13/12/24

La honte est belle lorsqu'elle devient courage

Vendredi 29 novembre dernier, j’ai eu la chance d’assister à la séance solennelle de rentrée du barreau de Paris et d’entendre un discours remarquable à propos d’un homme d’exception : notre illustre ancien confrère Robert Badinter.

Comme le veut la tradition, le premier secrétaire de la Conférence, Maître Quentin Dreyfus, avait la charge de prononcer l’éloge d’un confrère décédé de son choix et celui-ci s’était porté sur Maître Badinter.

J’ai rarement dans mon existence été aussi transporté par un discours tant l’orateur paraissait habité par le personnage dont il nous contait l’existence de façon magistrale, et l’ovation qu’il a reçue à la fin de sa prestation a confirmé que mes sentiments étaient partagés !

Ce n’est toutefois pas pour vous conter mes tribulations et mes sentiments que je rédige ce mot mais pour vous en citer d’abord un passage dans lequel Maître Dreyfus rappela quelques résultats significatifs (parmi d’autres bien entendu) de l’action politique de Maître Badinter qui ne se limite pas, loin de là, à avoir fait voter l’abolition de la peine de mort, ce que chacun sait.

« Outre l’abolition, il laisse derrière lui la suppression des juridictions d’exception parce que la justice ne se rend pas en temps de paix devant des militaires en uniforme et l’arme aux pieds.

L’instauration de parloirs libres en prison qui n’ont jamais empêché de surveiller et punir.

Un recours individuel devant la Cour européenne des droits de l’homme qui n’aura finalement pas fait vaciller les procédures.

La création des peines de substitutions en faisant valoir que la surpopulation carcérale est le premier obstacle à toute politique crédible de lutte contre la récidive.

La refonte de l’aide juridictionnelle civile et pénale pour garantir l’accès au droit, la réforme de l’indemnisation des victimes et j’en oublie. »

On ne peut qu’être plein d’admiration et remercier un homme auquel nous devons tant, même si nous ne sommes pas français, son action ayant exercé une influence sur notre droit et nos pratiques !

Mon émotion a atteint son comble à l’écoute de la conclusion de Maître Dreyfus :

« J’espère que dans la nuit qui vient, je saurai penser à celle (la voix) vibrante de Robert Badinter, comme lorsqu’elle recouvrait de sa force le vélodrome d’hiver pour rappeler à tous les vertus de la honte devant l’horreur d’un massacre.

Les vertus de la honte devant une machine judiciaire et carcérale à bout de souffle qui n’a souvent plus assez de force et de temps pour s’inquiéter des principes sur lesquelles elle repose.

Les vertus de la honte d’assister à cela dans une robe qui, parfois, sert d’alibi d’humanité.

Parmi les innombrables leçons que cet écho nous laisse, il en est une au moins que j’aimerais avoir la force de garder avec moi : c’est que la honte est belle, lorsqu’elle devient courage. »

Je forme le vœu que chacun, en ce compris nos gouvernants, ait cette force !

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