Lorsqu'un tribunal déclare la nullité d'un contrat parce que les règles du droit des contrats ont été violées (par exemple, parce que le contrat a été conclu sous l'influence d'une erreur ou d'un dol), ce contrat est réputé n'avoir jamais existé. Il n'a jamais été valide et ne le deviendra jamais. Hormis quelques exceptions, tout ce qui a déjà été presté en exécution du contrat est non avenu. Lorsqu'un contrat est entaché de nullité pour cause de violation du droit de la concurrence, les conséquences sont moins univoques.
Il est possible qu'au moment de sa conclusion, un contrat soit déjà contraire au droit de la concurrence belge et/ou européen, par exemple parce qu'un producteur imposerait des prix de vente minimaux à un distributeur. Dans un tel cas, un tel contrat est également réputé n'avoir jamais existé.
Il est toutefois également possible qu'un contrat puisse bénéficier, lors de sa conclusion, d'une exemption par catégorie fondée sur le droit de la concurrence, comme il en existe pour les contrats de distribution, les contrats portant sur un transfert de technologie, etc. Le contrat est, dans ce cas, réputé ne pas violer l'interdiction de cartel belge ni européenne.
Il est inhérent aux exemptions par catégorie fondées sur le droit de la concurrence que leur application soit assortie de la condition que la part de marché de l'une ou des deux parties reste inférieure à un certain seuil. Si la part de marché de l'une des parties dépasse le seuil pendant une période définie dans l'exemption par catégorie, le contrat perd le bénéfice de l'exemption par catégorie à partir de ce moment. Il n'est alors pas nécessairement entaché de nullité, mais il est possible qu'il le soit. Le fait que le contrat soit effectivement entaché de nullité dépendra concrètement du fait de savoir s'il remplit les conditions de l'interdiction de cartel belge et/ou européenne.
Si, du fait de l'augmentation de la part de marché de l'une ou des deux parties, le contrat viole l'interdiction de cartel, il est entaché de nullité. La question se pose toutefois de savoir à partir de quel moment? La jurisprudence est divisée sur la réponse à cette question. Selon une première interprétation, le contrat serait, dans ce cas, entaché de nullité depuis sa conclusion et, hormis quelques exceptions, toutes ses conséquences devraient être non avenues. Cette solution conduirait sans doute à un chaos important: tous les produits déjà livrés ou services prestés (ou du moins la valeur de ceux-ci) ainsi que tous les paiements effectués devraient être restitués de part et d'autre.
Cette interprétation n'est toutefois pas suivie par la Cour de Justice, ni par la Cour de cassation belge. Les deux juridictions supérieures sont d'avis que la nullité en matière de droit de la concurrence n'intervient qu'au moment où le contrat ne peut plus bénéficier de l'exemption par catégorie et où les conditions de violation de l'interdiction de cartel sont remplies. Le moment où la nullité est établie par une décision d'un tribunal n'est pas déterminant.
So far, so good. Ce qui se passe lorsque le contrat tombe à nouveau dans le champ d'application d'une exemption par catégorie, après qu'il ait été, à un moment donné, en violation de l'interdiction de cartel et ait donc été entaché de nullité, par exemple parce que la part de marché de l'une ou des deux parties a à nouveau baissé, est moins clair. Le contrat peut-il, dans un tel cas, redevenir valide, peut-il, en d'autres termes 'renaître'? On pourrait déduire de la version anglaise de différents arrêts de la Cour de Justice que c'est en effet possible. La cour a en effet jugé à différentes reprises que «that principle of invalidity can be relied on by anyone, and the courts are bound by it once the conditions for the application of Article [101(1) TFEU] are met and so long asthe agreement concerned does not justify the grant of an exemption under Article [101(1) TFEU]» (affaires Courage, Manfredi, Cepsa).
La possibilité de renaissance d'un contrat, qui a violé l'interdiction de cartel pendant une période donnée et a donc été entaché de nullité, trouve un appui dans une certaine jurisprudence et une certaine doctrine du Royaume-Uni. Elle paraît toutefois difficile à défendre face aux besoins de la pratique. Il n'est pas acceptable qu'une partie contractante, après qu'un contrat ait été entaché de nullité, constate soudain qu'elle répond à nouveau aux conditions d'une exemption par catégorie et exige de l'autre partie la poursuite de l'exécution d'un ancien contrat, de l'existence duquel l'autre partie ne se souvient peut-être même pas. Qu'en est-il cependant du cas où les parties ignoraient peut-être que leur contrat violait l'interdiction de cartel pendant un certain temps et ont continué d'exécuter ce contrat, lorsque le contrat peut, dans l'intervalle, à nouveau bénéficier de l'exemption par catégorie ? Les prestations effectuées après la nullité sont-elles, dans ce cas, indues et peuvent-elles être recouvrées ? Ceci ne semble pas non plus être le cas. La raison ne doit toutefois pas être cherchée dans la renaissance du contrat initial, mais dans le fait que les parties ont ensuite, au moment où le contrat était à nouveau valide, conclu tacitement (en effectuant des livraisons et des paiements) un nouveau contrat aux mêmes conditions que le contrat initial.
Afin d'éviter toute incertitude et discussion à ce sujet, le contrat initial pouvant bénéficier d'une exemption par catégorie, certainement si celui-ci est régi par le droit anglais, peut comporter une clause indiquant clairement que si le contrat, du fait de l'augmentation de la part de marché de l'une ou des deux parties et/ou d'autres conditions du marché, devait violer l'interdiction de cartel, le contrat perdrait tout effet pour le futur, à moins que les parties ne reprennent les prestations mutuelles telles que renseignées dans le contrat après que l'exemption par catégorie soit à nouveau applicable, auquel cas un nouveau contrat avec le même contenu que le contrat initial est réputé avoir été conclu au moment où l'exemption par catégorie redevenait applicable.
Auteur : Caroline Caufman, Avocat Monard Law