Après un long processus législatif, la loi portant modification de la législation relative aux jeux de hasard – supportée par le Secrétaire d’Etat Carl Devlies – a finalement été signée par le Roi le 10 janvier dernier et publiée au Moniteur Belge le 1er février 2010, à la suite de son adoption le 3 décembre 2009 par la Chambre des représentants (1).En principe, la loi devrait entrer en vigueur le 1er janvier 2011 (2).
Cependant, certaines dispositions pourraient entrer anticipativement en vigueur si un Arrêté Royal était adopté en ce sens au cours de l'année 2010. La Commission des Jeux de hasard conduit d'ailleurs des consultations en vue de la rédaction des futures Arrêtés Royaux d'exécution de la loi. Ce sont précisément ces arêtes royaux qui pourraient avoir un impact important sur l'activité des jeux media.
La nouvelle loi sur les jeux de hasard définit les jeux de hasard (3) « média » comme :
«Tout jeu de hasard exploité via un média », à savoir « toute station de radio ou de télévision et tout quotidien ou périodique dont le siège social de l'exploitation ou de l'éditeur est établi dans l'Union Européenne ».
En vertu de la nouvelle loi, toute personne qui souhaite exploiter des jeux de hasard via la radio, la télévision ou par voie de presse (notamment avec appels et SMS surtaxés ou autres boutons rouges payants) devra obtenir au préalable une licence - dite licence « G2 » - auprès de la Commission des Jeux de hasard.
Toutefois, la loi ne précise pas encore la forme de cette licence, les modalités d'introduction et d'examen de celle-ci, les modalités et les règles de fonctionnement des jeux, les modalités de surveillance et de contrôle, ni les types de jeux pour lesquels il ne serait pas nécessaire de requérir une licence. Toutes ces conditions et éventuelles exceptions devront donc être déterminées par Arrêté Royal.
Ainsi, tant le contenu que la forme de la licence G2 restent encore incertains. Il va sans dire que le pouvoir attribué au Roi - soit, en pratique à la Commission des Jeux de hasard - est, à cet égard, extrêmement large.
En outre, d'importantes questions, qui avaient déjà fait l'objet d'interrogations au cours des débats parlementaires, demeurent sans réponse. Notamment la question de savoir si les jeux media pourront être exploités sur internet dès lors que la loi ne prévoit pas de licence complémentaire pour l'exploitation « en ligne » de ces jeux de hasard media.
Dans la loi « Devlies », seuls certains opérateurs agréés disposant d'un établissement fixe sur le territoire belge, à savoir les casinos, les établissements de jeux de hasard et de paris, peuvent obtenir une licence pour l'exploitation de jeux de hasard en ligne. Ce parallèle obligatoire entre les licences offline et online avait déjà été critiqué par la Commission Européenne dans un avis sur la compatibilité de la loi avec le droit communautaire, notamment eu égard aux principes de libre prestation des services et de liberté d'établissement. Manifestement, cet avis n'a pas été suivi.
Dans le même temps, la Commission des jeux de hasard voit ses pouvoirs considérablement renforcés. Celle-ci pourra notamment condamner à des sanctions pénales (avertissement, suspension des licences, etc.) non seulement toute personne qui exploitera des jeux de hasard interdits mais aussi toute personne qui participera à de tels jeux, en facilitera l'exploitation, en fera de la publicité ou recrutera des joueurs. La Commission pourra également infliger des amendes administratives si le parquet ne poursuit pas dans les six mois.
A noter toutefois qu'une possibilité de recours devant le tribunal de première instance de Bruxelles sera ouverte contre les decisions de la Commission des Jeux.
Par conséquent, si nous tenons compte de :
• La nouvelle loi Devlies qui réglemente désormais certains jeux medias - qui bénéficiaient jusqu'alors d'une impunité dans un environnement qualifié « de non droit » par certains - tout en laissant aux oubliettes les jeux de hasard développés sur Internet voire en affichage ou en cinéma ;
• La refonte de la loi sur les pratiques de commerce qui supprime l'interdiction des offres conjointes et valide donc désormais les concours avec obligation d'achat, et;
• Des circulaires fiscales instituant la taxe sur les jeux et paris et concours payants (c'est-à-dire assortis d'une mise), ainsi que ;
• Du code éthique en matière de services payants (services météo, services d'horoscope, etc.) qui imposent le respect de règles générales visant à protéger le consommateur ;
à n'en pas douter le secteur des jeux, concours et pratiques promotionnelles interactives est en pleine mutation. C'est parce qu'ils sont à la fois source de revenus de diversification pour les uns (medias) et source de dépenses parfois compulsives pour les autres (consommateurs) que les jeux et concours font l'objet d'une réglementation renforcée.
Gageons de ce que les autorités, et en particulier la Commission des jeux de hasard, sauront éviter la lourdeur administrative et mettre en place des règles pratiques dans le cadre des arêtes d'exécution permettant d'organiser - sans contrainte - des jeux media à enjeu limité. Il serait en effet regrettable de voir tous les jeux et concours - quelle que soit la mise de départ - soumis à une réglementation dissuasive alors même que ces jeux font aujourd'hui partie intégrante de l'activité économique des medias et du quotidien des téléspectateurs, lecteurs, auditeurs.
1 Le présent article fait suite à un article intitulé « Les jeux et concours média en péril ? Le projet de loi Devlies » publié dans notre newsletter du mois de juillet 2009, disponible sur www.koan.be .
2 Article 61.
3 On entend par « jeu de hasard » , « tout jeu ou pari pour lequel un enjeu de nature quelconque est engagé, ayant pour conséquence soit la perte de l'enjeu par au moins un des joueurs, soit le gain de quelque nature qu'il soit, au profit d'au moins un des joueurs ou organisateurs du jeu et pour lequel le hasard est un élément, même accessoire, pour le déroulement du jeu, la détermination du vainqueur ou la fixation du gain ».