11/07/13

Statut unique: On y est ?

1. Les délais de préavis sont harmonisés 

Le 1er janvier 2014, un nouveau régime entrerait en vigueur pour tous les travailleurs (ouvriers et employés). A partir de l'entrée en vigueur de la nouvelle loi, vous devrez donc appliquer les nouvelles règles de préavis, tant pour les nouveaux que pour les anciens contrats de travail.

Les nouveaux délais de préavis

Le nouveau régime des préavis évoluerait en fonction de l'ancienneté mais en plusieurs phases.

La proposition de compromis engendre déjà de nombreuses questions concernant le calcul exact du délai de préavis.

Jusqu'à 5 ans d'ancienneté, les délais de préavis évolueraient progressivement.

Après 5 ans d'ancienneté, en plus du délai de préavis de 15 semaines, le travailleur aurait droit à 3 semaines de préavis par année civile entamée. Un plafond de 62 semaines serait toutefois prévu pour une ancienneté de 20 ans.

Après 20 ans d'ancienneté, le délai de préavis n'augmenterait plus que d'une semaine par année d'ancienneté entamée.

Selon les informations de la FEB, cela aboutirait au résultat suivant :

Ancienneté Préavis
0-3 mois 2 semaines
3-6 mois 4
6-9 mois 6
9-12 mois 7
12-15 mois 8
15-18 mois 9
18-21 mois 10
21-24 mois 11
Apd 2 ans 12
3 ans 13
4 ans (+3sem/an) 15
5 ans 18
6 ans 21
7 ans 24
8 ans 27
9 ans 30
10 ans 33
11 ans 36
12 ans 39
13 ans 42
14 ans 45
15 ans 48
16 ans 51
17 ans 54
18 ans 57
19 ans 60
20 ans 62
21 ans (+1sem/an) 63
22 ans 64
23 ans 65
24 ans 66
25 ans 67
26 ans 68
27 ans 69
28 ans 70
29 ans 71
30 ans 72


Il est possible que ce schéma ne constitue pas l'unique traduction possible de la méthode de travail décrite dans la proposition de compromis. A la lecture de la proposition, il semble en effet que deux façons différentes de comptabiliser l'ancienneté d'un travailleur sont envisagées. Après 5 ans d'ancienneté, on compterait par « année civile entamée », alors qu'après 20 ans d'ancienneté, on compterait par « année d'ancienneté entamée ». Espérons que la future loi apportera des précisions à cet égard.

Globalement, on constate en tout cas que :

jusqu'à trois ans d'ancienneté, les délais de préavis seraient inférieurs à trois mois (comme actuellement applicable aux employés inférieurs) ;

ce sont surtout les délais de préavis des employés supérieurs qui seraient sensiblement diminués. En effet, alors qu'un employé supérieur comptant 20 ans d'ancienneté peut actuellement prétendre en moyenne à un délai de préavis de 20 mois, sous le nouveau régime, il ne se verrait accorder qu'un délai de préavis d'environ 14/15 mois.

Quid des « droits acquis » ?

La proposition de compromis prévoit un régime transitoire plutôt complexe et peu clair.

Pour tous les travailleurs (ouvriers et employés) en service auprès du même employeur avant l'entrée en vigueur du nouveau régime de préavis (en principe, le 1er janvier 2014)

Pour tous les travailleurs en service auprès du même employeur avant l'entrée en vigueur des nouvelles règles de préavis, les délais de préavis seraient déterminés selon les anciennes règles et ce jusqu'à l'entrée en vigueur du nouveau régime. Pour tous ces travailleurs, en cas de licenciement après l'entrée en vigueur des nouvelles règles de préavis, vous devriez donc faire un double calcul.

Pareil système de fixation des droits acquis est surtout à l'avantage des employés (supérieurs) étant donné que ces derniers bénéficient pour le moment de délais de préavis plus longs.

Prenons l'exemple d'un travailleur entré en service au 1er avril 2010 et licencié le 1er septembre 2014 et imaginons que le nouveau régime est bien entré en vigueur le 1er janvier 2014.

Pour la période comprise jusqu'au 31 décembre 2013, l'employeur devrait calculer le délai de préavis sur la base des anciennes règles. Pour la période entre le 1er janvier 2014 et le 1er septembre 2014, il devrait appliquer les nouvelles règles et donc ajouter 6 semaines de préavis aux « droits acquis » avant le 1er janvier 2014.

Pour les ouvriers : une correction

A partir du 1er janvier 2014, les ouvriers devraient acquérir progressivement (selon le calendrier ci-dessous) un droit à une protection contre le licenciement équivalente à celle d'un travailleur qui se serait constitué des droits dans le nouveau système pour l'ensemble de son occupation chez le même employeur.

Le calendrier serait le suivant:

Date de publication au Moniteur belge des nouvelles règles en matière de délai de préavis : ouvriers qui ont au moins 30 ans d'ancienneté à ce moment;

01/01/2014: ouvriers qui ont au moins 20 ans d'ancienneté à ce moment;

01/01/2015: ouvriers qui ont au moins 15 ans d'ancienneté à ce moment;

01/01/2016: ouvriers qui ont au moins 10 ans d'ancienneté à ce moment;

01/01/2017: ouvriers qui entrent en considération et qui n'ont pas encore acquis les droits sur la base du calendrier ci-dessus.

Par conséquent, un ouvrier avec 11 ans d'ancienneté au 1er janvier 2016 aurait droit, à partir de cette date, à un délai de préavis intégralement calculé selon le nouveau régime.

Veuillez noter que cette correction pour les ouvriers ne devrait apparemment pas engendrer de surcoût pour l'employeur.

Les autres nouveautés

La proposition de compromis prévoit également, entre autres :

  • une généralisation du droit à l'outplacement pour les travailleurs licenciés à partir de la 7ème année d'ancienneté (peu importe leur âge). La nouveauté réside également dans le fait que l'offre d'outplacement, dont la valeur s'élève à 4 semaines de rémunération, serait déduite de l'indemnité de préavis, à condition que cette dernière couvre une période supérieure à 6 mois. Dans l'hypothèse où un délai de préavis de minimum 7 mois est presté, le travailleur effectuerait son outplacement pendant les jours de congé pour recherche d'emploi.
  • que les secteurs disposeraient de 5 ans pour concrétiser une partie du délai ou de l'indemnité de préavis (à concurrence d'1/3) par des mesures augmentant « l'employabilité des travailleurs ». La portée exacte de cet aspect de la proposition de compromis n'est toutefois pas claire.
  • que les partenaires sociaux pourraient fixer des critères génériques pour définir certaines activités exclues du nouveau régime. A cet égard, les médias évoquent le secteur de la construction ou, moins large, les activités sur les chantiers temporaires ou mobiles. Se pose alors la question de savoir si ces exceptions ne constitueront pas une nouvelle discrimination.
  • que serait négociée, au sein du CNT, une CCT relative à la motivation du licenciement et à la bonne gestion des ressources humaines, avec entrée en vigueur au plus tard le 1er janvier 2014. Cette nouvelle CCT supprimerait l'article 63 de la loi sur les contrats de travail qui prévoit une indemnité de six mois en cas de licenciement abusif. On ignore actuellement quels seraient les contours de ce régime.

Compensations pour les employeurs

Le statut unique engendre un surcoût évident pour les secteurs qui occupent traditionnellement beaucoup d'ouvriers. Pour cette raison, la proposition de compromis contient également certaines mesures visant à adoucir ce surcoût.

Ainsi, par exemple, les compléments sectoriels aux allocations de chômage pourraient être déduits du délai ou de l'indemnité de préavis. De même, le budget affecté à l'indemnité de licenciement à charge de l'ONEM serait utilisé pour les employeurs qui supportent les plus gros surcoûts. La proposition de compromis reste toutefois vague quant à la concrétisation de ces mesures.

2. Le jour de carence disparait 

A partir du 1er janvier 2014, les ouvriers seraient donc payés dès leur premier jour de maladie. En contrepartie, de nouvelles règles devraient être adoptées en vue d'un meilleur contrôle de l'incapacité de travail ainsi que des mesures visant à compenser la perte de l'effet dissuasif du jour de carence et le surcoût découlant de sa suppression.

3. Délais de préavis et jours de carence, rien de plus pour le moment 

L'arrêt de la Cour constitutionnelle de 2011 (et son ultimatum) ne portaient que sur les délais de préavis et le jour de carence. La proposition de compromis finalement trouvée n'harmonise également les statuts que sur ces deux thèmes.

Les partenaires sociaux se sont toutefois engagés à s'atteler à une harmonisation plus large d'ici le 1er janvier 2014. Dans les mois à venir, on peut donc s'attendre à d'autres réformes relatives, par exemple, au pécule de vacances, aux compétences des commissions paritaires, au salaire garanti, etc. Nous vous tiendrons évidemment informés si des avancées importantes voient le jour.

4. L'insécurité juridique perdure malgré l'accord 

Malgré le fait qu'un compromis ait pu être trouvé, à ce jour, il n'existe aucune loi abrogeant les différences de traitement entre ouvriers et employés. Vous devez donc continuer à respecter les règles actuelles en matière de délai de préavis et de jour de carence.

D'un autre côté, depuis le 9 juillet 2013, l'ultimatum de la Cour constitutionnelle a expiré. Dès à présent, les dispositions relatives aux délais de préavis sont donc inconstitutionnelles et les juges éventuellement saisis doivent en principe les écarter.

On se trouve par conséquent face à un vide juridique.

Cela signifie-t-il qu'un ouvrier que vous licenciez aujourd'hui saisira avec succès les juridictions du travail afin de réclamer un délai de préavis d'employé?

Il est en tout cas clair que si vous procédez encore au licenciement d'un ouvrier avant l'entrée en vigueur de la future loi, le risque de devoir faire face à une procédure judiciaire est accru. Difficile toutefois de dire si cet ouvrier obtiendra gain de cause, d'autant qu'il existe à présent un accord politique et que, dans l'intervalle, la future loi pourrait prévoir des mesures transitoires visant à remédier à l'actuelle insécurité juridique.

Les partenaires sociaux ont convenu avec la Ministre d'un calendrier afin de formaliser, pour le 31 décembre 2013 au plus tard, la proposition de compromis dans une loi qui entrerait en vigueur au 1er janvier 2014. On ne peut toutefois affirmer que ce timing sera respecté car cela dépend du contexte politique et des débats parlementaires.

Quoi qu'il en soit, il est certain que d'ici le 1er janvier 2014, les différences de traitement entre ouvriers et employés qui ne se fondent pas sur une loi (par ex: les avantages complémentaires prévus dans une CCT ou les contrats de travail) ne seront pas harmonisées. Pour cette raison, nous vous conseillons d'être proactifs et de déjà lister ces différences et d'établir un planning en vue d'une éventuelle harmonisation progressive dans le futur.

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