1. Depuis le 1er juin 2010, un nouveau règlement d’exemption sur les restrictions verticales de concurrence est entré en vigueur. Il s’agit du règlement 330/2010 qui remplace le précédent règlement (2790/1999) qui était en vigueur depuis 1999.
Ce nouveau règlement s’inscrit toutefois dans la logique du précédent règlement et les nouveautés sont peu nombreuses. Tout au plus certaines nuances sont-elles renforcées.
Nous ne pouvons, dans le cadre de cette newsletter, décrire en détail toutes les implications de ce nouveau règlement et nous nous contenterons d’en souligner les principaux aspects.
Alors que l’article 101§1 du Traité de l’Union Européenne interdit les accords restrictifs de concurrence (ce que sont des accords contenant des clauses de non concurrence, d’exclusivité territoriale, d’approvisionnement exclusif,…) susceptibles d’affecter le commerce entre Etats Membres, l’article 101§3 permet d’exempter certaines restrictions de concurrence notamment parce qu’elles peuvent avoir un effet bénéfique sur l’efficience des réseaux de distribution ou pour les consommateurs.
Le but du règlement est principalement de préciser les conditions auxquelles certaines restrictions de concurrence peuvent être exemptées dans le cadre de relations verticales (fournisseur/acheteur, franchiseur/franchisé, concédant/distributeur,…).
2. Le règlement confirme que les accords dont les protagonistes ne réunissent pas plus de 30 % de parts de marché, sont présumés ne pas affecter le commerce entre Etats Membres. Toutefois ce seuil doit à présent être satisfait tant au niveau du fournisseur qu’au niveau de l’acheteur.
3. Le règlement confirme ensuite l’existence de restrictions caractérisées (dites « hardcore ») dont la présence dans les contrats de distribution prive ceux-ci, pour leur ensemble, du bénéfice de l’exemption. Il s’agit notamment de l’imposition aux distributeurs, de façon directe ou indirecte, de ses prix de revente, d’une obligation de non-concurrence dont la durée excède 5 ans ou d’une obligation d’approvisionnement exclusif portant sur plus de 80% des achats du distributeur et dont la durée excède 5 ans.
Pour ces deux dernières restrictions, une exception a été maintenue lorsque le fournisseur met les locaux à disposition du distributeur, auquel cas la restriction peut avoir une durée excédant 5 ans mais n’excédant pas la durée du droit d’occupation ou du bail.
Ainsi lorsque le fournisseur, concédant ou franchiseur met les locaux à disposition de l’acheteur, distributeur ou franchisé ou qu’il les lui sous- loue, l’obligation de non concurrence et celle d’approvisionnement exclusif à plus de 80% pourront donc perdurer pour toute la durée du contrat de bail.
4. A coté de ces restrictions caractérisées, le règlement énonce certaines autres restrictions qui ne peuvent être exemptées en elles-mêmes, mais dont la présence ne prive pas l’accord du bénéfice de l’exemption pour les autres restrictions éventuelles.
Il s’agit essentiellement de toute restriction faite au distributeur quant à des ventes passives en dehors de son territoire et de toute restriction de vente active ou passive dans le cadre d’un réseau de distribution sélective, étant entendu cependant que le fournisseur pourra imposer à son distributeur de ne vendre qu’à partir d’un point de vente déterminé.
A cet égard le règlement confirme que les ventes faites par internet sont des ventes passives et que dès lors, il s’agit d’un réseau de distribution exclusive ou de distribution sélective, le distributeur ne pourra en principe être restreint quant à l’utilisation d’internet pour la vente des produits contractuels.
Si le nouveau règlement renforce encore cette liberté qui doit être laissée quant à l’utilisation d’internet, il en précise cependant les contours permettant à un fournisseur, et notamment à un franchiseur, d’imposer un certain nombre de modalités et de standards comme il le ferait pour un point de vente.
5. Il convient également de relever que la franchise fait l’objet d’une lecture très favorable par la Commission. Celle-ci précise en effet (sub 190 des lignes directrices) que :
a) Plus le transfert de savoir-faire est important, plus il est probable que les restrictions généreront des gains d’efficience et/ou seront indispensables pour protéger le savoir-faire et que les restrictions verticales satisferont aux conditions énoncées à l’article 101§3 du traité.
b) L’obligation de non concurrence (qui recouvre aussi l’obligation d’approvisionnement exclusif à plus de 80%) relative aux biens ou services achetés par le franchisé ne relèvera pas de l’article 101§1 du traité lorsqu’elle est nécessaire au maintien de l’identité commune et de la réputation du réseau franchisé. Dans un tel cas la durée de l’obligation de non concurrence n’est pas un facteur pertinent au regard de l’article 101§1 pour autant qu’elle n’excède pas celle de l’accord de franchise lui-même.
La Commission considère donc qu’a priori une obligation de non concurrence et une obligation d’approvisionnement exclusif à plus de 80%, dans le cadre d’un contrat de franchise, pourront être maintenues pendant toute la durée de ce contrat. Seules certaines situations spécifiques pourraient amener la Commission, ou les tribunaux appelés à en connaître, à une appréciation différente.
6. Dans le même esprit, les lignes directrices énoncent certaines restrictions qui sont considérées comme nécessaires à la protection des droits de propriété intellectuelle du franchiseur :
-L’obligation faite au franchisé de ne pas exercer une activité similaire
-L’obligation faite au franchisé de ne pas avoir une participation dans des entreprises concurrentes lui donnant un pouvoir de décision
-L’obligation faite au franchisé de ne pas divulguer le savoir-faire qui lui est transmis
-L’obligation pour le franchisé de communiquer toute amélioration qu’il apporterait au concept et d’en accorder un droit de licence non exclusive au franchiseur.
-L’obligation pour le franchisé de ne pas utiliser le savoir faire à d’autres fins que l’exécution du contrat de franchise
-L’incessibilité des droits accordés au franchiseur dans le cadre du contrat de franchise.
6. En conclusion le nouveau règlement ne fait que renforcer et préciser les tendances déjà présentes dans le règlement précédent. Il contient cependant un certain nombre de précisions nouvelles qui devraient permettre aux entreprises de rédiger leurs contrats avec un degré de sécurité juridique renforcé.
A cet égard, le nouveau règlement est d’application immédiate pour tous les contrats conclus après le 1er juin 2010. Il convient donc de vérifier si les contrats types utilisés par les entreprises sont bien conformes à ce nouveau règlement.
Par contre les contrats conclus avant le 1er juin 2010, s’ils étaient en conformité avec le précédent règlement, continueront à bénéficier de l’exemption pendant une période transitoire s’achevant le 31 mai 2011. D’ici-là les entreprises sont invitées à revoir les contrats existants et à les amender, si nécessaire, au regard du nouveau règlement.
Ce nouveau règlement aura une durée de 12 ans expirant le 31 mai 2022.