09/05/11

Soins de santé transfrontaliers : une nouvelle expérience pilote

Le projet de deux ophtalmologues, un Néerlandais et un Belge, fait naître une structure transfrontalière destinée à rapprocher l’expérience et la qualité des soins des patients en se jouant des frontières étatiques. Cette expérience présage de la mise en œuvre de la Directive relative aux droits des patients en matière de soins de santé transfrontaliers.

L’Europe des soins de santé est une réalité. Une réalité bâtie sur des rêves et des projets d’hommes et de femmes qui, souvent pour faire avancer leurs projets et leur métier, ont choisi de ne pas s’arrêter aux frontières de l’Etat où ils se trouvaient.

Dans une large mesure, l’Europe des soins de santé s’est bâtie parce que des prestataires de soins ou des entreprises qui commercialisent des produits de santé voulaient profiter de l’espace de liberté que constitue l’Europe. Cette même Europe des soins de santé s’est aussi construite autour de patients, désireux d’être soignés sur l’ensemble du territoire européen.

Ce 21 janvier 2011, deux hommes ont réussi le pari qui pouvait sembler un peu fou de fondre ces deux logiques : sous l’impulsion du Professeur Hendrikse de l’hôpital universitaire de Maastricht et d’un ophtalmologue belge de réputation internationale, le Professeur Budo, la nouvelle polyclinique d’ophtalmologie de Saint-Trond a été inaugurée.

Deux hommes, deux visionnaires, mais une seule vision : élargir leurs compétences en même temps que l’accès de patients belges et néerlandais à leurs deux centres d’excellence. Cette initiative mérite amplement que l’on s’y attarde, à plus d’un titre.

En premier lieu certainement, parce qu’elle constitue une initiative unique, à notre connaissance, en matière de collaboration « eurégionale » dans le domaine des soins de santé. Par la reprise de la pratique privée du Dr. Budo, l’hôpital universitaire de Maastricht installe une de ses « antennes » en Belgique. Ce faisant, l’université sort de ses frontières.

En second lieu aussi, parce ce que cette collaboration constitue un laboratoire privilégié pour étudier et dépasser les obstacles que nos États, mais aussi nos mentalités, ont dressés à l’effectivité des soins transfrontaliers. Ces obstacles ont trait à la libre circulation tant des patients que des prestataires de soins, ils touchent aussi à la formation universitaire et à la recherche clinique. Ainsi, l’université dépasse les frontières.

En troisième lieu enfin, parce que l’initiative met volontairement en jeu des partenaires que l’on a pas l’habitude, en Belgique, de voir se rencontrer si formellement : le médecin en pratique privée et l’universitaire. Chez nous, pareille collaboration reste en somme assez cloisonnée. S’il arrive au médecin en pratique privée de « référer » des patients à l’hôpital universitaire, par l’expertise médicale qui s’y développe, le contraire est rarement vrai. Le domaine de l’enseignement et de la recherche paraît en Belgique également trop circonscrit au seul hôpital universitaire. Ce faisant, notre société manque une occasion de faire partager, en particulier aux candidats médecins, une expertise spécifique. Par l’initiative prise par les Docteurs Budo et Hendrikse, l’université est amenée à transcender ses propres frontières.

Alors que ces deux hommes et leurs institutions repoussaient les frontières géographiques, humaines et académiques d’une médecine qui ne peut plus s’arrêter aux portes d’un bureau des douanes, le Parlement européen et la Commission finissaient de voter, le 28 février dernier, le texte de la nouvelle directive relative aux droits des patients en matière de soins de santé transfrontaliers. Cette directive vise essentiellement à faciliter les démarches des citoyens européens désireux de se faire soigner dans un autre État membre. Elle instaure en outre entre les États, dans le domaine de la santé, une coopération plus étroite, notamment en ce qui concerne la reconnaissance mutuelle des prescriptions médicales.

Certes, les observateurs avertis auront noté que la nouvelle directive relative aux droits des patients en matière de soins de santé transfrontaliers est, en réalité, la formalisation, dans un texte, de droits et obligations qui avaient pour la plupart déjà été dégagés par la jurisprudence de la Cour de justice. Elle ne révolutionne donc pas les principes de libre circulation des personnes et des travailleurs mais traduit sur papier des contours tracés par le terrain. Là aussi, l’initiative a été prise par des femmes et des hommes désireux de se jouer des frontières et confiants dans l’ouverture de celles-ci.

Ce sont des initiatives telles celle de la nouvelle polyclinique ophtalmologique de Saint-Trond qui sont amenées à tracer les contours de l’Europe des soins de santé de demain. Un exemple à suivre en tout cas pour ceux qui souhaitent profiter des portes ainsi ouvertes. Les carences en matière d’offre de soins des différents États membres, dans certains domaines précis, peuvent souvent trouver solution dans la collaboration transfrontalière. L’expertise des Professeurs Budo et Hendrikse constitue pour ceux qui souhaitent s’y aventurer un exemple de réussite.

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