17/09/10

Le juge des cessations peut prononcer la nullité d’un brevet !

La Belgique connaît depuis le 1er novembre 2007 deux procédures afin d’obtenir la cessation définitive d’une violation d’un brevet : à côté de la procédure normale au fond, qui peut éventuellement être précédée d’une action en référé pour obtenir la cessation temporaire de la violation, l’on peut également entamer une procédure spécifique en cessation devant le président du tribunal de commerce, et ce en vertu de l’article 3 de la loi du 6 avril 2010 concernant le règlement de certaines procédures dans le cadre de la loi du 6 avril 2010 relative aux pratiques du marché et à la protection du consommateur (ci-après la « Loi ») (anciennement article 96 LPCC).

Cette procédure en cessation est une procédure comme en référé, qui présente l’avantage d’obtenir rapidement une décision sur le fond, sans pour autant devoir prouver le « caractère urgent » de l’action. Dans le cadre d’une procédure en cessation, l’on ne peut cependant pas demander d’indemnisation ou d’autres mesures. Pour ce faire, il faut toujours intenter une procédure ordinaire au fond.

L’on avait auparavant contesté la compétence du juge des cessations pour se prononcer sur la validité d’un droit intellectuel, ou pour ordonner la radiation d’un éventuel enregistrement, même si un tel droit était invoqué dans une action en cessation au motif que la compétence du juge des cessations était limitativement décrite. Le nouvel article 3§4 de la Loi (anciennement article 96, § 4 LPCC) met fin à cette discussion. Selon cet article, le juge des cessations est également compétent pour examiner la validité d’un brevet et éventuellement prononcer sa nullité. Il peut le faire lorsque l’existence d’un brevet est invoquée à l’appui ou comme moyen de défense contre une action en cessation fondée sur l’article 3 § 1 de la Loi, mais uniquement si cela s’avère nécessaire pour apprécier l’action en cessation.

Si le juge des cessations peut se prononcer sur l’action en cessation sans qu’il soit nécessaire d’examiner la validité du brevet invoqué, le juge des cessations n’est plus compétent pour se prononcer sur la validité du brevet, même si une telle demande est formulée par voie reconventionnelle. L’annulation sur demande principale, par exemple dans le cadre d’une action déclaratoire de non-violation, ne peut donc en aucun cas être prononcée dans le cadre d’une action fondée sur l’article 3§4 de la Loi.

Le juge des cessations peut au demeurant éviter de se prononcer sur les épineuses questions de validité ou d’étendue de la protection d’un brevet lorsque le défendeur, lors d’une violation d’un brevet, invoque la « défense Gillette » (nom tiré de l’affaire ayant fait droit à une telle argumentation). Ce type de défense consiste, pour le prétendu contrefacteur du brevet, à prétendre qu’il ne fait qu’appliquer l’état actuel de la technique (ou une variation non-inventive de cette technique), de sorte qu’il ne peut être question d’une quelconque violation d’un brevet. Il n’y a donc pas de violation du brevet car l’état de la technique ne peut pas être breveté, ou – si le détenteur du brevet continue à maintenir qu’il y a violation de son brevet – le brevet est nul car il comprend l’état de la technique. En cas d’invocation de la défense Gillette, le juge des cessations ne peut pas non plus se prononcer sur la validité ou l’étendue de la protection du brevet s’il rejette d’office l’action en violation de brevet sur la base de l’application de l’état de la technique.

En tant que titulaire de brevet, il faut donc bien réfléchir au type de procédure à entamer contre celui qui enfreint le brevet.

Dans la situation idéale, c’est-à-dire lorsque l’on est relativement certain de la validité du brevet et de son infraction - car l’on a, par exemple déjà obtenu un jugement favorable à l’étranger- et que l’on pense pouvoir rapidement prouver la violation du brevet, l’on peut opter soit pour une action en cessation où l’on obtiendra rapidement la cessation de cette violation, soit pour une procédure au fond si l’on souhaite obtenir en plus une indemnité (la procédure au fond pouvant être éventuellement précédée d’une action en référé afin de faire cesser plus rapidement la violation). Dans les autres cas, il faut tenir compte, lors du choix de la procédure à intenter, de l’éventualité que le juge des cessations, tout comme le juge du fond, puisse prononcer la nullité du brevet invoqué.

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