Le 10 juillet 2010, dans l’affaire C-421/13, la Cour européenne de Justice a décidé que la représentation de l’aménagement d’un espace de vente peut être enregistrée comme marque (sous réserve de conditions spécifiques).
Une demande de décision préjudicielle concernant l’interprétation des articles 2 et 3 de la directive 2008/95/EC a été introduite par la Cour Fédérale allemande des brevets (Bundespatentgericht) dans le cadre d’un litige entre Apple et le l’Office allemand des brevets et des marques (DPMA) relatif à l’enregistrement d’une marque tridimensionnelle consistant en la représentation des magasins phares de la marque (« Flagship stores »).
Apple avait déjà, avec succès, procédé à l’enregistrement de la marque aux Etats-Unis et souhaitait étendre sa protection internationalement. Le 24 janvier 2013, le DPMA avait rejeté la demande d’Apple au motif qu’il s’agissait uniquement de la représentation d’un aspect essentiel de son commerce et que la marque ne serait pas perçue par les consommateurs comme désignant l’origine commerciale du produit ou du service. Il a également été considéré que la marque ne remplissait pas une fonction distinctive assez forte par rapport aux autres fournisseurs de produits électroniques. Saisie dans le cadre d’un recours par Apple, la Cour allemande a décidé de poser une question préjudicielle à la Cour de Justice en ce qui concerne l’enregistrement en tant que marque de la représentation de l’aménagement d’un espace de vente, non sans avoir au préalable énoncé qu’elle considérait les caractéristiques de cette marque comme suffisamment distinctives.
Selon la Cour de Justice, les trois conditions énoncées à l’article 2 de la directive afin de pouvoir enregistrer une marque sont remplies : « Une représentation (…) qui visualise l’aménagement d’un espace de vente au moyen d’un ensemble continu de lignes, de contours et de formes, peut constituer une marque à condition qu’elle soit propre à distinguer les produits ou les services d’une entreprise de ceux d’autres entreprises (…) et ce sans qu’il soit besoin de conférer une pertinence au fait que le dessin est dépourvu d’indications concernant la taille et les proportions de l’espace de vente qu’il visualise ni d’examiner si un tel dessin peut également, en tant que «présentation matérialisant un service», être assimilé à un «conditionnement (…) La représentation, par un dessin, de l’aménagement d’un espace de vente peut également être propre à distinguer les produits ou les services d’une entreprise de ceux d’autres entreprises. (…) tel peut être le cas lorsque l’aménagement visualisé diverge de manière significative de la norme ou des habitudes du secteur économique concerné » (§ 19-20 de la décision).
De plus, la Cour considère qu’un signe représentant l’aménagement d’un magasin phare d’un fabricant peut être valablement enregistré aussi bien pour des produits que pour des services (§ 26 de la décision).
En conclusion, la Cour décide que : « Les articles 2 et 3 de la directive 2008/95/CE doivent être interprétés en ce sens que la représentation, par un simple dessin sans indication de taille ni de proportions, de l’aménagement d’un espace de vente de produits peut être enregistrée comme marque pour des services consistant en des prestations qui sont relatives à ces produits mais ne font pas partie intégrante de la mise en vente de ceux-ci, à condition qu’elle soit propre à distinguer les services de l’auteur de la demande d’enregistrement de ceux d’autres entreprises et qu’aucun des motifs de refus énoncés à ladite directive ne s’y oppose ».