06/10/15

La loi sur le statut unique partiellement annulée par la Cour constitutionnelle

Par son arrêt du 17 septembre 2015, la Cour constitutionnelle annule deux dispositions de la loi du 26 décembre 2013 introduisant le statut unique, entrée en vigueur le 1er janvier 2014.

La loi du 26 décembre 2013, dite « loi sur le statut unique », a été adoptée en vue d’harmoniser les délais de préavis entre employés et ouvriers.

Elle faisait suite à un arrêt de la Cour constitutionnelle, du 7 juillet 2011, qui jugeait que la différence de traitement, fondée sur la nature du travail (travail intellectuel face au travail manuel), ne se justifiait plus.

Bien que la loi sur le statut unique ait introduit un régime général instaurant de nouveaux délais de préavis, elle maintenait une distinction en défaveur des ouvriers de certains secteurs. L’argument du législateur était qu’un passage immédiat vers les nouveaux délais de préavis risquait de mettre en péril l’emploi dans ces secteurs.

Un régime particulier a donc été instauré.

Pour les ouvriers de la construction, ce régime particulier n’était pas transitoire mais illimité dans le temps, ce que les syndicats ont dénoncé.

Un recours en annulation fut dès lors introduit devant la Cour constitutionnelle par les trois organisations syndicales nationales (FGTB, CSC, CGSLB), par des centrales affiliées, les présidents de ces organisations, ainsi que des délégués syndicaux et des travailleurs.

Le recours était dirigé contre deux dispositions de la loi du 26 décembre 2013.

Nous revenons ici sur l’objet de ces dispositions.

1.

Un régime particulier a fixé des délais de préavis plus courts que ceux instaurés par le régime général, avec des différences progressivement plus importantes à mesure que l’ancienneté du travailleur augmente.

Il est susceptible de s’appliquer dans deux hypothèses :

  • Dans les secteurs où des délais de préavis dérogeaient à ceux prévus par la loi du 3 juillet 1978, à condition que ces délais soient, au 31 décembre 2013, inférieurs à ceux prévus par le nouveau régime particulier.La loi prévoit que cette dérogation est transitoire : elle cessera au plus tard le 1er janvier 2018;
  • Dans le secteur de la construction, pour les ouvriers sans lieu fixe de travail et occupés sur des chantiers temporaires ou mobiles. A la différence de la première hypothèse, la dérogation est, ici, illimitée dans le temps. Il s’agit de la disposition qui prévoit cette dérogation qui est attaquée.
     

Le législateur a justifié l’introduction de cette dérogation pour le secteur de la construction par la volonté de lutter contre la pénurie de main d’œuvre et de préserver une protection sociale pour les travailleurs, en favorisant la conclusion de contrats de travail à durée indéterminée.

Dans son arrêt, la Cour estime que ces motifs ne justifient pas le caractère illimité dans le temps de la dérogation applicable aux ouvriers de la construction.

La Cour annule dès lors la disposition en question, dans la mesure où elle laisse perdurer une différence de traitement déraisonnable.

2.

La loi sur le statut unique a également introduit l’indemnité en compensation du licenciement.

Cette indemnité, à charge de l’ONEm, est destinée aux ouvriers entrés en service avant le 1er janvier 2014, licenciés à partir de cette date, et dont l’ancienneté était d’au moins 15 ans au 1er janvier 2015 (cette condition passant à 10 ans en 2016 et à moins de 10 ans en 2017).

Le préavis se calcule, en partie, sur la base de l’ancienne législation, ce qui cause aux travailleurs un désavantage, que cette indemnité vise à compenser. Le montant de l’indemnité est égal à la différence entre le montant payé par l’employeur et le montant calculé sur base du régime général instaurant les nouveaux délais de préavis, plus favorable.

En vertu de la disposition attaquée, les travailleurs tombant sous le régime particulier dérogatoire en matière de délais de préavis, évoqué ci-dessus, ne pouvaient avoir droit à cette indemnité en compensation du licenciement.

La Cour considère que cette différence de traitement ne se fonde, elle non plus, sur aucune justification raisonnable. Elle annule donc partiellement cette disposition, en ce qu’elle exclut de son champ d’application certains travailleurs visés par le régime particulier.

Que retenir de l’arrêt ?

Par son arrêt du 17 septembre 2015, la Cour constitutionnelle annule deux dispositions de la loi sur le statut unique.

La première disposition concerne les ouvriers du secteur de la construction, sans lieu fixe de travail et occupés sur des chantiers temporaires ou mobiles. Pour ces travailleurs, le régime dérogatoire permanent en matière de délais de préavis est annulé.

La seconde disposition concerne l’indemnité en compensation du licenciement. La Cour annule la disposition prévoyant l’exclusion des catégories d’ouvriers bénéficiant du régime dérogatoire en matière de délais de préavis du champ d’application de l’indemnité.

La Cour maintient toutefois les effets des dispositions annulées jusqu’au 31 décembre 2017, afin de permettre aux employeurs et aux secteurs concernés de se préparer au changement.

Au-delà de cette date, tous les ouvriers, tous secteurs confondus, bénéficieront de délais de préavis rigoureusement identiques.

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