Le Tribunal de l'UE a annulé le 8 mai 2024 la décision de la Commission du 26 juillet 2021 approuvant une aide à la restructuration en faveur de la compagnie aérienne allemande Condor à la suite d’un recours en annulation introduit par Ryanair. La Commission aurait dû ouvrir la procédure formelle en raison des doutes sur la compatibilité de l'aide. Le Tribunal a rejeté l'argument de Ryanair relatif à l'impact de l'aide sur sa position concurrentielle.
Contexte
Le 26 juillet 2021, la Commission européenne a autorisé une aide à la restructuration en faveur de la compagnie aérienne allemande Condor. Condor opérait principalement des vols charters par l'intermédiaire de voyagistes en Allemagne.
Après la mise en liquidation judiciaire du groupe détenant la compagnie, le gouvernement allemand avait accordé une aide au sauvetage, préalablement autorisée par la Commission européenne.
Ensuite, à l’issue de la durée de 6 mois de l’aide au sauvetage, les autorités allemandes avaient notifié une aide à la restructuration en faveur de la compagnie aérienne. L'aide à la restructuration comprenait une modification des conditions des prêts COVID-19 accordés en 2020 et en des abandons total ou partiel de créances publiques.
L'une de ces aides a également été contestée par Ryanaur avec succès devant le Tribunal de l'UE.
L'affaire devant le tribunal de l'ue
Le 18 juillet 2022, Ryanair a attaqué la décision de la Commission devant le Tribunal de l'UE. La compagnie irlandais invoquait plusieurs arguments dans son recours en annulation.
Tout d'abord, elle a soulevé que la Commission européenne aurait dû avoir des doutes lors de l'examen préliminaire de la mesure en question et dès lors, ouvrir la procédure formelle d’examen afin d'évaluer plus en détails la compatibilité de la mesure avec le marché intérieur. De plus, Ryanair a invoqué le fait qu'une telle décision avait un impact substantiel sur sa position concurrentielle.
Le Tribunal a suivi en partie l'argumentation de Ryanair. En effet, selon le Tribunal, la Commission européenne n'aurait pas dû accepter l'aide à la restructuration sans ouvrir la procédure formelle. En effet, le Tribunal a estimé que la Commission européenne aurait dû se demander si l'aide répondait au principe de la répartition adéquate des charges. Cette condition de compatibilité de la restructuration implique que toute aide d'État qui améliore la position en capital du bénéficiaire doit être accordée à des conditions qui permettent à l'État de bénéficier d'une part raisonnable des futures plus-values du bénéficiaire, compte tenu du montant des fonds propres injectés par l'État par rapport aux fonds propres restants de l'entreprise après la comptabilisation des pertes. Toutefois, dans la décision contestée de la Commission européenne, celle-ci ne semble pas avoir vérifié si l'aide en question était attribuée selon des modalités garantissant que l'Allemagne céderait une part raisonnable de Condor qui serait comptabilisée.
Le Tribunal a également rappelé dans son arrêt qu'en l'absence de l'analyse nécessaire pour satisfaire à une répartition adéquate des charges, la Commission européenne n'a pas analysé si l'aide spécifique avait un impact sur la concurrence et, par conséquent, limité la distorsion de la concurrence. Cependant, le Tribunal a conclu que Ryanair n'avait pas démontré que l'aide en question était susceptible d'affaiblir substantiellement sa position concurrentielle et que Ryanair était individuellement concerné par la décision de la Commission européenne. Il a seulement déterminé que les droits procéduraux de Ryanair avaient été affectés et que, par conséquent, la décision contestée devait être annulée.
Par conséquent, pour ces motifs, le Tribunal a annulé le 8 mai 2024 la décision de la Commission du 26 juillet 2021.
Conclusion
Cette annulation de la décision approuvant une aide à une compagnie aérienne dans le contexte de la pandémie est un nouveau succès pour Ryanair.
La Commission est maintenant contrainte d’ouvrir une procédure formelle d’examen. Pour ce faire, elle doit adopter une décision formelle qui sera adressée à l'Etat allemand et publiée au Journal Officiel de l'UE afin de permettre à toutes les parties intéressées de présenter leurs observations. Compte tenu de la position du Tribunal sur les arguments de Ryanair sur le fond, il est probable que la Commission adoptera la même décision, mieux motivée à l’issue de la procédure formelle.
De nombreuses décisions approuvant des mesures d'aide d'État dans le cadre de la procédure préliminaire ont déjà été contestées par la Cour de justice de l'UE. Toutefois, comme l'a conclu le Tribunal dans cette affaire, le fait qu'une décision soit annulée en raison de l'absence de procédure formelle d'examen ne signifie pas que cette décision sera déclarée incompatible à l’issue de la procédure.
Annabelle Lepièce
Sébastien Willems