Une distinction est classiquement opérée entre la gestion d'une société (fonctionnement interne) et la représentation de celle-ci vis-à-vis des tiers (fonctionnement externe) et les personnes qui peuvent valablement gérer et représenter la société sont déterminées par la loi et les statuts.
Le pouvoir général de gestion (qui peut décider au sein d'une société) est conféré par la loi au conseil d'administration (CA) dans son ensemble, tout comme le pouvoir général de représentation vis-à-vis des tiers (qui peut signer pour la société). Dans la plupart des cas, les statuts prévoient que la société n'est pas représentée dans tous ses actes par le CA dans son ensemble mais soit par un seul administrateur, soit par plusieurs administrateurs agissant conjointement (cas le plus fréquent), soit par un administrateur délégué. Il est en tous cas nécessaire que la personne à qui le pouvoir général de représentation de la société est confié, à savoir une représentation concernant tous les actes de la société, soit un administrateur. Prévoir un pouvoir de représentation de la société vis-à-vis des tiers permet de protéger ces tiers au cas où une décision (pouvoir de gestion) n'aurait pas été valablement prise.
Illustrons ces propos par un exemple. Une société qui vend des médicaments souhaite relocaliser ses activités. Elle n'est pas propriétaire de l'immeuble dans lequel elle exerce ses activités mais elle le loue. La société doit donc mettre fin au bail existant et conclure un nouveau bail pour l'immeuble dans lequel elle va souhaiter poursuivre ses activités. Le CA de cette société est composé de 6 administrateurs et le CA peut prendre ses décisions à la majorité simple des voix. Les statuts de la société prévoient que la société est valablement représentée dans tous ses actes par deux administrateurs agissant conjointement. Le nouveau bail est conclu par deux administrateurs mais sans que ces administrateurs n'aient préalablement obtenu l'approbation du CA quant au choix de l'immeuble. La décision de signer le nouveau bail aurait dû être prise par le CA, soit au minimum par une majorité de 4 administrateurs sur les 6 si tous les administrateurs sont présents à la réunion du CA en question. Qu'en est-il si la majorité des administrateurs décident que dans l'intérêt de la société, celle-ci ne doit pas signer ce nouveau contrat de bail, par exemple car la situation n'est pas jugée optimale ou que le loyer est estimé trop élevé? Il est donc décidé (dans l'ordre interne) de ne pas conclure le contrat de bail qui a pourtant été signé par deux administrateurs. Afin de protéger le bailleur, la société est valablement liée par le contrat de bail signé par deux administrateurs, mais ces administrateurs pourront voir leur responsabilité engagée vis-à-vis de la société (ordre interne) pour le préjudice subi par celle-ci (par exemple, les indemnités à payer pour rompre ce bail) en raison de leur faute (avoir signé un contrat sans décision du CA).
En pratique, le pouvoir de gestion et le pouvoir de représentation sont souvent modalisés. Dans le même souci de protection des tiers, toutes les clauses limitant les pouvoirs de gestion et de représentation d'une société qui seraient prévues dans les statuts, par exemple, des clauses limitant le pouvoir d'engager la société au-delà d'un certain montant ou octroyant un droit de véto à certains administrateurs, bien qu'elles jouent un rôle dans l'ordre interne de la société, ne sont pas opposables aux tiers même si elles sont publiées.
Ces répartitions de compétence ont, comme nous l'avons vu, un impact sur la responsabilité des dirigeants d'entreprise. Un administrateur est membre d'un organe de la société, à savoir le CA, et par principe, les membres du CA ne contractent aucune responsabilité personnelle relativement aux engagements de la société. C'est la société qui est responsable des décisions prises par ses organes tels que le CA. Dans notre exemple, c'est bien entendu la société, valablement liée par le contrat de bail, à qui il incombera de respecter ses obligations de locataire dont le paiement des loyers et non aux administrateurs. Cela ne veut bien entendu pas dire que les dirigeants d'entreprise ne peuvent pas être tenus responsables pour leurs actes ou omissions. La loi prévoit en effet toute une série de cas dans lesquels les administrateurs peuvent voir leur responsabilité engagée. Il s'agit, par exemple, d'une faute de gestion simple (celle qu'un dirigeant normalement prudent et diligent n'aurait pas commise), d'une violation du Code des sociétés ou des statuts ou d'une faute grave et caractérisée ayant contribué à la faillite.
Les dirigeants d'entreprises doivent en outre veiller à respecter les règles de bonne gouvernance. Tant le Code belge de gouvernance d'entreprise 2009 destiné aux sociétés cotées, que le Code Buysse II destiné aux autres sociétés (société familiale, PME, grande société) donnent une série d'indication aux dirigeants sur le comportement qu'ils doivent adopter (attitude étique, décisions à prendre dans l'intérêt de la société), dans le but de les aider à gérer correctement leur société dans une perspective de croissance et de développement à long terme. Les dirigeants doivent par exemple correctement identifier, évaluer, gérer et contrôler les risques auxquels la société est confrontée et si nécessaire, s'entourer de conseils objectifs. La création de comités est aussi recommandée, en passant par un comité d'avis au sein des sociétés n'ayant qu'un seul dirigeant, à la création de comités d'audit, stratégique, financier ou de nomination et rémunération au sein des sociétés de grande taille.
Un professionnalisme accru est donc exigé de la part des dirigeants d'entreprises qui doivent non seulement être loyal envers la société et agir avec prudence et diligence mais qui doivent également faire preuve de compétences et de connaissances de plus en plus pointues dans de nombreux domaines, par exemple, en matière financière ou comptable. Renforcer les responsabilités des dirigeants d'entreprise peut apparaître bien entendu bénéfique. Les investisseurs sont de plus regardants sur la manière dont une entreprise est gouvernée avant d'y investir tout comme l'est un juge appelé à se prononcer sur la responsabilité éventuelle d'un dirigeant. Cependant, cette responsabilité renforcée comporte également de nombreux risques, dont celui de repousser les aspirants à la fonction de dirigeants ou de freiner leurs initiatives. Le juste équilibre entre l'encadrement des activités des dirigeants d'entreprise dans le respect de règles de bonne gouvernance d'une part et la liberté nécessaire à l'innovation et au développement économique d'autre part reste bien difficile à trouver.