Un an, jour pour jour, après l’adoption de la loi du 6 avril 2010 relative aux pratiques du marché et à la protection du consommateur (« LPMPC »), la Cour Constitutionnelle a rendu un arrêt confirmant le caractère discriminatoire de la non-application de cette loi aux professions libérales, aux kinésithérapeutes et aux dentistes. Rendu sur question préjudicielle, cet arrêt apporte d’importantes précisions en ce qui concerne le champ d’application de la « LPMPC ».
L’interdiction générale pour toute « entreprise » de se livrer à des pratiques commerciales déloyales découle notamment de la Directive européenne n° 2005/29/CE du Parlement européen et du Conseil du 11 mai 2005 sur les pratiques commerciales déloyales. Cette directive - qui s’applique tant aux titulaires de professions libérales qu’aux entreprises commerciales -, aurait dû être transposée en droit belge avant le 12 juin 2007.
Cette transposition a partiellement été effectuée lors de l’adoption, le 6 avril 2010, de la LPMPC. Sont toutefois exclus du champ d’application de celle-ci, les titulaires d’une profession libérale soumise au contrôle d’un organe disciplinaire ainsi que les dentistes et les kinésithérapeutes1.
Bien que la directive européenne précitée prescrive une telle interdiction, les professions libérales contrôlées par une autorité disciplinaire ne sont donc soumises à aucune interdiction générale de se livrer à des pratiques commerciales déloyales. La plupart des titulaires de professions libérales sont, en effet, uniquement soumis aux dispositions de la loi du 2 août 2002 relative à la publicité trompeuse et à la publicité comparative, aux clauses abusives et aux contrats à distance (« LPL »). Les actions en cessation doivent, en cette matière, être portées devant le Tribunal de Première instance et non devant le Tribunal de commerce, comme c’est le cas pour les actions en cessation sur pied de la LPMPC.
La question s’est posée de savoir si l’exclusion des titulaires d’une profession libérale, des kinésithérapeutes et dentistes du champ d’application de la loi du 6 avril 2010, ainsi que l’incompétence du tribunal de commerce qui en découle, étaient conformes aux principes constitutionnels. Deux questions préjudicielles ont dès lors été posées à la Cour Constitutionnelle.
Si l’application de procédures différentes devant des juridictions différentes entre les titulaires de certaines professions libérales et les autres entreprises n’est pas discriminatoire en soi, la Cour conclut toutefois qu’en l’espèce, l’exclusion en cause crée une limitation disproportionnée des droits des parties concernées et est, partant, contraire à la Constitution.
La Cour estime que l’exclusion des titulaires de professions libérales, au motif qu’ils ont une responsabilité sociale, disposent d’une déontologie propre et qu’ils interviennent dans le cadre d’une relation de confiance avec leurs clients, fondée sur une discrétion, n’est pas justifiée.
S’agissant des dentistes et des kinésithérapeutes, la Cour relève que ces professions sont exclues du champ d’application de la loi alors même qu’elles ne sont pas soumises au contrôle d’une autorité disciplinaire. La Cour estime qu’en l’espèce, il n’y a pas de raison que seules ces deux professions soient exclues, alors que la LPMPC s’applique à d’autres professions libérales qui ne sont pas soumises à un organe disciplinaire crée par la loi, comme par exemple les logopèdes.
L’intérêt de cet arrêt réside non seulement dans la comparaison entre les titulaires d’une profession libérale et les « entreprises » sur le plan de la protection du consommateur, mais aussi dans les précisions qu’il apporte concernent le champ d’application de la LPMPC.