16/12/10

La cour complète sa jurisprudence sur la publicité comparative

Dans la lignée de ses précédents arrêts, la Cour de Justice de l’Union européenne juge comme étant également autorisée la publicité comparative portant sur des produits alimentaires.

La technique de la publicité comparative est bien connue. Par une confrontation de ses produits avec les produits d’un concurrent, un vendeur attire le consommateur en vantant les avantages de ses propres produits.

L’affirmation « Je suis beaucoup moins cher et plus compétent que X » est effectivement beaucoup plus porteuse que « Je suis le moins cher et le plus compétent », puisqu’elle permet de se positionner par rapport à son concurrent.
Pour éviter les atteintes à la saine concurrence entre vendeurs, la loi du 6 avril 2010 relative aux pratiques du marché et à la protection du consommateur (se conformant ainsi à la directive 84/450/CEE du Conseil en matière de publicité trompeuse et de publicité comparative, datée du 10 septembre 1984) impose plusieurs conditions à la validité de cette technique publicitaire. Selon l’article 19 de la loi, cette dernière :

1°) ne peut être trompeuse ;
2°) doit comparer des biens ou services répondant aux mêmes besoins ou ayant    le même objectif ;
3°) doit comparer objectivement une ou plusieurs caractéristiques essentielles, pertinentes, vérifiables et représentatives de ces biens et services.

Récemment, la deuxième condition a fait l’objet d’un débat juridique porté devant la Cour de Justice de l’Union Européenne (CJUE), à propos de la licéité d’une publicité réalisée par l’enseigne française de distribution Leclerc. Celle-ci avait fait paraître dans un journal local une publicité reproduisant des tickets de caisse énumérant, au moyen de désignations génériques accompagnées d’indications de poids ou de volume, 34 produits pour la plupart alimentaires, achetés respectivement dans un magasin Leclerc et dans un magasin Lidl. La publicité faisant apparaître une différence totale de près de 5 € entre les deux enseignes.

Dans une affaire comparable (arrêt Lidl Belgium du 19 septembre 2006) la Cour avait déjà jugé légale la pratique consistant à comparer des assortiments de produits de concurrents, lorsque les produits pris individuellement entre eux répondent au critère de comparabilité. Par ailleurs, il a également été jugé que des produits ne sont comparables que s’ils présentent un degré d’interchangeabilité ou de substitution suffisant (arrêt De Landsheer Emmanuel du 19 avril 2007).

Dans le cas d’espèce, la question était par contre de savoir si la nature alimentaire des produits en cause empêche ou non de les considérer comme étant comparables, dès lors que leur comestibilité ou le plaisir que procure leur consommation peut varier selon les conditions et lieux de fabrication, les ingrédients mis en œuvre et l’expérience du fabricant. En d’autres mots, peut-on comparer des produits sous l’angle de leur prix alors que la différence de prix peut résulter des caractéristiques propres des produits (par exemple le choix des ingrédients).

La Cour a répondu positivement à cette question, rappelant d’une part qu’aucune disposition n’impose qu’une comparaison ne puisse avoir lieu qu’entre des produits identiques, et estimant d’autre part qu’une telle interdiction limiterait de manière considérable la portée de la publicité comparative. Celle-ci serait en effet exclue pour une catégorie importante de biens de consommation.

Toutefois, la Cour rappelle la première condition de la publicité comparative, selon laquelle la comparaison du seul prix des biens et services proposés ne peut être trompeuse au regard du consommateur moyen, normalement informé et raisonnablement avisé et attentif. A cet égard, et rappelant sa propre jurisprudence, la Cour précise qu’une publicité ne peut :
 
 * créer une croyance erronée que la sélection des produits est représentative du niveau général des prix de l’annonceur par rapport à celui pratiqué par son concurrent, ou encore que tous les produits de l’annonceur sont moins chers que ceux de son concurrent ;
* porter sur des produits alimentaires qui présenteraient en réalité des différences objectives de nature à conditionner de manière sensible le choix de l’acheteur.

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