24/06/21

L'évaluation des accords-cadres doit-elle être communiquée ? La Cour de justice apporte des précisions.

Dans un arrêt récent, la Cour de justice de l'Union européenne confirme et clarifie sa jurisprudence antérieure sur les accords-cadres. Les accords-cadres contiennent l'obligation d'indiquer la quantité et/ou la valeur estimée et la quantité et/ou la valeur maximale dans l'avis de marché ou dans le cahier des charges. Toutefois, l'absence de cette mention n'entraîne pas l’absence d’effet d'un contrat déjà conclu.

Dans un précédent arrêt du 19 décembre 2018 (affaire C-216/17), la Cour de justice  confirmait que les principes de transparence et d'égalité de traitement exigent qu'un pouvoir adjudicateur indique à l'avance la quantité totale couverte par l'accord-cadre dans les documents du marché (voir notre précédent e-zine disponible en néerlandais).

Dans un arrêt très récent du 17 juin 2021 (affaire C-23/20), la Cour de justice a confirmé sa jurisprudence. La Cour de justice précise également que la sanction sévère de la déclaration d’absence d’effet ne peut pas être appliquée par analogie aux accords-cadres qui ont été annoncés au Journal officiel de l'Union européenne, mais dans lesquels la quantité et/ou la valeur estimée ou maximale n'est pas indiquée.

La quantité et/ou la valeur estimée ainsi que la quantité et/ou la valeur maximale sont précisées dans l'avis de marché, dès lors que cette quantité et/ou cette valeur maximale est atteinte – l'accord-cadre cesse de produire ses effets.

Selon le pouvoir adjudicateur concerné, les faits à l'origine du récent arrêt de la Cour de justice étaient quelque peu différents des faits à l'origine de l'arrêt du 19 décembre 2018. En particulier, l'affaire en question concernait un accord-cadre avec un participant, qui devait être conclu par une certaine région du Danemark, une autre région danoise n'y participant que ‘sur option’. La portée de l'arrêt du 19 décembre 2018 doit être limitée aux circonstances dans lesquelles un pouvoir adjudicateur agit pour le compte d'autres pouvoirs adjudicateurs qui ne sont pas directement parties à l'accord-cadre, ce qui n'était donc pas le cas en l'espèce.

Toutefois, la Cour de justice a confirmé que les principes d'égalité de traitement et de transparence exigent également dans ce cas que la quantité et/ou la valeur estimée et maximale soit communiquée aux opérateurs économiques intéressés. Une fois la quantité maximale atteinte, le contrat ne peut plus sortir d’effet et aucun contrat individuel ne peut être attribué au titre de cet accord-cadre "complet".

Il y a deux mises en garde à ce sujet : 

  • des changements qui ne sont pas substantiels sont clairement possibles pendant l'exécution ; et 
  • la quantité ou la valeur maximale des prestations à fournir au titre d'un accord-cadre peut figurer indifféremment dans l'avis de marché ou dans le cahier des charges. Les pouvoirs adjudicateurs sont tenus de fournir un accès gratuit, direct et complet aux documents du marché à partir de la date de publication d'un avis de marché.

Quant à la question de savoir si cette obligation d'indiquer la quantité ou la valeur estimée et maximale doit être examinée individuellement pour chaque autorité participante, la Cour de justice répond que cette quantité et/ou cette valeur estimée et maximale se réfère à la "globalité" des prestations à fournir au titre de l'accord-cadre. Toutefois, rien n'empêche le pouvoir adjudicateur d'imposer des exigences supplémentaires et, à cet égard, de subdiviser les quantités maximales, par exemple, afin de refléter les besoins des différentes autorités concernées.

La sanction de la déclaration d’absence d’effet ne s'applique pas lorsqu'un avis de marché a été publié au Journal officiel de l'Union européenne, même si la quantité et/ou la valeur maximales n'ont pas été indiquées dans l'avis de marché ou dans le cahier des charges.

Un marché public qui n'a pas fait l'objet d'une publicité au niveau européen, alors qu'il devait l'être en vertu de la règlementation relative aux marchés publics, peut être déclaré sans effet. Cette sanction stricte a été introduite pour lutter contre la passation illégale de marchés de gré à gré.

Dans cette affaire, la question a été posée de savoir si cette sanction pouvait également être appliquée à un accord-cadre qui, bien qu'ayant fait l'objet d'une publicité au Journal officiel de l'Union européenne, ne comportait pas la quantité et/ou la valeur estimée dans l'avis de marché mais dans le cahier des charges, et dont la quantité et/ou la valeur maximale n'était annoncée ni dans l'avis de marché ni dans le cahier des charges.

La Cour de justice a estimé que l'extension de cette sanction, tout de même significative, serait disproportionnée par rapport à l’avis de marché insuffisant susmentionné. Une telle violation du droit des marchés publics, selon la Cour, n'est pas suffisamment grave pour appliquer cette sanction.

La question est maintenant de savoir si, compte tenu de l'absence de sanction une fois l'accord-cadre conclu, les pouvoirs adjudicateurs ne seront pas enclins à signer le contrat le plus rapidement possible. En d'autres termes, y aura-t-il une course à la signature ?

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