17/09/10

Office Benelux de la Propriété Intellectuelle: « L’usage d’une marque communautaire dans un seul Etat membre ne suffit pas po…

La procédure d’opposition ONEL - OMEL (n°2004448), introduite auprès de l’Office Benelux de la Propriété Intellectuelle (ci-après « OBPI ») aurait pu passer inaperçue et l’opposition déclarée fondée sans trop de difficultés tant la ressemblance visuelle et auditive entre les signes en question est évidente et les produits et services pour lesquels les signes sont enregistrés sont identiques (cela ressort d’ailleurs des termes mêmes de la décision d’opposition et n’est nullement contredit par le défendeur).

Toutefois, le défendeur souhaitant enregistrer la marque OMEL a, « de bonne guerre », contesté la validité du droit invoqué par l’opposant et a demandé à celui-ci de produire des preuves d’usage de l’enregistrement communautaire de la marque ONEL, dans la Communauté Européenne à l’exception des Pays-Bas où il concède que la marque est utilisée.

L’opposant, titulaire de la marque communautaire ONEL, considérant sur la base de la Déclaration Conjointe du Conseil et de la Commission à propos du Règlement n°40/94 du 30 décembre 1993 sur la marque communautaire (devenu depuis le Règlement (CE) n°207/2009 du Conseil du 26 février 2009 sur la marque communautaire ci-après le « Règlement ») et des lignes directrices en matière d’opposition de l’Office d’harmonisation du marché intérieur (ci-après « OHMI ») que l’usage sérieux dans un seul pays, soit en l’espèce les Pays-Bas, suffit à répondre à l’exigence d’usage telle que mentionnée à l’article 15 du Règlement, ne produisit donc pas de preuves d’usage relatives aux autres pays.

Le défendeur rejeta cette thèse en soulignant que l’article 15 du Règlement fait état d’un usage « dans la Communauté » et pas dans un seul pays et qu’une telle thèse aurait pour conséquence de créer un monopole sur tout le territoire communautaire alors que l’usage serait limité à une partie de ce dernier.

Il revenait alors à l’OBPI de déterminer si l’usage de la marque communautaire ONEL aux Pays-Bas uniquement est ou non suffisant pour considérer que l’opposant a fait un usage sérieux de sa marque communautaire pendant une période de 5 ans sous peine de voir sa marque déchue. Même si l’OBPI n’est à strictement parlé pas tenu de suivre la politique de l’OHMI, nous pouvions nous attendre à ce qu’il la suive et donc valide la position de l’opposant. Toutefois, il n’en fût rien.

En effet, l’OBPI a considéré, d’une part, qu’une déclaration conjointe n’est pas un commentaire juridiquement impératif et, d’autre part, que le contenu de la Déclaration Conjointe est contestable et serait en contradiction avec plusieurs passages du Règlement qui font référence à un usage dans l’ensemble de la Communauté.

L’OBPI a donc poussé très loin son analyse pour arriver à la conclusion que l’opposant n’a pas démontré à suffisance l’usage sérieux de sa marque et a rejeté l’opposition par une décision du 15 janvier 2010 (voir http://www.boip.int/fr/opposition.php). Un appel a été introduit devant la Cour d’appel de La Haye (Pays-Bas). Celui-ci devra sans doute donner lieu à une question préjudicielle devant la Cour de Justice de l’Union européenne (ci-après « CJUE ») sur l’interprétation à donner à l’article 15 du Règlement et plus particulièrement sur la question de savoir si l’usage d’une marque communautaire peut être considéré comme sérieux s’il n’est réalisé que dans un Etat de la Communauté.

Un tel arrêt de la CJUE sera d’une importance indéniable dès lors qu’il se prononcera sur le caractère unitaire de la marque communautaire et le nécessaire équilibre entre le système de marque communautaire et les systèmes nationaux.

La position de l’OBPI, défendue également par l’Office hongrois, paraît quelque peu surprenante au vu des circonstances de l’espèce mais aussi de la position adoptée au sein du Benelux où l’usage de la marque dans un seul Etat ou même partie de celui-ci suffit à établir l’usage.

De nombreuses voix se sont déjà élevées contre une telle décision, dont bien évidemment celle de l’OHMI.

Cette question fait l’objet d’un vif débat dans le cadre de l’étude sur le fonctionnement général des systèmes de marques en Europe lancée par la Commission et il n’est pas exclu qu’une intervention réglementaire intervienne avant même que la question soit tranchée définitivement par les tribunaux.

Nous suivrons avec attention les suites qui seront données à cette décision d’opposition et vous en tiendrons informé(e) dans un prochain E-Zine.

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