Depuis le 1er janvier 2021, les conseillers fiscaux et autres intermédiaires doivent communiquer aux autorités fiscales des informations sur certaines constructions (fiscales) transfrontalières. Cette obligation déclarative découle de la fameuse directive européenne « DAC 6 », transposée en Belgique par une loi du 20 décembre 2019.
Il s’agit sans aucun doute de l'une des évolutions les plus importantes de ces dernières années sur la scène fiscale internationale. Les premières déclarations « DAC 6 » doivent être rentrées au plus tard le 28 février 2021. Le temps est donc venu d’analyser brièvement les principales questions pratiques que suscitent cette nouvelle obligation déclarative.
Quoi ? Les ‘intermédiaires’ ne sont pas obligés de signaler toutes leurs combines fiscales aux autorités fiscales. Seuls certains dispositifs transfrontières agressifs doivent être déclarés. La liste des montages à déclarer est toutefois très large. Certaines structures tombant sous le coup de l'obligation de déclaration sont en effet définies par la loi en termes vagues et généraux, ce qui posera sans aucun doute beaucoup de problèmes (et de maux de tête) aux intermédiaires concernés. A titre illustratif, les montages suivants pourraient dans certains cas être visés :
• la cession par une personne physique d’actions à une holding étrangère qu’elle contrôle (avec à la clef la réalisation d’une plus-value sur actions exonérée);
• certaines techniques de planification successorale transfrontières mises en place par des particuliers belges (utilisation d’une fondation hollandaise, souscription de produits d’assurance-vie luxembourgeois, donation à des enfants non-résidents,…)
• le transfert par une société belge d’actifs incorporels difficiles à évaluer à une société liée étrangère;
• le versement par une société belge d’intérêts ou de commissions à une société liée faiblement imposée ;
• le transfert d’actifs (affectés à une activité commerciale) par une société belge à une société étrangère liée ;
• le paiement par une société étrangère de redevances à une société belge bénéficiant de la déduction pour revenus d’innovation, etc.
Qui ? L’obligation déclarative incombe en principe à l’«intermédiaire» impliqué dans la conception ou la mise en œuvre du montage en question. Sont non seulement visés les cabinets internationaux d'avocats ou de consultance (‘Big Four‘) - dont la planification fiscale est le pain quotidien -, mais aussi les banques, experts-comptables, gestionnaires de fortune, estate planners, réviseurs d'entreprises, asset managers de fonds d’investissement, compagnies d’assurance, family offices,.. qui fournissent une aide ou une assistance dans la conception ou la mise en place du dispositif. Dans certains cas, l'obligation de déclaration est transférée sur les épaules du contribuable, par exemple lorsque l’intermédiaire est protégé par le secret professionnel (avocat).
Quand ? L’intermédiaire doit fournir aux autorités fiscales une panoplie d’informations sur les dispositifs en question, endéans une période de 30 jours. Ce délai commence à courir dès la « mise à disposition » du montage au contribuable, c’est-à-dire avant sa mise en œuvre effective. Il ne peut être exclu qu'un fonctionnaire vienne à contacter un conseiller fiscal, peu après avoir reçu les informations sur un dispositif, pour l'informer que l'administration pourrait contester le dispositif, par exemple sur la base de dispositions anti-abus, s'il venait à être mis en œuvre ! De belles discussions en perspective…
Les intermédiaires auraient tort de prendre ces nouvelles obligations déclaratives à la légère. Leur violation est en effet passible de lourdes sanctions (l’échelle d’amendes peut aller jusqu'à 100.000 euros !), sans oublier le risque réputationnel (ce qui ne laissera pas les banquiers indifférents…).
Les intermédiaires ont intérêt à mettre en place des procédures internes aptes à détecter les montages transfrontaliers agressifs auxquels ils participent, de manière à pouvoir remplir leur obligation déclarative à partir de fin février 2021. Vu la complexité et la lourdeur de ces nouvelles obligations, la création de services dédiés à DAC 6, en particulier au sein des banques et des cabinets de consultance internationaux, semble quasiment inéluctable. La compliance est décidément un métier d’avenir !