Dans un récent arrêt, la Cour de cassation précise les conséquences de l'annulation rétroactive d'un contrat de cession d'actions: le vendeur supporte, en principe, les conséquences d'une chute ou d'une hausse de la valeur des actions depuis la vente.
En 2003, deux sœurs ont vendu séparément au même acheteur leurs actions dans deux sociétés en commandite par actions qui géraient des portefeuilles d'actions. Ces deux sociétés avaient, à l'époque, été constituées par leur père dans le cadre de la planification de sa succession et chacune des sœurs avait ensuite acquis les actions d'une de ces deux sociétés. Les deux contrats de vente conclus en 2003 furent annulés par le juge du fond au motif que les deux entreprises concernées s'étaient, aux termes des contrats, solidairement engagées avec l'acheteur à payer le prix d'achat de leurs propres actions, et ce en violation des règles alors en vigueur en matière d'assistance financière par une société.
Dans son arrêt du 13 Janvier 2017, la Cour de cassation s'est penchée sur les effets pratiques de l'annulation rétroactive de ces deux contrats de vente. Plus précisément, s'est posée la question de la manière dont devait s'effectuer la restitution des actions. En ce qui concerne la première des deux sociétés, la restitution en nature des actions de la société était en effet possible, mais leur valeur avait fortement chuté suite à la crise financière de 2008. Pour la seconde, la restitution des actions n'était plus possible dès lors que la société en question avait, entre temps, été liquidée. La Cour de cassation a statué sur ces deux cas de la manière suivante:
- Si, au moment de l'annulation judiciaire du contrat, les actions se trouvent encore dans le patrimoine de l'acheteur, les actions doivent être restituées en nature au vendeur, indépendamment d'une chute ou hausse de leur valeur. Étant donné qu'en l'espèce les actions de la première société se trouvaient encore dans le patrimoine de l'acheteur, les juges d'appel ne pouvaient, en d'autres termes, pas ordonner une réparation par équivalent, malgré que les droits patrimoniaux attachés à ces actions avaient fortement chuté depuis la conclusion de la vente.
- Si la restitution en nature des actions n'est pas possible, la restitution doit alors s'opérer par équivalent. L'obligation de payer la valeur des actions est une dette de valeur et l'indemnité à payer est dans ce cas égale à la valeur que les actions, compte tenu l'état dans lequel elles ont été reçues, auraient eu au jour où le juge du fond chiffre l'indemnité.
Les juges d'appel ne pouvaient donc pas déterminer la valeur des actions à restituer sur la base du contrat annulé (le prix d'achat), sans tenir compte du changement de la valeur des actions au moment de l'établissement judiciaire de l'indemnité et sans vérifier si ce changement était dû au débiteur de la restitution (en l'espèce, l'acheteur).
Il résulte de cet l'arrêt de la Cour de cassation qu'une chute (ou une hausse) de valeur des actions après la conclusion de la vente annulée s'opère à la charge ou au profit du vendeur, à moins que cette différence de valeur ne soit imputable à l'action ou l'inaction de l'acheteur. En cas d'annulation d'une vente d'actions qui ont entre-temps baissé en valeur, le vendeur récupère donc ces actions en nature, avec leur valeur réduite. Si une restitution en nature n'est pas possible, il reçoit alors une indemnité égale à la valeur réduite des actions (fixée au moment de l'estimation judiciaire). L'inverse est vrai en cas de hausse de valeur. Dans ce cas, le vendeur reçoit alors, en principe, le bénéfice de la hausse de la valeur des actions (tant en cas de restitution en nature que par équivalent).
Cette jurisprudence de la Cour de cassation n'est pas seulement importante en cas d'annulation d'une cession d'actions, mais peut également être pertinente dans d'autres situations, comme l'annulation d'une transaction immobilière lorsque la valeur des biens vendus a diminué ou augmenté.
Thijs Tanghe
thijs.tanghe@eubelius.com
Ignace Claeys
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