Mise à jour de la liste des personnes faisant l’objet de mesures de gel ou d’embargos
Voici deux ans, dans le numéro 206 de La Tribune, nous vous rappelions que les avocats qui exercent des mandats judicaires (tels les curateurs, les liquidateurs ou administrateurs provisoires de sociétés) ne sont pas en tant que tels des entités assujetties au sens de la législation anti-blanchiment et que s’ils ont des soupçons de blanchiment dans le cadre de l’exercice de ces mandats, ils ne peuvent, ni ne doivent adresser une déclaration de soupçons à leur bâtonnier (mais peuvent être tenus de dénoncer au parquet les faits qu’ils estimeraient susceptibles de constituer une infraction pénale. La raison en est que ces avocats « n’assistent pas un client, ni n’agissent au nom d’un client, dans le cadre de ces mandats». Ils ne rentrent dès lors pas dans le champ d’application de la loi du 18 septembre 2017.
Cette analyse s’impose toujours aujourd’hui.
Dans ce même numéro de La Tribune, nous vous indiquions que la Commission anti-blanchiment de l’OBFG avait développé la même analyse et abouti à la même conclusion, s’agissant des avocats qui exercent des mandats extra-judiciaires (et qui par exemple sont, en tant qu’avocats, chargés de l’administration de biens ou de personnes sur la base d’un mandat extra-judiciaire). Cette conclusion se basait ici aussi sur le fait que le mandataire extrajudiciaire n’est pas désigné en qualité d’avocat puisqu’en cette hypothèse, il n’intervient pas comme conseil d’un client et qu’il n’est pas non plus contraint au secret professionnel.
A l’époque, l’autorité chargée de recevoir les déclarations de soupçons (le cas échéant après que le bâtonnier ait procédé aux vérifications prescrites par la loi) et de les traiter qu’est la CTIF n’avait pas encore pris position sur cette question.
Le Bâtonnier de l’Ordre néerlandais du Barreau de Bruxelles a récemment interrogé cette autorité sur l’éventuel assujettissement d’un avocat qui agit, pour une personne protégée, via un mandat notarié extra-judiciaire émis sur la base des articles 489 et suiv. de l’ancien Code civil. La CTIF lui a répondu qu’il s’agissait d’une forme de mandat privé permettant à l’avocat d’exécuter les opérations financières nécessaires à la gestion du patrimoine de son « client-personne protégée ». La CTIF en a tiré la conclusion que l’avocat était dans cette hypothèse assujetti à la loi anti-blanchiment.
La réponse de la CTIF au Bâtonnier de l’Ordre néerlandais du Barreau de Bruxelles est disponible sur lesite de l’OVB.
La commission anti-blanchiment de l’OBFG prend acte de cette position de la CTIF et est d’avis qu’au vu de cette position, la prudence élémentaire commande désormais de considérer l’avocat porteur d’un mandat extra-judiciaire qui donne lieu à l’exécution d’opérations financières, comme étant, dans le cadre de ce mandat, assujetti à la loi anti-blanchiment.
Il en résulte notamment que si dans l’exercice de son mandat extra-judiciaire, l’avocat éprouve des soupçons de blanchiment, il doit - en règle et sous réserve des exceptions prévues par la loi – adresser une déclaration en ce sens à son bâtonnier. Il devra également remplir toutes les autres obligations que la loi du 18 septembre 2017 impose aux entités assujetties que sont les avocats (identification, vérification de l’identité, mise en place de procédures, formation du personnel, etc.)
La Commission anti-blanchiment de l’OBFG attire par ailleurs l’attention des avocats sur le fait que le SPF Finances a publié une nouvelle liste consolidée des personnes et entités faisant l’objet de mesures de gel ou d’embargos (pour plus de détail voy. https://latribune.avocats.be/fr/russie-embargos-et-blanchiment).
Cette nouvelle liste est disponible en suivant le lien suivant : SIFI (fgov.be).
En cliquant sur l’onglet « Formulaire de notification », il est possible de s’inscrire pour recevoir une notification par mail à chaque mise à jour de cette liste.
La Commission anti-blanchiment rappelle qu’il convient de consulter cette liste dans le cadre de l’application de la politique d’acceptation des clients, afin de vérifier que ce nouveau client, son mandataire, son bénéficiaire effectif ou toute autre personne dont l’avocat détiendrait des fonds ne fait pas l’objet de dispositions contraignantes relatives aux embargos financiers. Cette vérification devrait en outre s’imposer lors de toute mise à jour de l’analyse de risques individuelle et à chaque fois que de nouveaux fonds de tiers sont conservés par l’avocat.
S’il s’avère que l’avocat détient des fonds appartenant à une personne ou à une entité reprise sur cette liste, il appliquera la mesure de gel et communiquera les informations idoines au service Trésorerie du SPF Finances, sans passer par son Bâtonnier. Le cas échéant, il procèdera également à une déclaration de soupçons et mettra fin à sa relation avec le client concerné si le bâtonnier transmet cette déclaration à la CTIF.
Auteur :
Marc Fyon
Vice-président et administrateur en charge de la commission anti-blanchiment d'AVOCATS.BE