24/09/12

FOURNITURE ET PLACEMENT DE MOBILIER URBAIN: À QUALIFIER EN TANT QUE CONCESSION DE SERVICE PUBLIC OU COMME MARCHÉ PUBLIC? (CON…

Un recours en annulation a été introduit au Conseil d'Etat contre la décision de la Ville d'Hasselt d'attribuer un contrat de concession pour la fourniture et le placement de dispositifs pour la sensibilisation et la prévention des crottes de chiens sur le domaine public.

Afin de pouvoir apprécier l'argumentation de la partie requérante, le Conseil d'Etat a dû se pencher sur la qualification dudit contrat.

Le Conseil d'Etat a constaté que la Ville d'Hasselt avait envisagé le marché comme un contrat de concession sans faire état de plus de précisions. Dans un précédent jugement du Tribunal de première instance d'Hasselt il avait déjà été relevé, en ce qui concerne la nature du contrat, qu'il s'agissait d'un contrat de concession. Etant donné, toutefois, que la question juridique de la qualification du contrat n'avait pas été soumise à l'appréciation de ce Tribunal et que par conséquent le Tribunal n'avait pas effectué de recherches approfondies et contradictoires à ce sujet, le Conseil d'Etat a décidé que ce différend n'était pas encore soumis à l'autorité de chose jugée, de sorte qu'il pouvait rechercher la qualification.

Le Conseil d'Etat a décidé qu'il était question ici d'un marché public de fournitures et de services pour les raisons suivantes :

Premièrement, la mission visait la mise en place de dispositifs pour la sensibilisation et pour la prévention de crottes de chien sur le domaine public. L'entreprise cocontractante devait placer ces dispositifs, ce qui constitue une fourniture à la Ville d'Hasselt.

Deuxièmement, il était question d'un marché public de services étant donné que le marché prévoyait que les dispositifs devaient avoir un caractère de sensibilisation, et qu'un côté des panneaux d'affichage devait toujours être gardé disponible pour la Ville d'Hasselt pour y afficher un message d'intérêt général.

Troisièmement, selon le Conseil d'Etat, le simple fait que l'entreprise cocontractante reçoive l'autorisation d'utiliser le domaine public ne menait pas ici à ce que le contrat doive être qualifié comme une concession domaniale. L'objet réel qui doit être pris en considération pour la qualification concernait, selon le Conseil, le fait que la Ville d'Hasselt donnait, en échange de l'utilisation gratuite des dispositifs, le droit à l'entreprise cocontractante de faire de la publicité sur un côté des panneaux d'affichage, ce qui lui fournira les revenus nécessaires. Les prestations de l'une et l'autre partie, qui témoignent d'un contrat à titre onéreux, forment également les éléments essentiels du contrat qui ont amené le Conseil d'Etat à opter pour la qualification de marché public.

Quatrièmement, il ne pouvait ici nullement être question d'une concession de service public étant donné que l'entreprise contractante n'entrait pas juridiquement en contact avec les utilisateurs des dispositifs. Ces derniers ne devaient en effet payer aucune indemnité à l'entreprise cocontractante. Par ailleurs, aucune obligation en rapport avec une mission de service public n'a été transmise à l'entreprise cocontractante.

Nous remarquons incidemment que le Conseil d'Etat qualifie la concession comme un marché public de fournitures et de services. Ceci est étonnant étant donné qu'un marché public doit toujours être ou bien un marché de travaux, ou de fourniture, ou de services (article 5 Loi sur les marchés public 1993). L'un ou l'autre peut bien entendu toujours être considéré comme accessoire. Le Conseil ne se prononce cependant pas sur le fait que les fournitures ou les services doivent être considérés comme accessoires, mais désigne le contrat comme un marché public de fournitures et de services.

Le grand intérêt de cet arrêt du Conseil d'Etat doit cependant être trouvé dans l'appréciation par le Conseil d'Etat de la qualification du contrat qui réglemente l'exploitation relative au mobilier urbain. Selon nous, le Conseil limite avec cet arrêt d'une part l'approche classique de l'exploitation du mobilier urbain au moyen d'une concession domaniale, et d'autre part la possibilité d'exploiter du mobilier urbain par le biais d'une concession de service public.

Une chambre francophone du Conseil d'Etat s'est penchée, bien que dans le cadre d'un désistement d'action, sur une question identique (arrêt nr. 162.526). L'auditeur avait dans cette affaire conseillé de requalifier la concession domaniale en matière de mobilier urbain en un marché public de services. Il était d'avis qu'une entreprise de publicité qui place du mobilier urbain, en échange du droit d'afficher de la publicité sur le mobilier, livre en effet un service à la commune concernée.

Avec l'arrêt du 3 juillet 2012 le Conseil (une de ses chambres néerlandophones) confirme le point de vue de l'auditeur en ce qui concerne la qualification des contrats qui ont pour objet le placement et l'exploitation de mobilier urbain. Cet arrêt a également une conséquence directe sur l'attribution de contrats en matière de mobilier urbain dans l'application des exigences de base en matière de concurrence, de transparence, d'accès égalitaire, de prix forfaitaire, etcetera, tels que mentionnés dans la réglementation sur les marchés publics. Les administrations locales feraient bien, selon nous, d'analyser les contrats existants de façon critique à la lumière de l'arrêt dont il est question ici.

dotted_texture