17/09/10

La Cour de Justice de l’Union européenne précise l’étendue de la protection des marques renommées

Les marques renommées bénéficient d’une protection plus étendue que les autres marques. En effet, le titulaire d’une marque renommée peut s’opposer à l’usage d’un signe identique ou similaire à la marque renommée pour des produits ou services qui ne sont pas similaires à ceux pour lesquels la marque renommée est enregistrée. Toutefois, cela vaut uniquement si par l’usage de ce signe postérieur, sans juste motif, (a) il est tiré indûment profit de la marque renommée, ou si cela porte préjudice (b) au caractère distinctif de cette dernière ou (c) à sa réputation. La Cour de Justice de l’Union européenne (ci-après « CJUE ») s’est prononcée au sujet de cette étendue de la protection dans quelques récents arrêts.

Ainsi, dans l’arrêt PAGO d’octobre 2009, la CJUE a précisé la condition de « renommée ». Selon la CJUE, la renommée dans un Etat-membre, en l’occurrence l’Autriche, pouvait suffire pour que la marque soit considérée comme marque renommée dans toute l’Union Européenne. L’impact de ce jugement est important. En effet, il en résulte que les marques qui sont seulement renommées dans un Etat-membre pourront bénéficier de la protection élargie accordée aux marques renommées, dans des Etats-membres où elles ne sont absolument pas renommées.

La CJUE a aussi apporté des éclaircissements en ce qui concerne l’étendue de la protection des marques renommées. Dans deux arrêts récents, elle a expliqué ce qu’il fallait entendre par “tirer indûment profit du caractère distinctif” et “atteinte à la réputation ou au caractère distinctif”.

Ainsi, la CJUE a considéré qu’il était d’abord exigé que le public établisse un lien entre la marque renommée et le signe, même si ce dernier ne crée pas de confusion avec la marque renommée. La CJUE a énuméré un certain nombre de critères à la lumière desquels l’existence d’un tel lien peut être prouvée, tels que la renommée de la marque et le degré de similarité entre les marques et/ou les produit ou services. Toutefois, dans les deux arrêts, la CJUEa fixé des conditions supplémentaires qui doivent être remplies pour conclure à une atteinte à la marque.

Ainsi, dans l’arrêt INTEL du 27 novembre 2008 relatif à « l’atteinte au caractère distinctif » d’une marque renommée, la CJUE a précisé qu’il fallait que la marque devienne moins apte à identifier les produits ou les services, pour lesquels elle a été enregistrée et utilisée, comme provenant du titulaire de la marque parce qu’elle ne fait plus naître d’association avec ces produits ou services.

Outre l’exigence que le public établisse un lien entre la marque renommée et le signe litigieux, la CJUE considère, que le titulaire de la marque renommée doit prouver que le signe litigieux entraine une modification du comportement économique du consommateur moyen des produits ou services pour lesquels la marque antérieure (renommée) a été enregistrée suite à l’usage d’une marque postérieure (signe litigieux) ou un risque sérieux qu’une telle modification se produise dans le futur. En d’autres mots, le titulaire d’une marque renommée doit prouver qu’il subit un dommage certain à sa marque renommée par l’utilisation qui est faite du signe litigieux.

Dans l’arrêt BELLURE du 18 juin 2009, la CJUE a interprété l’expression « tirer indûment profit du caractère distinctif ou de la réputation » d’une marque renommée en ce sens que le contrefacteur tire indûment profit de la marque renommée par l’usage qu’il fait de son signe ressemblant.

Contrairement à l’hypothèse ci-dessus, où un préjudice dans le chef du titulaire de la marque renommée devait être prouvé, le titulaire de la marque doit, ici, démontrer un bénéfice indu dans le chef du contrefacteur, sans devoir prouver un dommage dans son chef.

La CJUE précise dans cet arrêt plus spécifiquement que le titulaire de la marque doit prouver que ledit contrefacteur tente de se placer dans le sillage de la marque renommée afin de profiter de son pouvoir d’attraction, sa réputation et son prestige et afin d’exploiter, sans compensation financière, l’effort commercial déployé par le titulaire pour créer et entretenir l’image de sa marque. La CJUE exige, en d’autres termes, en plus de la preuve de l’établissement d’un lien par le public entre la marque renommée et le signe litigieux, que le titulaire de la marque prouve que le contrefacteur a tiré profit de cet usage et qu’il l’a fait délibérément.

En pratique, cela revient à dire que le titulaire de la marque devra prouver que le contrefacteur a parasité sa marque.

Par ces trois récents arrêts, la CJUE a précisé l’interprétation à donner aux dispositions applicables en matière de marques renommées à savoir les articles 2.10.1.c de la Convention Benelux en matière de propriété intellectuelle et 9.1.c du Règlement n°40/94 sur la marque communautaire, ce qui est appréciable dès lors qu’elle contribue à la sécurité juridique.

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