Par un arrêt du 11 novembre 2015, la Cour de justice de l’Union européenne se prononce sur la méthode de détermination des seuils qui entrent en compte pour appliquer correctement la notion de « licenciement collectif ». Dans cet arrêt, la Cour se prononce sur quels types de ruptures de contrats de travail sont inclus dans la notion de « licenciement collectif ». Elle inclut certaines formes de ruptures, alors qu’elles ne sont pas des licenciements au sens strict du terme.
1. Les faits
Les faits qui ont été soumis à la Cour de justice sont les suivants.
Une société espagnole procède à plusieurs licenciements sur une période de 15 jours. Dans les 90 jours précédant le dernier licenciement, plusieurs contrats de travail ont pris fin de manière régulière (contrat de travail à durée déterminée, contrat pour un travail nettement défini et départs volontaires).
Une travailleuse de l’entreprise se dit victime d’un « acte équipollent à rupture » aux torts de l’employeur durant cette période. Elle saisit alors une juridiction nationale du travail du litige et l’invite à interroger la Cour de Justice de l’Union européenne concernant l’inclusion de certaines formes de rupture du contrat de travail pour l’application de la notion de licenciement collectif.
2. Travailleurs habituellement employés dans l’entreprise
Une directive européenne datant de 1975 (et mise à jour en 1998) est à la source des législations nationales des Etats membres relatives aux licenciements collectifs (ci-après « la Directive »).
Le texte de la Directive se réfère au nombre de « travailleurs habituellement employés dans l’entreprise », pour déterminer le seuil au-delà duquel toute réduction du nombre de membres du personnel doit être considérée comme un licenciement collectif.
La première question posée à la Cour de justice est de savoir si les travailleurs liés par des contrats à durée déterminée ou pour un travail nettement défini doivent être inclus dans la notion de « travailleurs habituellement employés par l’entreprise ».
La Cour de justice répond par l’affirmative à cette première question. La Cour rappelle que la prise en compte des effectifs globaux de l’entreprise ne doit pas dépendre de la nature de la relation de travail qui lie tel ou tel travailleur.
La Cour souligne que l’exclusion de certaines catégories de travailleurs entrainerait une diminution de la portée protectrice souhaitée par les auteurs de la Directive.
3. Certaines ruptures de contrat
La Directive prévoit différents seuils de réduction des effectifs pour déterminer si l’on est ou non en présence d’un licenciement collectif. Le texte prévoit également que certaines ruptures de contrats - qui ne sont pas à proprement parler des licenciements – doivent être inclues dans la détermination de ces seuils.
La seconde question posée à la Cour de justice est de savoir si la rupture du contrat de travail causée par une modification unilatérale substantielle de celui-ci, aux torts de l’employeur, doit être comprise dans la notion de « licenciement », telle que visée par la Directive.
La Cour répond à nouveau par l’affirmative. Le fait pour un employeur de procéder à une modification unilatérale substantielle d’un élément essentiel du contrat de travail équivaut un « licenciement » au sens de la réglementation relative aux licenciements collectifs.
Que retenir de cet arrêt ?
Selon un enseignement constant de la Cour européenne de justice, les notions envisagées par la Directive relative aux licenciements collectifs doivent être interprétées dans un sens large.
Dans l’arrêt commenté, la Cour précise que doivent être également considérés comme « habituellement employés dans l’entreprise » les travailleurs liés par un contrat à durée déterminée ou engagés pour un travail nettement défini.
La Cour précise également que, pour déterminer le seuil au-delà duquel il convient d’appliquer la notion de « licenciement collectif », il y a lieu de prendre en compte les ruptures dues aux modifications unilatérales et substantielles d’un élément essentiel du contrat de travail, imputables à l’employeur (modalité de rupture du contrat de travail connue en droit belge comme un « acte équipollent à rupture »).
Cet arrêt aura une influence sur l’interprétation et l’application concrète des législations nationales relatives aux licenciements collectifs au sein de chaque Etat membre, y compris en Belgique.