Ce 28 février, la Chambre des Représentants de Belgique a approuvé une nouvelle législation en matière de concurrence. Celle-ci apporte un certain nombre de modifications, dont des sanctions aux personnes physiques ainsi qu'un nouveau régime de contrôle des prix.
La nouvelle législation forme les Livre IV (« Protection de la concurrence ») et Livre V (« La concurrence et les évolutions de prix ») du nouveau Code de droit économique. Elle est encore susceptible d'être amendée par le Sénat.
Vous trouverez ci-dessous un aperçu des modifications les plus importantes, de même qu'un certain nombre de points essentiels pour les entreprises qui demeurent inchangés.
1 Pratiques restrictives de concurrence
La nouvelle législation maintient l'interdiction d'accords entre entreprises limitant la concurrence et l'interdiction d'abus de position dominante. La nouveauté, par contre, est que les règles de concurrence ne seront plus limitées aux entreprises : une interdiction spécifique est prévue pour les personnes physiques, limitée, il est vrai, aux restrictions graves (« hardcore ») de concurrence. Ainsi, les personnes physiques ne pourront plus négocier, au nom et pour le compte d'une entreprise ou association d'entreprises, avec des concurrents, ni convenir avec eux :
• de fixer les prix de vente de produits ou services aux tiers;
• de limiter la production ou la vente de produits ou services; ou
• d'attribuer (de répartir) des marchés.
La violation de cette interdiction est sanctionnée d'une amende administrative de 100 à 10.000 EUR. Les personnes physiques concernées peuvent toutefois, sous certaines conditions, échapper à cette sanction si elles ont contribué à prouver l'existence d'un accord restrictif de concurrence. Ces règles d'immunité s'ajoutent aux règles de clémence existantes concernant les entreprises.
2 Contrôle des concentrations
La nouvelle législation maintient le régime de notification et d'approbation préalables obligatoires des concentrations (cessions, fusions et certaines joint-ventures) qui excèdent certains « seuils de notification ».
Les seuils de notification ne changent pas. Une concentration doit dès lors toujours faire l'objet d'une notification pour approbation si le chiffre d'affaires total (le cas échéant, consolidé au niveau du groupe) de l'ensemble des entreprises concernées excède en Belgique 100 millions EUR et si au moins deux entreprises concernées réalisent, chacune, en Belgique, un chiffre d'affaires (le cas échéant, consolidé au niveau du groupe) de 40 millions EUR.
En pratique, la plupart des concentrations sont traitées dans le cadre d'une « procédure simplifiée ». La durée de cette procédure est désormais réduite : à l'avenir, l'autorité de la concurrence devra prendre une décision endéans les quinze (au lieu des vingt) jours ouvrables. Si aucune décision n'est prise dans ce délai, la concentration est réputée approuvée.
Par contre, la durée de la procédure normale (non-simplifiée) de notification reste inchangée. L'autorité de la concurrence doit donc toujours prendre une « décision en première phase » en principe endéans les quarante jours ouvrables. En cas de doutes sérieux quant à l'admissibilité de la concentration, une « enquête de deuxième phase » suit, qui, en principe, dure soixante jours ouvrables au plus. Si aucune décision n'est prise dans ces délais, la concentration est réputée approuvée.
3 Politique de prix
Le Livre V du Code de droit économique prévoit que les prix des biens et des services sont déterminés par le libre jeu de la concurrence, mais autorise l'Autorité belge de la Concurrence et le Ministre des Affaires Economiques, sous certaines conditions, à intervenir dans la fixation des prix. Aucune violation des règles de la concurrence ne doit avoir été constatée pour autant.
Lorsque l'Observatoire des Prix constate un problème en matière de prix ou de marges, une évolution anormale des prix ou un problème structurel de marché, il peut adresser un rapport au Ministre des Affaires Economiques et à l'Autorité belge de Concurrence. Cette dernière peut alors, dans des cas urgents déterminés, prendre des mesures provisoires. Si elle y procède, le Ministre présente endéans les six mois un plan « consistant en un changement structurel du fonctionnement du marché dans le secteur concerné » au gouvernement.
De telles mesures en matière de prix ne sont pas possibles pour les produits ou services pour lesquels il existe déjà un régime de régulation des prix.
Si des mesures en matière de prix sont prises dans le cadre de ce nouveau régime, les entreprises ne peuvent refuser de livrer : elles doivent, dans la mesure de leurs possibilités et dans des conditions conformes aux usages commerciaux, satisfaire aux demandes de produits ou de prestations de services pour autant qu'elles ne présentent aucun caractère anormal.
A côté de ce régime de prix général, la nouvelle législation apporte un mécanisme spécifique concernant les médicaments et certains produits liés. Pour ces produits, un contrôle des prix plus systématique est prévu.
4 Une seule autorité de concurrence...dotée de plusieurs organes
La nouvelle législation remplace les institutions existantes (Conseil de la Concurrence avec Auditorat et Direction générale de la concurrence) par une seule « Autorité belge de la Concurrence ». Le morcellement des compétences entre diverses institutions était une des raisons pour lesquelles la Belgique n'est jamais parvenue à une politique de poursuite efficace, en particulier en matière de cartels.
La nouvelle législation prévoit toutefois que l'Autorité belge de la Concurrence sera composée de plusieurs organes, à savoir :
• le Président et son service;
• le Collège de la concurrence qui, globalement, prend les décisions au fond et qui est composé affaire par affaire;
• le Comité de direction qui dirige l'Autorité belge de la Concurrence et détermine notamment les priorités de gestion;
• l'Auditeur général et l'Auditorat qui dirigent et organisent les enquêtes, et qui disposent également de certaines compétences décisionnelles (par ex. : en matière de notifications simplifiées de concentrations).
Cette répartition a pour but notamment de préserver les droits de la défense. La pratique devra démontrer si la nouvelle structure rend effectivement possible une politique intensive de protection.