15/05/12

La faillite : un scénario inéluctable voire préférable dans certains cas

Le nombre de faillites n'a jamais été aussi élevé en Belgique. En 2011, on compte pas moins de 15.528 faillites1 .

Pour le premier trimestre de 2012, on dénombre 2.706 faillites, soit seulement 5 faillites de moins que le premier trimestre de l'année 2011 qui avait battu tous les records.

Par ailleurs, 70 % des entreprises qui ont eu recours à la loi relative à la continuité des entreprises déposent leur bilan dans les deux ans de l'ouverture de la procédure. La continuité des entreprises ne serait-elle, dès lors, qu'un succès statistique ?

En tout état de cause, ces chiffres parlent d'eux-mêmes : la faillite est une procédure qui reste pleinement d'actualité.

Face à ce constat, surgissent de nombreuses questions pratiques. Nous en épinglons sept.

La faillite en sept questions

• Qu'entend-on par faillite ?

La faillite suppose la réunion de deux conditions.

D'une part, la cessation de paiements de manière persistante, c'est-à-dire que le commerçant n'est plus à même de rétribuer ses créanciers (dans des délais éventuellement négociés au cas par cas) ou, à tout le moins, ses principaux créanciers, et ce, de manière durable. En d'autres termes, des problèmes de trésorerie passagers ne suffisent pas.

D'autre part, un ébranlement de crédit. Cette deuxième condition sera remplie lorsque le commerçant a perdu la confiance de ses créanciers : il ne peut plus obtenir de crédit auprès des banques et ses fournisseurs refusent d'octroyer des (nouveaux) délais de paiements.

• Qui constate la faillite ?

Il appartient au conseil d'administration, au gérant, ou au commerçant personne physique qui n'exerce pas son activité par le biais d'une société, de constater la réunion des deux conditions de la faillite et de procéder à l'aveu de faillite dans le mois de la cessation des paiements, sous peine de sanction pénale.

Indépendamment de l'aveu, une procédure de faillite peut également être provoquée par un ou plusieurs créanciers ou par le Procureur du Roi.

• Où faut-il faire aveu de faillite ?

L'aveu de faillite doit se faire au greffe du tribunal de commerce du siège social de la société ou du principal établissement du commerçant personne physique.

• Comment se déroule l'aveu de faillite concrètement ?

Le commerçant qui se présente au greffe du tribunal de commerce devra se munir d'une série de documents en partie listés par la loi. Sauf exceptions, il s'agira essentiellement du bilan, des livres comptables, du registre du personnel, des données sociales (secrétariat social, identité des membres du CPPT, identité des membres de la délégation syndicale,...), d'une liste reprenant le nom et l'adresse des clients et fournisseurs ainsi que la liste des personnes qui se sont constituées caution de l'entreprise à titre gratuit.

Par ailleurs, le commerçant ou la personne spécialement mandatée pour procéder à l'aveu devra également se munir de documents permettant d'établir qu'il peut valablement représenter l'entreprise (carte d'identité, numéro d'entreprise, derniers statuts coordonnés de la société, publications du Moniteur Belge ou procès-verbaux établissant sa qualité (administrateur, gérant, mandataire spécial,...), acte constitutif de la société).

Enfin, le commerçant ou son mandataire devra également connaître la consistance de son actif et de son passif au jour de l'aveu de faillite.

Le greffier du tribunal de commerce actera toutes ces données dans un procès-verbal dont une copie sera communiquée au commerçant ou à son mandataire.

• Que se passe-t-il après l'aveu de faillite ?

Suite à l'aveu de faillite, le tribunal de commerce tiendra une audience en présence du Procureur du Roi.

Le tribunal de commerce devra faire un choix :

(i) soit il déclare le commerçant en faillite et désigne un curateur ;

(ii) soit il suspend sa décision pendant un délai de quinze jours au cours duquel lui ou le Procureur du Roi pourra introduire une demande en réorganisation judiciaire, et ce, même si le commerçant est en état de faillite virtuelle (c'est-à-dire que les conditions de la faillite sont réunies mais que le tribunal n'a pas encore prononcé de jugement en ce sens).

• Quelles sont les principales conséquences du jugement déclaratif de faillite ?

La conséquence principale du jugement déclaratif de faillite du point de vue du commerçant est le dessaisissement : le commerçant ne peut plus gérer ses biens. Le curateur désigné prend le relais dans la gestion.

Le commerçant devra bien entendu collaborer avec le curateur afin de réaliser au mieux les actifs.

Du point de vue des créanciers, la conséquence principale du jugement déclaratif de faillite est la suspension de leurs voies d'exécution sur le patrimoine du commerçant.

• Comment et quand la procédure se clôture-t-elle ?

Après la liquidation des actifs du commerçant, et lorsque tous les créanciers qui pouvaient être remboursés, l'ont été, la procédure se clôture : la société sera dissoute et le failli personne physique pourra être déclaré excusable, ce qui lui permettra de redémarrer une nouvelle activité commerciale sans craindre des poursuites des créanciers pour des dettes qui n'ont pas pu être apurées dans le cadre de la procédure de faillite.

En ce qui concerne la durée de la procédure, celle-ci n'a pas de limite dans le temps. Certaines faillites durent plus de dix ans. Pensons à l'illustre exemple de la faillite de la Sabena qui a été ouverte le 7 novembre 2001 et qui est toujours en cours à ce jour.

La faillite : un scénario parfois préférable

La loi relative à la continuité des entreprises du 31 janvier 2009 a suscité beaucoup d'enthousiasme lors de son entrée en vigueur. L'objectif principal de cette loi est d'assurer la continuité de l'entreprise et donc d'éviter la faillite.

D'un point de vue statistique, cette loi est manifestement un grand succès : 3.283 réorganisations judiciaires fin 2011 contre 1.397 concordats judiciaires en 10 ans !

Cette loi est-elle pour autant la panacée ? Son succès n'est-il que statistique ?

L'optimisme excessif dont certains ont fait preuve au lendemain de l'entrée en vigueur de la loi doit faire place à la réalité des chiffres : 70 % des entreprises qui ont obtenu la protection de la loi sur la continuité des entreprises tombent en faillite deux ans plus tard.

En effet, le passage de la réorganisation judiciaire vers la faillite et vice versa est possible.

A la demande du commerçant ou du Procureur du Roi si le tribunal suspend sa décision 2

Lorsque le commerçant n'est plus en mesure d'assurer la continuité de son entreprise 3

Certains observent que les entreprises recourent à la loi relative à la continuité des entreprises trop tard (syndrome dit de la « salle de réanimation » par opposition à la « bouée de sauvetage »). Ceci est exact mais est-ce une explication suffisante ? Nous en doutons.

Pourquoi permettre à une société qui est en état virtuel de faillite d'obtenir la protection de la loi relative à la continuité qui suspend les voies d'exécution et qui entraîne, dans les faits, une suspension de quasi tous les paiements ?

L'état virtuel de faillite n'est pas une simple menace sur la continuité des entreprises, la discontinuité est avérée. Permettre l'ouverture d'une réorganisation judiciaire et éviter une faillite à tout prix n'est pas toujours une bonne stratégie: ces entreprises moribondes qui finiront dans la plupart des cas par faire aveu de faillite auront, dans l'intervalle, provoqué une réaction en chaîne en mettant d'autres entreprises jusqu'alors saines en difficulté (effet « boule de neige »). La distorsion de concurrence pointe son nez.


Conclusion

Dans certains cas, la faillite s'impose. Mais ce constat semble difficile à poser et à mettre en œuvre actuellement. Cette réticence à faire ce constat tient peut-être à une mentalité qui doit changer. La faillite doit être perçue autrement que comme un échec et un tabou. Nous avons sans doute encore beaucoup à apprendre des pays anglo-saxons en la matière.

1Les chiffres et statistiques auxquels il est fait référence dans le présent article sont repris de l'étude de Graydon Belgium du 30 décembre 2011.

Article 7 de la loi sur les faillites.

Article 41 de la loi sur la continuité des entreprises.

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