La Cour de cassation vient de confirmer, une nouvelle fois, dans son arrêt du 15 juin 2012, le caractère déductible de la TVA ayant grevé des frais de nourriture et de boissons lorsque ces frais sont exposés dans un cadre publicitaire.
Contexte
Conformément à l'article 45, §3, 3°, du Code de la TVA, un assujetti ne peut pas déduire la TVA ayant grevé les frais de logement, de nourriture et de boissons, à l'exception des frais qui sont exposés pour le personnel chargé de l'exécution, hors de l'entreprise, d'une livraison de biens ou d'une prestation de services ou par des assujettis qui à leur tour fournissent les mêmes services à titre onéreux. De même, l'article 45, §3, 4°, du Code de la TVA prévoit que la TVA supportée sur des frais de réception n'est pas déductible.
Nonobstant le caractère non-déductible de la TVA sur les frais de nourriture et de boissons ainsi que sur les frais de réception prévu par le Code TVA, la jurisprudence a eu l'occasion, ces dernières années, de se prononcer favorablement sur la déductibilité de la TVA supportée sur de tels frais lorsque ceux-ci revêtent un caractère « publicitaire ».
Les frais de réception
En effet, le 8 avril 2005, la Cour de cassation a estimé, dans un premier arrêt de principe, que, lorsqu'un assujetti parvient à démontrer que l'activité « a principalement et directement pour but d'informer l'acheteur final de l'existence et des qualités d'un produit ou d'un service en vue d'en favoriser la vente », la TVA supportée sur les frais de réception demeure déductible au titre de frais de publicité.
Bien entendu, selon la Cour, il est requis que les événements en question aient réellement un caractère publicitaire effectif et concret afin que la nature purement professionnelle de ces frais ne puisse être remise en cause, ce qui était le cas en l'espèce.
Quid des frais de nourriture et de boissons ?
Dans l'hypothèse où les frais de nourriture et de boissons sont exposés dans un cadre publicitaire et peuvent être qualifiés de frais publicitaires en tant que tels, peut-on également déduire la TVA sur la base de l'arrêt de la Cour de cassation du 8 avril 2005 ?
L'administration a rapidement réagi par la négative dans une décision du 24 juillet 2005 1, estimant que l'arrêt de la Cour de cassation susmentionné ne concernait que les frais de réception supportés dans un cadre publicitaire (pour lesquels une déductibilité semble avoir été admise par l'administration)2 , la TVA ayant grevé les frais de logement, nourriture et boissons demeurant quant à elle toujours non-déductible.
Néanmoins, après que l'arrêt de la Cour de cassation ait trouvé certains échos au sein de la jurisprudence des cours et tribunaux, la Cour a rendu un second arrêt le 11 mars 2010 suivant lequel la TVA sur les frais de restauration (i.e. nourriture et boissons) est déductible si l'activité pour laquelle ils sont engagés a pour but d'informer les acheteurs potentiels sur les produits et services de l'assujetti afin de les inciter à acheter lesdits produits ou les services.
En réponse à cette nouvelle jurisprudence favorable aux assujettis, l'administration publie une décision le 2 décembre 2011 3, laquelle maintient la position administrative antérieure, estimant que la Cour de cassation n'avait prêté attention qu'à la destination des frais (i.e. le but publicitaire) et non à la nature de tels frais. Or, selon la position administrative, le législateur a expressément exclu de toute déduction à la TVA les frais de nourriture et de boissons en raison même de leur nature de sorte qu'il n'était toujours pas envisageable d'autoriser la déduction de la TVA sur de tels frais sur la base de cet arrêt.
La décision administrative du 2 décembre 2011 laissait donc place au doute...
Une jurisprudence non-équivoque
Dans son arrêt du 15 juin 20124 , la Cour de cassation ne succombe pas devant la position prise par l'administration et confirme le caractère parfaitement déductible de la TVA supportée sur des frais de restauration encourus lors d'un événement publicitaire.
Les faits de l'espèce concernent des frais exposés par un concessionnaire automobile à l'occasion d'évènements ayant pour but de présenter à la clientèle divers véhicules et d'actions promotionnelles. Parmi ces frais, le concessionnaire avait supporté des frais de nourriture et de boissons pour lesquels l'administration a refusé la déduction de la TVA. La Cour d'appel de Liège ne fut pas du même avis et estima que de tels frais avaient pour objet principal d'informer les acheteurs potentiels sur les différents véhicules et d'en favoriser la vente de sorte que la TVA supportée sur les frais de nourriture et de boissons demeure déductible.
Suite au pourvoi introduit par l'administration, la Cour de cassation confirme l'arrêt de la Cour d'appel de Liège et considère, avec une clarté manifeste, que « les frais de nourriture et de boissons exposés dans le cadre d'une telle activité publicitaire, sont [...] déductibles ».
Conclusion
Peut-on désormais conseiller les assujettis de déduire la TVA sur les frais de restauration engagés dans un cadre publicitaire ? Le débat semble, à tout le moins d'un point de vue jurisprudentiel, manifestement tranché par la Cour de cassation.
Cependant, il parait trop tôt de conclure que le débat sur la déduction de la TVA concernant les frais de restauration s'achève par cet arrêt. Nous pouvons néanmoins souligner la clarté et le caractère succinct de celui-ci, ce qui laisse a priori peu de place à la discussion.
Nous attentons à présent les commentaires administratifs.
1Décision n° E.T.109.632 du 24 juillet 2005.2Le Fiscologue, n° 1304, p. 4. 3Décision n° E.T.120.663 du 2 décembre 2011. 4Cass., 15 juin 2012, F.11.0095.F/1.