La maison de vente aux enchères Sotheby's aurait récemment adjugé un tableau de Renoir intitulé « Madame Valtat » et volé quelques années auparavant à un collectionneur japonais. Quels outils juridiques la victime du vol peut-elle utiliser pour se prémunir contre de tels évènements et pour ensuite récupérer son bien?
Les œuvres d'un artiste sont par essence des choses non-fongibles, c'est-à-dire qu'elles ne sont pas substituables l'une à l'autre. Plus précisément, l'interchangeabilité est limitée dans le cas d'œuvres reproduites à quelques exemplaires (les bronzes et les photographies par exemple) et inexistante dans le cas de toiles qui ne sont jamais interchangeables l'une par rapport à l'autre. Les œuvres d'art sont uniques et, de ce fait, facilement indentifiables.
En cas de revente, la valeur attachée à une œuvre implique une prise de risque dans le chef de l'acheteur qui pourrait ne pas avoir décelé le défaut d'authenticité du bien ou son origine illicite : un pillage ou, dans ce cas-ci, un vol.
Dans cette dernière hypothèse, l'unicité d'une œuvre majeure rend la revente de celle-ci difficile, voir impossible. En théorie, la revente d'objets d'art sur le marché implique un plus grand risque d'identification du voleur dans la mesure où il est parfois possible de remonter la piste des intermédiaires par qui l'œuvre a transité. De plus, le portrait subtilisé, dont il est ici question, était facilement identifiable par son propriétaire légitime dans le catalogue d'une maison connue.
Pourtant, en dépit de cette difficulté annoncée, le Renoir du collectionneur japonais a pu être revendu... Que s'est-il passé ? Au moment du vol, deux démarches évidentes doivent être accomplies : si le collectionneur avait effectivement déposé plainte (première démarche), il n'avait, par contre, pas veillé à faire inscrire son œuvre au sein des listes d'objets d'art dérobés (seconde démarche).
En général, c'est la police qui inscrit les objets sur les listes d'INTERPOL1 ou du FBI2. Sur le marché de l'art, compte tenu de la facilité de transport des œuvres, la coopération judiciaire est indispensable ; la police japonaise étant d'ailleurs pointée du doigt en l'espèce. Il existe aussi des initiatives privées visant à établir ce type de liste. Citons la plus connue : The Art Loss Register3.
On mesure l'importance de l'inscription sur ces différentes listes lorsque l'on sait que ces sites sont consultés lors de la préparation des ventes majeures par les maisons internationales et les marchands d'art, et ce précisément afin de confirmer l'origine licite du bien. Dans le cas de ventes plus modestes, rien n'empêche le collectionneur de faire la démarche lui-même. Quant à la victime du vol, il existe des outils juridiques lui permettant de revendiquer l'œuvre lorsqu'elle est revendue.
En Belgique, celui qui a été volé peut revendiquer son bien pendant trois ans à partir du vol auprès de celui dans les mains duquel il le retrouve. Il s'agit là d'une application de base des principes prévus par le Code civil4. Notons que lorsque le détenteur actuel de l'œuvre l'a achetée lors d'une foire, d'une vente publique, ou chez un marchand spécialisé - ce qui sera souvent le cas pour les œuvres d'art majeures - le propriétaire originaire ne peut la récupérer qu'en remboursant au possesseur le prix qu'elle lui a coûté.
Il va de soi que ces principes ne sont applicables que lorsque le possesseur est de bonne foi et qu'il ignorait le vol. Cependant, la tâche du vrai propriétaire sera par essence plus difficile que si l'œuvre avait été retirée de la vente avant l'adjudication, et ce d'autant plus qu'il faudra après composer avec l'obligation de confidentialité de la maison de vente rendant l'identification de l'acheteur plus délicate. Sur le marché de l'art, l'attention continue de la victime du vol est donc de mise !
1 www.interpol.int
2 www.fbi.gov/about-us/investigate/vc_majorthefts/arttheft
3 www.artloss.com
4 Article 2279 du Code civil.