Pour soutenir les innovations et la recherche en matière pharmaceutique, le droit communautaire prévoit la possibilité pour les firmes pharmaceutiques de demander, pour leurs principes actifs, l’octroi d’un certificat complémentaire de protection. La période de protection « utile » d’un brevet étant parfois largement entamée lorsque la société obtient l’autorisation de le mettre sur le marché (AMM), le CCP est destiné à prolonger la protection conférée au principe actif par le brevet afin de permettre aux sociétés pharmaceutiques d’amortir les investissements réalisés dans la recherche.
La Cour de Justice de l’Union Européenne vient de rendre à cet égard deux nouveaux arrêts décisifs concernant le champ d’application de ce régime spécifique : elle se prononce plus particulièrement sur les circonstances dans lesquelles le produit concerné doit avoir été mis sur le marché.
Dans un contexte extrêmement concurrentiel, renforcé par le développement des firmes de médicaments génériques, la Cour de Justice est régulièrement saisie par les juridictions nationales de questions préjudicielles portant sur l’interprétation du Règlement 1768/92 du Conseil, du 18 juin 1992, concernant la création d’un certificat complémentaire de protection pour les médicaments.
Par deux arrêts du 28 juillet 2011, la Cour de Justice de l’Union s’est prononcée sur la question de l’octroi d’un CCP pour des principes actifs (la mémantime et la galantamine) ayant été mis sur le marché sans avoir fait l’objet du contrôle d’innocuité et d’efficacité prévu par la Directive 65/65 du 26 janvier 1965 concernant le rapprochement des dispositions législatives, réglementaires et administratives, relatives aux médicaments.
Les principes actifs en cause avaient en effet d’abord été introduits sur le marché européen en vertu d’une AMM antérieure à l’entrée en vigueur de cette Directive et avaient par la suite fait l’objet d’une AMM conforme à cette Directive.
Rappelant l’objectif visé par le Règlement 1768/92, la Cour de Justice estime qu’« il serait contraire à cet objectif de compensation du délai lié à l’obtention d’une AMM nécessitant une évaluation longue et onéreuse de l’innocuité et de l’efficacité du médicament concerné qu’un CCP, qui constitue l’extension d’une exclusivité, puisse être accordé pour un produit qui, avant d’avoir été soumis à une procédure d’autorisation administrative en vertu de la directive 65/65, comprenant l’évaluation de son innocuité et de son efficacité, a déjà pu être commercialisé, en tant que médicament, sur le marché communautaire ».
Par conséquent, l’article 2 du règlement (CEE) n° 1768/92 du Conseil doit être interprété en ce sens qu’un produit, qui, en tant que médicament à usage humain, a été mis sur le marché dans l’union Européenne avant d’avoir obtenu une autorisation de mise sur le marché conforme à la directive 65/65/CEE et, notamment, sans avoir été soumis à l’évaluation de son innocuité et de son efficacité, ne relève pas du champ d’application de ce règlement et ne peut faire l’objet d’un certificat complémentaire de protection.
Ecartant toute ambigüité quant aux conséquences de cette interprétation, la Cour précise encore qu’un CCP délivré pour un produit qui ne relève pas du champ d’application du règlement n° 1768/92 est nul .
La Cour de justice confirme ainsi que le régime des CCP ne s’applique qu’aux produits mis sur le marché après un contrôle de leur efficacité et de leur innocuité. Les produits ayant bénéficié d’une AMM antérieure n’exigeant pas un tel contrôle ne sont donc pas visé par ce régime.
En outre, la Cour précise que cette condition (conformité de l’AMM) doit s’apprécier au regard du marché de la Communauté et non celui de l’Etat membre dans lequel a été présentée la demande de brevet. Il suffit dès lors que le principe actif ait bénéficié d’une AMM sans contrôle d’efficacité et d’innocuité préalable dans un pays européen pour empêcher l’application de ce régime de protection dans un autre pays européen.
Sources :
- CJUE, 28 juillet 2011, Synthon B.V. c. Merz Pharma GmbH & Co KGaA, C- 195/09.
- CJUE, 28 juillet 2011, Generics (UK) Ltd c. Synaptech inc., C-427/09.