28/02/10

TVA sur le prix des terrains : une réalité au plus tard à partir de 2011

Au plus tard le 1er janvier 2011, la livraison d’un bâtiment neuf et du sol y attenant sera soumise à la TVA, lorsque la cession du bâtiment est elle-même soumise à la TVA. Dans ce cas, la cession du terrain sera exonérée des droits d’enregistrement.

Le principe consacré par l’article 44, §3, 1° du Code de la TVA est que les livraisons de biens immeubles par nature sont exonérées de TVA et sont par contre soumises aux droits d’enregistrement.
Cependant, par exception à ce principe, les livraisons de bâtiments neufs au regard de la TVA, ainsi que les constitutions, les cessions ou les rétrocessions de droits réels portant sur de tels bâtiments, sont imposables dans les conditions de l'assujettissement de la personne qui effectue l'opération.
Pour rappel, un bâtiment est considéré comme neuf au regard de la TVA jusqu’au 31 décembre de la deuxième année qui suit celle au cours de laquelle a lieu la première occupation ou la première utilisation de ce bâtiment.  Pour bénéficier du régime TVA, ces opérations doivent dès lors se placer avant l'expiration de ce délai.

En outre, conformément à l'article 30 du Code de la TVA, lorsqu'un assujetti cède un bâtiment, avec application de la TVA, en même temps que le fonds sur lequel ce bâtiment est érigé, moyennant un prix unique, la TVA est calculée sur une base obtenue en déduisant du prix et des charges stipulés au contrat, la valeur vénale du fonds à la date de la cession, compte tenu de l'état de ce fonds avant le commencement des travaux.
Ceci signifie que dans cette situation, la partie du prix correspondant à la valeur du terrain est soumise aux droits d’enregistrement (au taux de 10 % ou 12,5 % selon les régions) tandis que le solde du prix est soumis à la TVA (sans que ce solde ne puisse être inférieur à la valeur normale du bâtiment cédé – application d’une base minimale d’imposition).

Jurisprudence européenne

Au terme d’un arrêt du 8 juin 2000 (affaire C-400/98 – Breitsohl) dans le cadre de l’interprétation de l’article 4, §3, a) de la sixième directive (actuellement l’article 12, §1, a) de la directive 2006/112/CE), la Cour de Justice des Communautés européennes a précisé que « l’option en faveur de la taxation exercée lors de la livraison de bâtiments ou de fractions de bâtiments et du sol y attenant doit porter, de manière indissociable, sur les bâtiments ou fractions de bâtiments et le sol y attenant ».
L’enseignement de cet arrêt est qu’il n’est dès lors plus possible de céder en même temps un bâtiment ou fractions de bâtiments sous le régime de la TVA et le sol y attenant sous le régime des droits d’enregistrement.

Etant donné que la Cour de Justice vise à assurer une interprétation uniforme du droit communautaire dans tous les Etats Membres et de l’autorité de la chose interprétée dont elle jouit, le législateur belge a dès lors été contraint de s’aligner sur les prescriptions communautaires et c’est dès lors dans ces conditions que le Code de la TVA a été mis en conformité par la loi-programme du 23 décembre 2009.

Modifications à partir du 1er janvier 2011

Suite aux modifications apportées au Code de la TVA par la loi précitée, plusieurs situations peuvent être distinguées :

  • Soit la livraison du bâtiment neuf et du sol y attenant est réalisée par un constructeur professionnel c’est-à-dire une personne qui de manière habituelle, achète, construit ou fait construire des bâtiments neufs. Dans ce cas, la totalité de l’opération est de plein droit soumise à la TVA.
  • Soit la livraison du bâtiment neuf et du sol y attenant est réalisée par un assujetti ordinaire qui n’est pas un constructeur professionnel.  Dans ce cas, si cet assujetti veut soumettre l’opération à la TVA, il devra en manifester la volonté en optant pour le régime TVA  - cette option s’exerçant de manière indissociable sur le bâtiment et le terrain y attenant.
  • Soit la livraison du bâtiment neuf et du sol y attenant est réalisée par un assujetti occasionnel (notamment les particuliers non assujettis). Dans ce cas, si cette personne veut soumettre l’opération à la TVA, elle devra en manifester la volonté en optant pour le régime TVA  - cette option s’exerçant de manière indissociable sur le bâtiment et le terrain y attenant.

Conséquences de ces modifications

Le fait de soumettre à la TVA la cession d'un terrain dans certaines conditions peut s’avérer une opportunité pour le promoteur.  En effet, l’opération portant sur le terrain étant soumise à la TVA, cela permet de récupérer l’ensemble de la TVA supportée en amont relative au terrain (par exemple la TVA grevant des coûts d’assainissement et de réhabilitation de Brownfields). Cette TVA sur travaux d’assainissement devenant déductible, elle n’est plus un coût pour le promoteur, ce qui lui permet soit d’augmenter sa marge à due concurrence soit de partager avec l’acquéreur l’avantage lié à la déductibilité de la TVA.
Cette modification emporte cependant des conséquences importantes au regard des droits d’enregistrement :

(i) Chaque région a pris des mesures fiscales attrayantes pour attirer et conserver les contribuables sur leur territoire en instaurant un système d’abattement ou d’imputation des droits d’enregistrement lors de l’acquisition d’une résidence principale. Ces mesures sont devenues totalement obsolètes lors de l’acquisition d’un logement « neuf » au regard de la TVA.
(ii) Certains types de personnes - les marchands de biens - bénéficient d’un régime de faveur lors de l’acquisition de biens immeubles. Ces personnes bénéficient d’un taux réduit de droits d’enregistrement (5 % ou 8 % selon les régions) lorsqu’elles se portent acquéreurs de biens immeubles. Le maintien de cet avantage est conditionné par la revente du bien sous le régime des droits d’enregistrement au taux ordinaire (10 % ou 12,5 %) au plus tard le 31 décembre de la dixième année qui suit la date de l’acte d’achat. A défaut de revente dans ces conditions, le droit ordinaire sur l’acquisition sera exigible sans possibilité d’imputation des droits payés initialement.
Ainsi lorsque le marchand de biens - qui n’a pas la qualité de constructeur professionnel - aura fait une promotion sur le terrain acquis avec le régime de faveur, celui-ci devra faire un choix : soit vendre le bâtiment et le sol y attenant sous régime TVA (avec pour conséquence le paiement dans son chef des droits d’enregistrement au taux ordinaire sur le prix du terrain) soit vendre le bâtiment et le sol y attenant sous régime de droits d’enregistrement (avec pour conséquence la non-déductibilité de la TVA sur le coût de la construction).
Lorsque le marchand de bien cumule cette qualité avec celle de constructeur professionnel au regard de la TVA, il n’a pas le choix, il doit vendre sous régime TVA et devra dès lors payer les droits d’enregistrement au taux ordinaire qui aura été applicable lors de l’acquisition du terrain.

Ces modifications entrent en vigueur au plus tard le 1er janvier 2011 afin de permettre aux législateurs régionaux d’adapter leur législation et éviter une double taxation (TVA et droits d’enregistrement) sur les terrains.  Cette période devrait également être mise à profit pour introduire un régime transitoire pour les marchands de biens qui ont en stock des réserves foncières parfois importantes.

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