela peut se faire par la signature soit du contrat de travail contenant une clause particulière en la matière soit d’une convention annexe au contrat de travail. De cette manière, les travailleurs marquent expressément leur accord pour le traitement de leurs données personnelles.
Les clients du Group S peuvent s’adresser à leur gestionnaire de dossier pour obtenir un modèle d’accord individuel.
Quid du motif grave ?
Les données recueillies en violation de la réglementation sur la protection des données ne pourront pas être utilisées en cas de litige.
Une travailleuse engagée dans le cadre d’un contrat à durée déterminée est licenciée pour motif grave. La travailleuse introduit une procédure devant le Tribunal du travail en contestation de son licenciement.
Le motif grave reposait en partie sur des preuves recueillies à partir du système de géolocalisation dont le véhicule mis à disposition de la travailleuse était équipé. Le Tribunal du travail examine la régularité des preuves ainsi obtenues. Les principes de finalité, de proportionnalité et de transparence n’ayant pas été respectés dans la mise en œuvre du système de localisation, le tribunal a écarté les preuves en question. Les autres preuves ayant été considérées insuffisantes pour justifier le motif grave, l’employeur a dû payer une indemnité compensatoire de préavis à la travailleuse. L’employeur averti veillera donc à respecter les conditions requises pour éviter toute incertitude…
Sources
Règlement (UE) 2016/679 du Parlement européen et du Conseil du 27 avril 2016 relatif à la protection des personnes physiques à l'égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données, et abrogeant la directive 95/46/CE (règlement général sur la protection des données), J.O.U.E., 4 mai 2016.
Avis n° 12/2005 du 7 septembre 2005 de l’Autorité de protection des données.
Trib. trav. Brabant wallon, 9 avril 2019, R.G., n°14/1.137/A.
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