02/11/10

Confidentialité des transactions de quotas : conclusions de l’Avocat Général

Les informations relatives aux transactions de quotas tombent-elles dans le champ d’application de la directive relative à l’information environnementale ?

Dans le cadre d’un litige opposant la ville de Lyon à la Caisse des Dépôts et Consignations française (en sa qualité de gestionnaire du registre français des quotas d’émission de gaz à effet de serre, ci-après « CDC »), l’Avocat Général a rendu d’intéressantes conclusions sur la question de la publicité des informations relatives aux transactions de quotas.

La ville de Lyon avait demandé à la CDC de lui communiquer les volumes des quotas vendus au cours de l’année 2005 par les exploitants de 209 sites de chauffages urbains auxquels des quotas avaient été accordés, la date des transactions ainsi que les destinataires, ce que la CDC lui avait refusé en s’appuyant sur l’article 10 du règlement « registre » (2216/2004) qui garantit la confidentialité des informations détenues dans le registre national.

Dans ce cadre s’est posée la question de l’application de la directive 2004/3/CE du 28 janvier 2003 sur l’information environnementale, qui transpose en droit européen la convention d’Aarhus sur l’accès à l’information, la participation du public au processus décisionnel et l’accès à la justice en matière d’environnement.

Dans ses conclusions, l’Avocat Général considère que les informations relatives aux transactions sur les droits d’émission sont des informations environnementales au sens l’article 2, paragraphe 1, sous b) de la directive sur l’information environnementale, à savoir « des facteurs, tels que les substances, l'énergie, le bruit, les rayonnements ou les déchets, y compris les déchets radioactifs, les émissions, les déversements et autres rejets dans l'environnement, qui ont ou sont susceptibles d'avoir des incidences sur les éléments de l'environnement » eau, terres, paysages, etc.

Ce raisonnement repose donc sur l’idée que les données relatives aux transactions de quotas constituent une information qui concerne les émissions de gaz à effet de serre, ce qui pose certaines questions sur le plan des principes.

En effet, la directive 2003/87/CE qui organise le marché des quotas prévoit expressément la transparence des données relatives aux allocations et à la surveillance des émissions, qui constituent les véritables informations sur les émissions réelles (émissions vérifiées) et les émissions autorisées (allocations).

En d’autres termes, la ville de Lyon, en examinant les allocations et les émissions vérifiées des installations dont elle réclame le détail des transactions, disposerait des informations qu’elle prétend vouloir obtenir. Le détail des transactions, qui inclurait les détail de transferts d’ordre comptable, financier, voire purement spéculatif, ne lui fournirait en rien une information d’ordre environnemental.

Les conclusions de l’Avocat Général contiennent d’autres considérations qui semblent contredire les principes du marché de quotas tels que mis en place par la directive 2003/87/CE, par exemple : « Le commerce des droits d’émission a un lien avec les émissions dans l’environnement parce que ces droits permettent à leur titulaire de rejeter des substances. Les informations sur les transactions permettent de constater qui est en droit de produire des émissions. Dès lors, il s’agit bien d’informations environnementales. »

Or, la directive 2003/87/CE met en place un système fondé, d’une part, sur une autorisation de rejeter des gaz à effet de serre, délivrée aux exploitants d’installations visées par la directive et, d’autre part, un marché de quotas, dont les participants ne doivent pas nécessairement revêtir la qualité d’exploitant de telles installations. Les quotas ne permettent donc pas de rejeter des gaz à effet de serre, mais uniquement de satisfaire à postériori à l’obligation qui leur est faite de couvrir leurs émissions par la restitution d’un nombre correspondant de quotas.

Dans le cas d’espèce, les installations de chauffage urbain peuvent rejeter autant de gaz à effet de serre qu’elles le souhaitent, pour autant qu’elles disposent d’une autorisation à cet effet et qu'elles restituent à postériori un nombre correspondant de quotas. Le détail des transactions de quotas qu’elles réaliseraient ne fournirait aucun renseignement de nature environnementale au sens de la directive 2004/3/CE. En revanche, le montant de l’allocation qui leur est accordée, ainsi que leurs émissions réelles constituent indiscutablement des informations environnementales, auxquelles la directive 2003/87/CE garantit l’accès.

Bien que considérant les informations sur les transactions de quotas comme des informations environnementales, l’Avocat Général conclut néanmoins à une application restrictive de la directive 2004/3/CE :

« Les autorités compétentes, le cas échéant après consultation des entreprises concernées, doivent tout d’abord constater si l’intérêt à la confidentialité présumé par le règlement n° 2216/2004 existe bien effectivement. Si les informations en cause ont déjà été publiées ailleurs ou si les entreprises n’ont pas d’intérêt à la confidentialité, les informations ne peuvent être retenues pour des motifs tenant à la confidentialité des informations commerciales ou industrielles et/ou en tant qu’informations personnelles.

S’il demeure un intérêt à la confidentialité, ce dernier doit être mis en balance par rapport à l’intérêt public servi par la divulgation. »

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