La Directive n°2019/1152 votée par le Parlement Européen le 20 juin 2019 (la « Directive ») s’inscrit dans la volonté du Parlement Européen d’imposer aux employeurs une parfaite information de chaque travailleur sur leurs conditions de travail au moment de leur embauche ou très rapidement à la suite de celle-ci. Cette Directive a été transposée en droit luxembourgeois par une loi du 24 juillet 2024 qui est entrée en vigueur le 4 août dernier (la « Loi »).
Si cette Loi n’est pas une révolution en ce qui concerne les mentions obligatoires, dont elle étend le nombre, (le Code du travail (« CT ») comportant déjà de nombreuses dispositions à cet égard) elle introduit néanmoins des nouveautés, notamment en vue de protéger les droits des salariés sous contrats à durée déterminée et/ou à temps partiel, de nouvelles subtilités et surtout des peines d’amendes en cas de manquements des employeurs à ces obligations d’information. Aussi, il nous semble opportun de vous informer sur les principaux points de la Loi afin de vous permettre d’évaluer la nécessité de modifier votre documentation contractuelle actuelle.
Travailleurs ciblés
La Loi vise tous les travailleurs au service des employeurs luxembourgeois. Ainsi, si elle exclue les indépendants, ses dispositions s’appliquent aux salariés, apprentis, étudiants et élèves (et même aux fonctionnaires).
Modalités à respecter
Nonobstant les dispositions de cette Loi, le principe d’un contrat (de travail, d’apprentissage, étudiant/élève) établi par écrit préalablement ou au moment de l’entrée en service du travailleur demeurera intact en droit luxembourgeois. Cependant, la Loi ajoute de nouvelles modalités d’information unilatérale que ce soit au début de la relation de travail ou au cours de celle-ci (i.e., en cas de départ à l’étranger du salarié ou en cas de modification unilatérale du contrat de travail).
Si ces obligations d’information étendues prennent principalement la forme de mentions obligatoires additionnelles devant figurer dans le contrat liant l’employeur et le travailleur, la Loi prévoit que l’employeur de bonne foi pourra communiquer par écrit au travailleur, postérieurement à l’entrée en service de celui-ci, certaines informations essentielles à la relation de travail. En effet, la Loi accorde deux délais à l’employeur (i.e., sept jours ou un mois à compter de la demande du travailleur) pour « compléter » la documentation contractuelle échangée avec le travailleur. Le délai à respecter dépendra de la nature des informations manquantes (e.g., sept jours pour le lieu de travail, one mois pour les congés). La simple coexistence des dispositions précédentes du droit du travail avec celles de la Loi et les nouvelles modalités et subtilités introduites ne manqueront pas de générer un contentieux dans les années à venir, notamment en raison de la responsabilité qu’il fait peser sur les employeurs.
Nouvelles mentions à insérer et changements à respecter
La Loi impose aux employeurs l’insertion de nouvelles mentions dans les contrats de leurs travailleurs (e.g., intégralité des compléments de salaire et des avantages, exécution et modalités de compensation d’heures supplémentaires, procédure pour résilier la relation contractuelle) et dans la documentation à transmettre au travailleur qui partirait travailler à l’étranger pour une durée supérieure à quatre semaines consécutives.
Nouveaux régimes
Concernant spécifiquement la situation des salariés, deux apports importants de la Loi doivent être mentionnés :
- Clauses d’essai
La Loi règlemente désormais la durée de la période d’essai contenue dans un contrat à durée déterminée. En effet, le nouvel article L. 122-11 (1) alinéa 3 du CT prévoit que celle-ci ne pourra être inférieure à deux semaines ni supérieure à un quart de la durée fixée au contrat (ou de la durée minimale le cas échéant).
- Clauses d’exclusivité
Le nouvel article L. 121-4 (8) du CT prévoit une prohibition de principe des clauses d’exclusivité interdisant au salarié ou à l’apprenti, un cumul d’emploi. Cependant, le même article prévoit des exceptions lorsque ce cumul doit être refusé pour des motifs objectifs que cette justification se fasse ab initio ou soit débattue lors d’un litige. Ces motifs pourront relevés, par exemple, de la santé/sécurité au travail du travailleurs ou d’impérieux besoins de confidentialité ou de conflits d’intérêts.
Nouveaux droits
La Loi introduit deux nouveaux droits pour les salariés :
- Droit de passer vers une forme d’emploi plus sûre et plus prévisible : ici la Loi vient compléter les dispositifs existants en visant les hypothèses (i) du salarié à temps partiel qui demanderait à travailler à temps plein et (ii) du salarié sous contrat à durée déterminée qui demanderait la conversion en un contrat à durée indéterminée. En effet, à l’expiration de la période d’essai éventuellement convenue, et à condition de travailler depuis au moins six mois auprès d’un même employeur, ces salariés pourront en faire la demande auprès de l’employeur à raison d’une fois par an maximum. L’employeur disposera à compter de cette demande d’un délai d’un mois pour soit procéder à la modification du contrat, soit adresser au salarié les motifs détaillés justifiant son refus.
- Droit à la gratuité concernant les formations obligatoires que les employeurs doivent faire suivre à leurs salariés
Sanctions
Les manquements de l’employeur pourront être sanctionnés sur un plan civil mais également sur un plan pénal. En effet, le législateur luxembourgeois a prévu des amendes pénales dont les montants pourront aller jusqu’à 10.000 euros lorsque l’employeur est une personne morale, étant entendu que ces amendes pourront se cumuler.
La Loi prévoit également des sanctions à l’encontre des employeurs qui, face à des demandes de régularisation de travailleurs qui exercerait des représailles à l’encontre de ces derniers.
Conclusions
Si les nouveaux contrats devront se conformer aux dispositions de la Loi, les contrats signés avant le 4 août 2024 ne devront pas nécessairement être mis à jour, la Loi ne prévoyant aucune obligation de signer un avenant sauf si les travailleurs concernés le demandent. Par ailleurs, la Loi impliquera également une mise en conformité de certaines conventions collectives.