Le 12 avril 2011, le Tribunal de première instance de Malines a pronounce un important jugement dans une affaire opposant le distributeur de services Telenet à différentes sociétés de gestion collective de droits d’auteur et de droits voisins. Au coeur du débat, la question de l’« injection directe » des programmes de télévision linéaire et celles, sous-jacente, d’un éventuel double paiement perçu par les sociétés de gestion collective et de la répartition des rôles entre l’éditeur de services et le distributeur dans la communication au public de ces programmes. En substance, selon le tribunal, l’injection directe d’un programme ne relève pas de la « retransmission par câble » au sens la loi du 30 juin 1994 relative au droit d’auteur et aux droits voisins dès lors qu’il n’est question que d’une communication au public unique qui peut être assimilée à une transmission initiale. Depuis le célèbre arrêt Coditel du 18 mars 1980 de la CJUE, la notion d’« acte de communication au public » a été fréquemment au coeur de débats entre les « utilisateurs » d’oeuvres et les titulaires de droits sur ces oeuvres. Trois affaires actuellement pendants devant la CJUE en donnent encore l’illustration.
Dans ses conclusions présentées le 7 mars 2001 dans l’affaire Airfield (aff. C-431/09 et C-432/09), du nom d’un distributeur par satellite de bouquets de chaînes de télévision au public opposé à deux sociétés de gestion collective de droits d’auteur, l’Avocat Général N. Jääskinen a eu l’occasion de souligner que ce qui caractérise le nouvel acte d’exploitation, déterminant de la nouvelle autorisation et d’un nouveau paiement, réside in fine dans l’objectif poursuivi par le distributeur de services et les moyens mis en oeuvre pour atteindre un éventuel « nouveau public » distinct de celui ciblé par l’éditeur de services originaire. Dans l’affaire en cause, l’Avocat Général considère qu’Airfield définit son propre public en formant les bouquets de chaînes télévisées qui consistent en un autre produit audiovisuel que les chaînes individuelles qui les composent.
Dans l’affaire Marco Del Corso (aff. C-135/10), dentiste à qui une société de gestion de droits voisins réclame le paiement d’une remuneration équitable pour la diffusion d’émissions de radio dans son cabinet médical, l’Avocat Général V. Trstenjak a présenté, le 29 juin 2011, des conclusions aux termes desquelles, dans la détermination de l’existence d’une communication au public, une approche fonctionnelle doit être adoptee par laquelle il convient d’avoir égard à la création d’un accès et cela peu importe la technique de transmission du signal utilisé. Un dentiste qui rend lui-même les émissions de radio audibles pour ses patients et par conséquent, indirectement les phonogrammes utilisés dans les emissions de radio procède, selon l’Avocat Général, à un acte de communication au public.
Dans l’affaire Phonographic (aff. C-162/10), opposant cette fois une société de gestion de droits voisins à l’exploitant d’un hôtel irlandais, le meme Avocat Général V. Trestenjak a présenté, également le 29 juin 2011 des conclusions par lesquelles il a confirmé qu’il suffit que des phonogrammes soient audibles pour considérer qu’il y a communication au public. Ainsi, si l’hôtelier fait installer des appareils tels que des télévisions ou des radios et leur transmet un signal porteur de programmes, quelque soit la technique utilisée, il y a acte de communication au public, en l’occurrence la clientèle de l’hôtel. Celle-ci constitue, selon l’Avocat Général, un public nouveau composant un auditoire plus vaste que le public visé par l’acte de communication originaire de l’oeuvre.
Dans l’attente des arrêts de la CJUE, les conclusions générales présentées dans ces trois affaires sont déjà riches d’enseignement : dès lors qu’un éditeur de service pose un « acte de communication au public » compris comme étant l’acte par lequel il introduit, sous sa responsabilité et son contrôle, son programme dans le réseau du distributeur de services, au moyen d’un procédé de communication privé le conduisant directement vers son public pour lequel il acquis tous les droits utiles à la transmission de son programme, une seule communication au public a lieu de sorte qu’une seule autorisation et un seul payement devraient être requis.