Face aux pesanteurs de la justice étatique, voire de l’inaptitude de celle-ci à trancher certains litiges hors normes, l'arbitrage s'est considérablement développé ces dernières années tant sur le plan international que sur le plan national.
L'arbitrage est une forme de règlement de conflit par laquelle les parties en litige décident de soumettre leur différend à un tribunal arbitral, juridiction privée et choisie, composée généralement de un à trois arbitres. Ceux-ci, aux termes une procédure « sur mesure », flexible et en principe rapide, rendent une décision - la sentence arbitrale - qui n'est pas susceptible de recours, sauf les cas exceptionnels d'annulation et à moins que les parties ne se soient réservé l’appel. Exécutée volontairement dans la plupart des cas, le pouvoir judiciaire doit rarement accorder l’exequatur de la sentence aux fins d'exécution forcée.
L'arbitrage dit "ad hoc" (organisé par les parties elles-mêmes, souvent pas référence aux dispositions de notre Code judiciaire) ou institutionnel (via une institution comme le CEPANI ou la CCI,..) permet une justice plus rapide rendue par des spécialistes choisis pour leur compétence dans la matière litigieuse et leurs garanties de totale discrétion. Les arbitres sont en effet astreints à une confidentialité absolue : l'arbitrage n'est pas public et les sentences arbitrales ne peuvent être publiées qu'avec l'accord des parties. Mécanisme conventionnel de résolution des conflits, l'arbitrage repose entièrement sur la volonté des parties, qu’elles se réfèrent au règlement d'une institution ou qu’elles préfèrent organiser elles-mêmes la procédure. Les justiciables demeurent ici maîtres de leur litige, ce qui tend à maintenir un certain climat de confiance entre elles. Or, la préservation du lien s’avère souvent nécessaire lorsque les opérateurs économiques sont appelés à rester en relations d'affaires. La conciliation des parties, par les arbitres, s’en trouve du reste facilitée
S’agissant de relations commerciales internationales, les parties optant pour l'arbitrage s’épargnent une empoignade aventureuse, dans une langue étrangère, au prix d’une procédure inconnue voire incompréhensible, jalonnées d'interminables conflits de juridictions. Par le recours à l'arbitrage, elles s’offrent de situer leur différend dans un cadre familier, dans une langue (fréquemment l'anglais) qu'elles auront au préalable agréé, sous l’égide d’une institution d'arbitrage, et dans un espace-temps, uniques.
Mais cette forme de résolution de conflits n'est elle pas réservée à une catégorie privilégiée de justiciables? Même si les partisans de l'arbitrage flattent la prévisibilité de ses coûts, il faut concéder que cette forme de justice privée s'avère, notamment par la barémisation des honoraires des arbitres en fonction de l'enjeu du litige et de leur degré de compétence, beaucoup plus onéreuse que notre justice traditionnelle, ce d'autant que les arbitres rechignent souvent à condamner la partie succombante au paiement des frais d'arbitrage. Or, grâce au récent système des indemnités de procédure, le perdant s’expose, dans le cadre d'un litige judiciaire, à la prise en charge, non seulement de ses propres frais mais également, et dans une certaine mesure, à ceux de son adversaire. (P)osons, plus fondamentalement, la question : l’arbitrage est-il une panacée ?? Nos juridictions sont-elles à ce point défaillantes qu'il faille recommander la déjudiciarisation à tout (tous !) prix ?
Sur le plan national, l'arbitrage se conçoit certes en presque toutes matières. Mais nos cours et tribunaux sont organisés en chambres spécialisées et maitrisent souvent excellemment les contentieux qui leur sont soumis, en sorte que le recours à un (et a fortiori plusieurs) arbitre(s) spécialisé(s) ne se justifie pas si souvent. Il ya aussi, quant à l’avantage de la célérité, que l’arriéré judiciaire est un fléau essentiellement bruxellois, tandis quel es arbitres, souvent avocats et/ou professeurs, consacrent rarement l'entièreté de leur temps - hormis quelques exceptions- à cette fonction particulière, ce qui relativise leur disponibilité. En pratique, même s'ils veillent à la ponctualité de leurs sentences, celles-ci se font parfois attendre. Songeons aussi que l’arbitrage accuse certaines limites, comme celles de l’urgence et de son extension à des tiers., Malgré tout, il demeure que certains types de litiges, à haute densité passionnelle (ex. une succession) ou technique (ex. en informatique), de même que les litiges de faible 'importance n’ont pas leur (meilleure) place au palais de justice, et n’y trouvent pas de solution vraiment pérennes et apaisantes..Là ou souvent les arbitres tendent à statuer en équité, nos cours et tribunaux se doivent d’appliquer « froidement » les règles de droit, au risque d’éloigner les parties de l’idée de "justice" et leur laisser en héritage une solution unanimement frustrante. C’est alors, précisément, que l'arbitrage - couplé, idéalement, aux autres modes de règlements alternatifs de litige comme l'expertise technique, la médiation, le mini-trial organisées par les mêmes institutions - présente sans conteste une inestimable plus- value, tant nos juridictions sont peu équipées, débordées, cadenassées par les lois et procédures inaptes à sceller une vrai paix judiciaire dans ces litiges particuliers.
Pour toutes ces raisons, dans tous ces cas, ainsi que dans le cadre des litiges transfrontaliers et, multipartites, aux contours juridiques et factuels complexes, l'arbitrage et les autres modes alternatifs de règlement des litiges présentent sans conteste de nombreux avantages par rapport à notre justice traditionnelle et sont, sans doute, encore voués à un bel avenir. Gageons, entre autres souhaits, que ces prétoires alternatifs sauront, à tous égards, rester accessibles, et pourront relever le défi de l’urgence qui, inexorablement, gagne les contentieux de tous types.