30/11/10

Fusions - acquisitions Céder son entreprise à un fonds de private equity plutôt qu’à un concurrent: quelles sont les spécific…

Même si la crise a significativement réduit leur activité, les fonds de private equity sont de plus en plus présents dans notre paysage économique et dans le marché des fusionsacquisitions. Il suffit de penser à la récente vente de Ontex, ou encore à la présence (actuelle ou passée) de fonds comme CVC dans Bpost ou Taminco, ou encore 3i dans ABX, Aviapartner ou Electrawinds.

Pour rappel, le private equity consiste notamment dans le rachat d’entreprises par des fonds d’investissement (buyout), avec effet de levier (voir ci-dessous), dans l’espoir de revendre ces enterprises à moyen terme, avec plus-value. Il convient, avant toute chose, de tordre le cou à des idées reçues trop généralement répandues et de rappeler que de nombreuses études ont démontré, d’une part, que les sociétés soutenues ou contrôlées par des fonds de private equity créent globalement plus d’emplois que d’autres societies qui leur sont comparables et, d’autre part, la valeur et la rentabilité à moyen et long terme de ces sociétés a augmenté lorsque le fonds de private equity revend la société.

L’objet de cet article est d’expliquer, succinctement, les particularités d’un rachat d’entreprise par un fonds de private equity specialize en buyout (ci-après le «buyout») par rapport à une operation classique de rachat d’entreprise entre un vendeur et un acheteur issus du même secteur d’activités (ci-après le «rachat classique»).

Avant de passer à l’examen des différences, rappelons que tant le rachat classique que le buyout donneront lieu à un audit («due diligence ») de la part de l’acheteur et à la négociation d’un contrat de vente d’actions. Ce dernier comprendra des déclarations et guaranties de la part du vendeur, des clauses visant à limiter la responsabilité du vendeur (notamment durée des garanties, seuil de déclenchement et plafond de la responsabilité du vendeur) et une clause de non-concurrence de deux à trois ans dans le chef du vendeur.

Les principales spécificités d’un buyout résident dans la structure d’acquisition, l’effet de levier financier et l’intéressement du management.

Le véhicule d’acquisition

Un buyout est généralement réalisé par une société nouvellement constituée par le fonds d’investissement et les managers de la cible impliqués dans l’opération, appelée véhicule d’acquisition. C’est dans cette société que les fonds destinés à l’acquisition de la société cible (à savoir du capital et de la dette, comme expliqué cidessous) seront logés. Le véhicule d’acquisition n’aura pas forcément la même nationalité que la société cible, des considerations fiscales pouvant ici avoir un effet important.

L’effet de levier

Les fonds de buyout procèdent généralement à des operations de leveraged buyout (buyout avec effet de levier). Que signifie ce jargon? Simplement que le financement (organisé au niveau du véhicule d’acquisition) du prix d’acquisition des actions rachetées se compose non seulement de fonds propres (capital et/ou prêts d’actionnaires) mais aussi d’une large part de dette bancaire (appelée dette d’acquisition). Ceci explique pourquoi les buyout concernent souvent des sociétés dégageant ou susceptibles de dégager un EBITDA élevé (excédent brut d’exploitation, à savoir le résultat brut avant les frais financiers, les impôts, les amortissements et les provisions). Ce cash flow servira en effet à rembourser la dette d’acquisition.

Le buyout est alors structuré de manière à faire supporter dans la plus grande mesure possible la dette d’acquisition par la société cible. C’est ainsi que les excédents de capitaux propres ou de cash seront remontés vers le véhicule d’acquisition et que la société cible sera amenée à consentir des sûretés en vue de garantir la dette d’acquisition, tout cela dans le délicat respect des règles applicable en matière d’assistance financière (le principe étant que la société cible peut, sous certaines conditions très strictes, avancer des fonds, accorder des prêts ou donner des sûretés en vue de l’acquisition de ses actions par un tiers). De nombreuses constructions ont été imaginées afin de pouvoir «pousser la dette d’acquisition vers le bas» (mécanismes de «debt push down»): distribution de dividendes, réduction de capital ou acquisition d’actions propres par la société cible, paiement de management fees au véhicule d’acquisition, fusion entre la cible et le véhicule d’acquisition, etc.

La participation du management

Les grands acteurs du monde des buyout aiment le répéter inlassablement, les trois éléments clés d’un buyout réussi sont: le management, le management et le management. C’est pourquoi la plupart des buyout se font avec la participation et l’intéressement du management en place (management buyout) ou d’un nouveau management venu de l’extérieur (management buy-in).

Lorsque le management est impliqué dans le buyout, il sera particulièrement attentif à deux choses. Tout d’abord, il négociera avec le fonds d’investissement ce que l’on appelle son envy ratio, littéralement son ratio d’envie de participer à l’opération. Très schématiquement, il s’agit du ratio entre les fonds propres injectés par le management pour une action de la cible et les fonds propres investis par le fonds d’investissement pour une même action. Par exemple, si le fonds investit 10 euros pour acquérir une action de la cible et que le manager investit 5 euros pour posséder 1 action, cela signifie que le fonds aura investi deux fois plus que le manager; l’envy ratio du management (1:0,5) sera donc de 2. Ensuite, le management (généralement actionnaire minoritaire) veillera à mettre en place au niveau du véhicule d’acquisition une convention d’actionnaires (voir ci-dessous).

Le cadre contractuel du buyout

Par rapport à un rachat classique (qui peut se réaliser juste avec une convention de cession d’actions), la réalisation d’un buyout demande la rédaction et la négociation de nombreux documents juridiques afin de déterminer de manière précise les droits et obligations du vendeur, de l’acheteur, des fournisseurs du crédit et des managers. Ces documents seront au minimum les suivants:

• la convention de cession d’actions entre le vendeur et l’acheteur de la cible avec les habituelles clauses relatives aux garanties du vendeur;
• les statuts du véhicule d’acquisition;
• la convention d’actionnaires régissant les relations entre le fonds d’investissement et les managers au niveau du véhicule d’acquisition; cette convention contiendra des règles concernant la gouvernance de la société (composition du conseil d’administration et des comités spécialisés, droit de veto, présidence, etc.) mais aussi la possibilité ou l’obligation pour chaque partie de céder tout ou partie de ses actions;
• la ou les conventions de crédit entre le véhicule d’acquisition et les fournisseurs de crédit et les sûretés qui y sont accessories (hypothèque, gage sur fonds de commerce, sur actions, sur comptes bancaires, sur créances, sur droits intellectuels, cautions, etc.) à conclure entre les fournisseurs de crédit et les beneficiaries de ces crédits.

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