1. Le Règlement sur les marques de l’UE
Le Règlement (UE) 2015/2424 (ci-après “Règlement sur les marques de l’UE“) qui a été publié le 24 décembre 2015 met en œuvre un certain nombre de réformes importantes.
Ce Règlement sur les marques de l’UE a un effet direct dans chaque Etat membre et ne doit pas être transposé en droit national. Certaines dispositions entrent en vigueur à partir du 1er octobre 2017 mais la plupart des dispositions entrent en vigueur à partir du 23 mars 2016.
Nous examinons ci-après les implications les plus importantes qui sont d’application à partir du 23 mars 2016.
1.1. Le changement de nom : on parle désormais de "Office de l’UE pour la propriété intellectuelle" et de “Marque de l’Union européenne”
L’office de l’harmonisation dans le marché intérieur, “OHMI“ en abrégé, deviendra, à partir du 23 mars 2016, l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle, en abrégé “EUIPO“ ou bien “l’Office“.
A la même date, la "Marque communautaire" (Community Trademark "CTM") sera rebaptisée "Marque de l’Union européenne".
Ces changements se réaliseront automatiquement; les titulaires de marques ne devront rien faire pour cela.
1.2. Plus de sécurité juridique pour la désignation et la classification des produits et services
Les produits et les services pour lesquels une demande d’enregistrement a été déposée sont classés selon un système de classification dénommé "la classification de Nice".
Le Règlement sur les marques de l’UE tient compte d’une pratique déjà existante suite à l’arrêt IP-Translator du 19 juin 2012 de la Cour de justice de l’Union européenne (ci-après "la Cour").
Dans cet arrêt, la Cour prenait ses distances avec la pratique selon laquelle les titulaires de marque jouissaient souvent d’une étendue de protection de leur marque trop large et artificielle par la seule inscription d’un groupe principal de classe de produits et services, ce qu’on appelle le principe "class-heading-covers-all".
Désormais, le Règlement sur les marques de l’UE ancre le principe qu’une indication générale d’une marque, par l’usage d’une classe principale de la classification de Nice, par exemple la classe principale 41 "Education, divertissement et sport", doit être interprétée de façon littérale, ce qu’on appelle le principe "means-what-it-says".
Les titulaires de marque devront se demander si les autorités compétentes et les autres opérateurs économiques, parmi lesquels les concurrents, peuvent déterminer l’étendue de la protection de la marque seulement sur base de la description des produits et des services.
Dans notre exemple de la classe principale 41 "Education ; divertissement et sport", le titulaire de marque ferait mieux de spécifier clairement et précisément à l’intérieur de cette classe principale, à l’aide d’une liste de termes acceptés (actuellement plus de 750 termes), pour quel domaine il souhaite obtenir une protection.
Cela est également d’application pour toutes les marques qui ont déjà été enregistrées dans le passé dans les 34 classes de produits et les 11 classes de services.
Le Règlement sur les marques prévoit une disposition transitoire permettant aux titulaires d’une marque de l’UE demandée avant le 12 juin 2012 jusqu’au 24 septembre 2016 au plus tard d’ajuster leur indication générale existante.
Les titulaires de marque qui ne font pas usage de cette possibilité risquent de réduire l’étendue de leur marque à la signification littérale de leur indication générale déclarée.
1.3 Modification du système des taxes : une taxe par classe et la diminution des taxes pour le renouvellement d’une marque
➢ Taxe pour une demande de marque par voie électronique
Dans l’ancien système, il y avait une taxe de base de € 900 pour la demande électronique d’une marque communautaire individuelle jusqu’à 3 classes de produits ou de services pour une période de protection de 10 ans.
Le Règlement sur les marques prévoit une philosophie différente dans laquelle on tient compte des classes. Ainsi, on impute une taxe de € 850 pour l'enregistrement électronique d'une marque de l’UE individuelle pour la première classe, € 50 pour la seconde classe et € 150 pour chaque classe de produits et services au-delà de la deuxième classe.
Le nouveau système est plus avantageux pour le titulaire de marque qui l’enregistre uniquement pour une classe de produits et de services. A partir de deux classes, le montant dû sera égal ou supérieur.
➢ Taxe pour le renouvellement d’une marque par voie électronique
Actuellement, tout titulaire de marque est obligé de payer une taxe de € 1.350 pour le renouvellement de sa marque jusqu’à trois classes pour une période de 10 ans. A partir de la 4ème classe, il faut payer une taxe de € 400.
Le nouveau système prévoit les mêmes tarifs que pour la demande d’une marque ; € 850 pour la 1ère classe, 50 € pour la 2ème classe et € 150 pour toute classe de produits et de services au-delà de la 2ème classe.
Vous trouverez le texte du Règlement sur les marques de l’UE en cliquant ici.
2. Nouvelle Directive sur les marques
En outre, une refonte de la Directive n° 2008/95/EG (EU) du 22 octobre 2008 dans la Directive n°2015/2436 du 16 décembre 2015 (ci-dessous "nouvelle Directive sur les Marques") a été opérée.
Cette nouvelle Directive a été publiée le 23 décembre 2015 et entrait en vigueur le 12 janvier 2016. Les Etats membres ont 3 ans pour transposer cette Directive dans leur législation nationale.
Les grandes lignes pour le droit des marques du Benelux sont les suivantes:
➢ La condition « susceptible de représentation graphique” disparaît
La nouvelle Directive des Marques élargit le champ d’application des signes susceptibles de constituer une marque. Les Etats membres ont jusqu’au 14 janvier 2019 au plus tard pour adapter leur législation en ce qui concerne la disparition de la condition de la représentation graphique.
Cela ouvre la voie à l’enregistrement de sons ou d’odeurs sous le champ d’application du droit des marques à condition que: i) le signe ait un caractère distinctif et ii) le signe puisse être reproduit sous une forme appropriée au moyen de la technologie communément disponible, donc pas nécessairement par des moyens graphiques, et qu’il puisse être décrit de manière suffisamment claire et précise.
En outre, le Règlement sur les marques de l’UE décrit ci-dessus prévoit, à partir du 24 septembre 2017, la même suppression pour les Marque de l’Union européenne de l’exigence d’être "susceptible de représentation graphique", à condition que le signe soit représenté de manière claire, précise, distincte, facilement accessible, intelligible, durable et objective.
➢ Des taxes par classe
La nouvelle Directive prévoit la possibilité pour les États membres de passer également à un système de paiement d’une seule taxe par classe de produits.
➢ Vers une procédure administrative de déchéance ou de nullité d’une marque
La nouvelle Directive oblige les Etats membres à prévoir, au plus tard le 14 janvier 2023, pour leur bureau national des marques – en Belgique, il s’agit de l'Office Benelux de la Propriété intellectuelle (OBPI) – une procédure administrative de déchéance ou de nullité de l’enregistrement de la marque.
De ce fait, les titulaires de marque doivent seulement intenter une procédure juridique devant le tribunal lorsqu’ils sont d’un avis contraire en degré d’appel.
Vous trouverez le texte de la Directive en cliquant ici.
La Belgique, les Pays-Bas et le Luxembourg ont déjà signé un protocole d'accord à cet égard et le Conseil des ministres belge a approuvé, à cette occasion, un avant-projet de loi le 18 février 2016.
Cet avant-projet de loi modifie le traité Benelux en ce qui concerne l'opposition et l'introduction d'un nouveau chapitre 6bis dans la CBPI concernant une procédure administrative pour la déchéance ou la nullité des marques.
Ceci doit cependant encore passer le processus législatif.
En outre, le protocole ne pourra entrer en vigueur qu’après que chacun des trois États du Benelux ait transposé ce protocole dans son droit national.
En tout cas, il semble que les pays du Benelux soient en bonne voie pour atteindre le délai du 14 janvier 2023.