Uber, un service de transport ou un service de la société de l’information ?
Dans ses conclusions rendues le 11 mai dernier, l’avocat général Maciej Szpunar considère que le service offert par Uber doit être qualifié de “service dans le domaine de transport ” soumis à la réglementation des Etats membres en la matière. Il n’est dès lors pas régi par le principe de libre prestation de service qui s’impose en présence de “service de la société de l’information”.
La Cour de justice a été saisie par l’organisation professionnelle regroupant les chauffeurs de taxi de la ville de Barcelone,”l’Asociacion Porfesional Elit taxi”. Les questions posées à la Cour concernent la qualification des activités exercées par Uber à la lumière du droit de l’Union.
L’organisation “Elit Taxi” accuse Uber Systems Spain de concurrence déloyale envers les chauffeurs d'”Elit Taxi”. L’organisation professionnelle reproche effectivement à Uber Spain et à ses chauffeurs de véhicules de ne pas détenir de licences et d’agréments.
Ces licences et agréments étant prévus dans le règlement sur les services de taxi en vigueur à Barcelone.
La qualification retenue par l’avocat général
L’avocat général, en déclarant que “bien qu’il appartienne au juge national de déterminer et d’évaluer les faits, le service en question est un service mixte, une partie de ce service étant réalisée par voie électronique et l’aitre, par définition, non”, admet le statut quelque peu ambigu qui est celui d’Uber.
Si un “service mixte” peut relever de la qualification de “service de la société de l’information” à certaines conditions, l’avocat général considère que les conditions ne sont pas remplies en l’espèce.
Il conclut, dès lors, à la qualification de “service de transport”.
En effet, ces conditions exigent l’indépendance économique de la prestation offerte par voie électronique vis-à-vis de la prestation qui n’est pas fournie électroniquement. Il est également exigé que l’élément principal du service, compris dans son ensemble, soit accompli par voie électronique.
Or, selon l’avocat général, en l’espèce, la prestation fournie par voie électronique consistant à mettre en relation le passager et le chauffeur n’est ni indépendante ni principale par rapport à la prestation de transport.
Elle n’est pas indépendante en ce que l’activité des chauffeurs n’existe pas de manière “propre”. Elle ne s’effectue effectivement et n’est rendue possible que via la plateforme en ligne.
Par ailleurs, le contrôle économique exercé par Uber sur le service de transport empêche de qualifier ce dernier d’indépendant.
Ce contrôle économique découle du fait que :
- L’accès et la poursuite de l’activité des chauffeurs par le biais de la plateforme Uber sont soumises à des conditions préalables.
- Les chauffeurs effectuant un nombre élevé de trajets sont récompensés financièrement.
- La qualité des chauffeurs est indirectement contrôlée par Uber via son système d’évaluation des chauffeurs par les clients pouvant conduire à l’expulsion de chauffeurs “mal notés”.
- Et enfin, le fait que le prix du service est défini par Uber.
Enfin, la prestation consistant à mettre en relation les passagers et les chauffeurs est accessoire au service de transport.
Les services qu’offrent la plateforme électronique Uber ne peuvent dès lors, aux vus de tous ces éléments, être qualifiés de “services de la société de l’information”.
Et son enjeu
En conséquence, le principe de libre prestation des services, régissant les “services de la société de l’information”, ne peut gouverner l’activité exercée par Uber.
Uber pourrait, dès lors, devoir posséder des licences et agréments au même titre que les taxis. Uber est effectivement, selon l’avocat général, régi par les conditions d’admission des transporteurs non résidents aux transports nationaux dans les Etats membres.
Notre conseil :
Si la Cour de justice, dont l’arrêt est attendu pour la fin 2017, suit l’avis de l’avocat général, c’est l’ensemble de l’économie collaborative émergente en Europe qui sera remis en question…
En effet, un nombre croissant de plateformes dites “collaboratives «offrant à la fois des services physiques et électroniques” risque de se voir appliquer la même décision.
Il convient donc, pour les entreprises ayant pour projet cette forme d’économie, de tenir compte de l’avis de l’avocat général afin d’éviter que ne leur soit appliquée, le cas échéant, la même décision.
Nastassia De Baere - avocat - n.debaere@lexing.be