30/10/13

Un administrateur d’une société anonyme peut-il exiger une indemnisation à l’occasion de sa démission?

Conformément aux articles 517 et 518 du Code des sociétés, l’administrateur d’une société anonyme peut être révoqué à tout moment par l’assemblée générale des actionnaires, à la majorité simple des voix. Il n’en reste pas moins que cette décision de l’assemblée générale doit être valablement prise, sous peine de pouvoir être annulée par le tribunal de commerce.

Le Code des sociétés stipule que les mandats des administrateurs sont toujours, c’est-à-dire en tout temps (ad nutum), révocables par l’assemblée générale. Cette règle élevée par la Cour de cassation en principe de général de droit, a pour conséquence que toute clause qui tend à limiter ou entraver le droit de l’assemblée générale de révoquer les administrateurs, est nulle de plein droit, malgré toute disposition statutaire ou extra-contractuelle contraire.

Ce principe se veut relativement absolu dans la mesure où la révocation ne doit ni être motivée, ni reposée sur des raisons particulières. Ainsi, le mandat d’administrateur peut être révoqué à tout moment, nonobstant la gestion ou le comportement de l’administrateur qui peuvent parfaitement être exempts de tout reproche. Même dans pareille situation, un administrateur ne pourrait se retourner vers la Société pour exiger une indemnisation.

Toutefois en pratique, et à certaines conditions, il arrive qu’un administrateur soit en mesure d’exiger une indemnisation, sous forme de dommages et intérêts, à la Société suite à la fin anticipée de son mandat.

Cette indemnisation pourrait d’ailleurs parfaitement se cumuler avec une autre indemnisation contractuelle, dans l’hypothèse où l’administrateur est lié à la Société par un contrat de travail ou de management pour des tâches distinctes de celles de son mandat d’administrateur.

Bien que l’assemblée dispose du pouvoir de révoquer en tout temps un administrateur, ce droit ne peut être exercé de façon discrétionnaire, ni abusive. L’assemblée générale doit se comporter correctement. La Cour d’appel de Bruxelles1 a ainsi déjà estimé que l’administrateur révoqué pourrait être fondé à réclamer le paiement de dommages et intérêts dans l’hypothèse où les circonstances qui accompagnent sa révocation sont fautives.

En l’espèce, la Cour jugea que les motifs invoqués par l’ancien administrateur n’étaient pas fautifs dans le chef de la société qui a mis fin au mandat.

Il convient à cet égard de rappeler que la révocation ad nutum, même abrupte et sans justification, n’est pas, en soi, constitutive d’une faute ou d’un abus de droit. Il s’agit simplement de l’application de ce principe de droit.

Dans l’affaire soumise devant la Cour d’appel de Bruxelles, susvisée, l’administrateur révoqué invoquait également des dommages et intérêts à charge de la société du fait de ne pas avoir été entendu préalablement par l’assemblée générale.

La Cour a, de même, rejeté cet argument dans la mesure où l’assemblée est souveraine et ne doit, comme nous l’avons vu, aucunement justifier sa décision de mettre un terme à un mandat d’administrateur. Si la majorité de la doctrine et de la jurisprudence s’accordent pour considérer que l’administrateur ne bénéficie d’aucun droit d’être entendu préalablement, il doit tout de même, conformément à l’article 533, §1er du Code des sociétés, être formellement convoqué à l’assemblée générale qui statuera sur sa démission.

A défaut, l’administrateur pourrait rechercher la nullité de la décision prise par l’assemblée générale sur pied de l’article 64 du Code des sociétés, et exiger le cas échéant des dommages et intérêts pour révocation irrégulière de son mandat.

1Bruxelles (8e ch.) n° 2006/AR/3240, 7 décembre 2010, DAOR 2011, liv. 97, p. 91 ; J.D.S.C. 2012, p. 123, note STAUDT, C.; T.R.V. 2013, liv. 5, p. 486 note GOEMINNE, A., BECKERS, K.

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