L’Europe, arguant de la lutte contre le financement du terrorisme et l’utilisation du système financier aux fins du blanchiment de capitaux, a contraint les Etats européens à mettre en place un registre UBO, reprenant les bénéficiaires économiques des sociétés et autres entités.
La directive européenne devait être transposée pour le 31 décembre 2017. La Belgique, en retard, vient de publier ce 14 août l’arrêté royal reprenant les modalités de fonctionnement du registre UBO, pour « Ultimate Beneficial Owner » (ci-après « l’AR »), prévu par la loi du 18 septembre 2017 relative à la prévention du blanchiment et du financement du terrorisme. Il entrera en vigueur le 31 octobre.
Les registres UBO nationaux seront à terme « fusionnés » au niveau européen.
1. Quelles sociétés et entités sont visées ?
a) Sont concernées par cette nouvelle législation :
Les sociétés constituées en Belgique.
La société de droit commun étant une société au sens du Code des Sociétés, elle est également visée, la loi n’excluant pas les sociétés sans personnalité juridique.
Les asbl et fondations constituées en Belgique.
Les trusts, fiducies et entités similaires, s’ils sont administrés depuis la Belgique, s’ils y ont leur siège social ou de direction effective ou s’ils établissent une relation d'affaire ou acquièrent un bien immobilier en Belgique.
b) Peu importe la taille des entités : tant l’électricien exerçant en société que la multinationale sont visés.
2. Qui sont les bénéficiaires effectifs ?
a) L’entité doit déterminer ses bénéficiaires effectifs. Il s’agit de la ou des personnes physiques qui, en dernier ressort, possèdent ou contrôlent l’entité.
Il faut procéder en trois étapes :
Premièrement, on examine le titulaire des droits de vote ou la participation dans l’entité.
Ensuite, on examine les possibilités de contrôle par d’autres moyens.
Enfin, si les deux précédentes options n’aboutissent pas, on prend les personnes physiques qui occupent la « position de dirigeant principal ».
b) Pour les sociétés, sont considérés comme possédant ou contrôlant en dernier ressort la société
la ou les personnes physiques qui possède(nt), directement ou indirectement, un pourcentage suffisant de droits de vote ou une participation suffisante dans le capital de cette société. La possession par une personne physique de plus de 25% des droits de vote ou de plus de 25% des actions ou du capital de la société est un indice de pourcentage suffisant de droits de vote ou de participation directe suffisante.
la ou les personnes physiques qui exerce(nt) le contrôle de cette société par d'autres moyens.
Si, après avoir épuisé tous les moyens possibles, et pour autant qu'il n'y ait pas de motif de suspicion, aucune des personnes visées aux deux premiers tirets n'est identifiée, ou s'il n'est pas certain que la ou les personnes identifiées soient les bénéficiaires effectifs, la ou les personnes physiques qui occupent la position de dirigeant principal.
La loi étant fort complexe, il faut examiner chaque cas au regard des termes de la loi pour déterminer les bénéficiaires effectifs.
3. Que faut-il déclarer ?
a) L’entité doit communiquer au registre UBO les nom, prénom, date et lieu de naissance, nationalité, adresse et n° d’identification des bénéficiaires effectifs.
b) Selon les types d‘entités (sociétés, asbl, trusts, etc.), certaines informations relatives à la détention doivent être communiquées. Ainsi, pour les sociétés, il faudra notamment indiquer si les bénéficiaires effectifs exercent le contrôle par le droit de vote ou par d’autres moyens, ou encore en coordination avec d’autres bénéficiaires effectifs (grâce à un pacte d’actionnaires). Il faudra également identifier les structures intermédiaires (par exemple si une holding détient différentes filiales).
c) Aucune information ne doit être communiquée quant aux actifs détenus par la société, son patrimoine, ses comptes bancaires, etc.
d) Le registre doit être mis à jour au moins annuellement.
4. Qui doit déclarer ?
Pour les sociétés
Les administrateurs ou gérants
Pour les ASBL
Les administrateurs
Pour les trusts et fiducies
Les trustees et fiduciaires
5. Qui a accès aux informations ?
a) En ce qui concerne les sociétés, ont accès au registre UBO les autorités compétentes, y compris le fisc en vue d’une éventuelle taxation. L’article 322, §1er, al.3 du CIR dispose que le fisc peut consulter le registre UBO « en ce qui concerne un contribuable déterminé », « afin d’assurer la juste perception de l’impôt ». Ces cas seront à mon avis rares. On peut au cas de la société belge qui a distribué un dividende à ses actionnaires sans retenir le précompte mobilier. Ou encore au cas du Settlor d’un Trust qui ne déclarerait pas les revenus du trust par transparence (taxe Caïman).
Les personnes et entités tombant sous l’application du volet préventif de la loi anti-blanchiment ont accès afin de vérifier les données en leur possession.
Les autres personnes n’ont qu’un accès limité à certaines informations (ils ne peuvent pas avoir accès aux prénom, jour de naissance, adresse et numéro d’identification). De plus, ils ne pourront accéder au registre qu’avec une recherche sur le nom de l’entité ou son numéro BCE. Dès lors, s’ils ne connaissent pas le nom de l’entité, ils n’auront pas d’information. Une recherche sur la base du nom de la personne ne leur est pas accessible.
Le bénéficiaire effectif peut demander d’exclure cet accès par les tiers, sur la base de motifs légitimes.
Toute consultation du registre ne pourra se faire qu’avec sa carte e-ID (soit uniquement par des résidents belges).
L’accès au registre requerra le paiement d’une contribution administrative ; ce qui permettra également d’éviter des recherches globales par des tiers.
Elle sera enregistrée et conservée pour une durée de dix ans ; ce qui permettra de limiter les consultations par un voisin curieux…
b) En ce qui concerne les ASBL, fondations, trusts et fiducies, une personne n’a accès au registre que si elle démontre un intérêt légitime. Sa demande doit passer par une demande écrite à l’administration générale de la Trésorerie du SPF Finances.
6. Quelles sanctions ?
Les sociétés, asbl et fondations qui ne communiquent pas les informations au registre UBO peuvent se voir infliger une amende administrative.
Aucune amende n’est en revanche prévue pour les trusts et fondations.
7. En pratique
Les déclarations au registre UBO devront être faites avant le 30 novembre 2018. THALES se tient à votre disposition pour vous assister dans ces démarches.